Login

Des champions de « reco » des végétaux à Lyon

La reconnaissance devient plus un sport régional et national qu’une discipline mobilisée durant les formations professionnelles. Reste la motivation et la passion.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Les champions régionaux en reconnaissance des végétaux se préparent pour la finale nationale les 4 et 5 décembre 2019 au salon Paysalia, à Lyon. Dans le même temps, avec la rentrée, reprennent les éternels débats sur la dévalorisation de la « reco », devenue quasi facultative dans les formations en horticulture et paysage.

La situation est paradoxale, avec trois mouvements opposés :

• la « reco », fondue dans les nouveaux référentiels, devenue part microscopique dans les programmes, ou en tout cas très peu visible, car n’étant plus inscrite à part entière dans les notations certificatives et à l’examen…

• certains commencent à miser sur les applis de reconnaissance, pas toujours satisfaisantes ;

• des jeunes se mobilisent toujours plus, tous les deux ans, avec passion, pour le concours national organisé par l’interprofession. S’adressant à des compétiteurs individuels, peut-il compenser la perte de valeur dans les formations pour la majorité des élèves ?

Malgré tout, Loïc Etcheberry, enseignant depuis 4 ans en reconnaissance des végétaux auprès de lycéens et apprentis au lycée et à l’UFA Adriana de Tarbes (Hautes-Pyrénées), estime, pour ses cours au fil de l’année scolaire, qu’il a une marge suffisante pour apprécier et définir une liste de plantes importantes localement. Il a suffisamment de souplesse pour se constituer une base régionale de végétaux : « Je peux ajouter des plantes plus adaptées à la sécheresse, des plantes bien-être, des tendances et pratiques locales. Je n’oublie pas les aromatiques, les potagères, la végétation locale spontanée la plus utilisée, et les « mauvaises herbes » dont on a surtout oublié les vertus… »

On ne peut tout apprendre, mais la « reco » reste primordiale pour travailler avec le vivant. C’est ce que la plupart des professionnels de nos secteurs assurent toujours. Au-delà du discours, les formateurs « à l’ancienne » constatent que, la reco n’étant plus obligatoire, il est très difficile de motiver les élèves. D’autant plus avec un nombre croissant qui arrivent sans avoir vraiment choisi l’horticulture, ou qui ont déjà dans leur bagage de grosses difficultés scolaires. La motivation ne vient pas spontanément. Comment faire ?

Comment motiver sans obliger ?

Stéphane de Raffin, formateur en paysage à la MFR d’Uzès (Gard), constate : « Pour avoir préparé plusieurs fois des élèves à la reco en général, et au concours national en particulier, je vois bien qu’une grande partie de l’intérêt des jeunes pour la botanique se déclenche beaucoup en fonction de l’enseignant. » « C’est surtout une histoire de personnalités et de rencontres. Si nous arrivons à rendre la reco concrète, vivante, et si nous transmettons bien notre passion, nous pouvons faire comprendre l’intérêt de bien connaître les végétaux d’ornement », complète son collègue Hervé Tisserant. Tous deux poursuivent : « Mais, maintenant que le sujet n’est plus obligatoire pour l’examen, et si, en plus, le maître de stage ou d’apprentissage trouve la reco secondaire, alors c’est encore plus difficile de motiver les élèves. » Très attristés, de nombreux formateurs le constatent : « La reco n’est plus la priorité des élèves ; il est impossible d’imposer, alors ils s’occupent surtout de ce qui est obligatoire… »

« Le début de l’apprentissage en latin est ardu, voire indigeste, et il faut s’entraîner, comme pour un sport. La motivation ne peut être qu’individuelle », reconnaît Hervé Tisserant. Or, tout n’est pas perdu, il faut trouver la méthode qui plaira, s’y prendre différemment pour amener les élèves à « goûter », à avoir envie d’aimer les plantes. Il faut d’abord argumenter, cela passe bien si on explique l’intérêt de nos gammes végétales pour le climat, pour l’environnement, pour la planète. Encore faut-il que les formateurs aient la volonté et le temps de s’investir dans cette matière.

