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Temps de trajet dépôt-chantier : une indemnisation à négocier

Le point important sur l’indemnisation des salariés itinérants vers les chantiers a été modifié dans la convention nationale collective du paysage le 26 avril dernier. L’application est prévue dès janvier 2020, après négociation « dans les règles de l’art », en interne, dans chaque entreprise.

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L’avenant n° 24 de la convention collective nationale des entreprises du paysage, rédigé le 26 avril 2019, apporte des précisions sur la délicate question des temps de trajet pour les salariés itinérants qui se rendent sur les chantiers, depuis un dépôt ou une agence, afin d’exécuter­ leur mission. Il devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2020, sous réserve de son extension par le ministère du Travail, annonce attendue au cours de cet automne.

Une très grande majorité des entreprises qui re­lèvent de la convention collective du paysage seront maintenant concernées. L’enjeu : négocier en interne au sein de chaque société implique des précautions à prendre avant de se lancer