« Il faut valoriser l’intérêt des connaissances pour le futur, quel que sera leur métier. Parce que nombre de nos problèmes actuels, dont climatiques, ont une réponse qui peut passer par le végétal », assure Loïc Etcheberry. Il s’estime chanceux d’avoir sur place, notamment, le parc botanique et paysager Adriana, 2,5 ha exceptionnels en diversité végétale comme support pour ses cours de reco. Cela aide. « L’important d’abord, c’est l’envie et la passion que nous arrivons à communiquer. Tous les élèves ont des contrôles (notations) réguliers. Mais les plus motivés travaillent beaucoup chez eux, se créent leurs propres fiches, dossiers ou guide de révision. Nous n’avons pas de méthode particulière. Nous essayons parfois de rendre plus ludique l’apprentissage, par exemple, en équipe, ils doivent reconnaître le plus de végétaux en un temps donné. »

Parfois, à Tarbes, des élèves s’entraident spontanément. Un de ses élèves, Bruno Pastant, explique humblement, alors qu’il était déjà en 2e année de BTS, donc dans l’année de l’examen : « À la demande d’élèves et d’une prof, j’ai mis en place un club de reco. Une fois par semaine, durant la pause de midi, j’ai aidé les volontaires à s’entraîner. Nous faisions surtout des séances dans le parc Adriana. » Chapeau !

Des clubs de reco, des vidéos

Utilisant les moyens plus utilisés par les jeunes, le formateur Stéphane de Raffin, qui a lui-même candidaté deux fois au concours en tant que professionnel, a commencé à mettre en partage sur YouTube, depuis 2016, trois vidéos dédiées à la reco (voir encadré) : « Il faudrait le faire pour tous les niveaux, reconnaît-il. J’aimerais le faire mais c’est un énorme travail. »

À l’école d’horticulture de Roville-aux-Chênes, on se félicite d’avoir pu se distinguer avec déjà six champion(ne)s de France et quatre vice-champions en six années de participation au concours national (1). Cet engouement et ces résultats sont le fruit « d’une passion de la part de Catherine Lapierre, enseignante, qui a créé au sein de l’établissement un club de reconnaissance des végétaux. Il s’agit d’une véritable unité d’élite dans laquelle les jeunes volontaires se retrouvent pour de longues soirées d’échanges, de travail et de découvertes », assure Mélissa Grillot, chargée de communication pour l’école. En 2019, trois élèves vosgiens – Jonathan Collot en CAP PH/commerce, Alexis Didier en BTSA PH et Renan Minoux en BTSA AP – représenteront ainsi le Grand-Est, avec trois autres collègues de la région.

De temps en temps, comme à Tarbes, les établissements de formation trouvent un jeune qui arrive déjà passionné de plantes et de botanique, mais cela reste assez rare. Le concours, avec ses phases régionales puis nationale, a la vertu de surmotiver des élèves passionnés. Il révèle parfois des pépites de compétiteurs. Bruno Passetant, toujours lui, avait déjà la fibre rando et jardins. « Mais c’est à l’école, avec certains profs, et par les concours que j’ai eu envie d’aller plus loin dans la (re) connaissance des plantes. Le club de reco que je menais pour d’autres élèves, cela participait un peu à mon entraînement pour le concours national, mais pas complètement. Au national, au niveau III, il faut, en plus, connaître des caractéristiques des végétaux. » Bruno, qui a été deux fois champion d’Occitanie pour la reco, dont en 2017, l’année de son BTS AP, s’est entraîné et a obtenu une honorable 10e place à la finale nationale en 2017. « J’ai eu notamment des soucis avec les plantes lyonnaises, et avec des bourgeons parce qu’on était en hiver… », regrette-t-il. Son professeur Loïc Etcheberry va encore mener deux champions régionaux à la finale nationale en décembre 2019 à Lyon : Léo Gallais, en BTS PH par apprentissage, et Maxime Perrin, en bac pro TCVJ (vente).

Un concours régional et national, c’est très bien. Mais est-ce suffisant ? Loïc Etcheberry estime que la liste de végétaux du concours national (bien que distincte) reste assez proche de ce qui est attendu aux examens horticoles. Par contre, tous les enseignants contactés reconnaissent que ces compétitions concernent, en proportion, un très petit nombre d’élèves très investis, très motivés et passionnés de botanique et de plantes d’ornement. L’arbre qui cache la forêt ?

Les chiffres rassurent un peu : l’organisation des finales régionales mobilise des énergies. En 2019, quelque 53 élèves ont candidaté en région Pays de la Loire, 66 en Grand-Est, 80 en Nou­velle-Aquitaine, 180 en Occitanie…

La finale nationale 2019 va rassembler, quant à elle, soixante-treize compétiteurs issus de douze régions. Trente-neuf participent dans les trois niveaux en pépinière/aménagements paysagers, et trente-quatre dans les trois niveaux en productions horticoles/commerce. Rendez-vous donc au salon Paysalia à Eurexpo Lyon.

Odile Maillard

(1) http://www.roville.fr/actualites/concours.html

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement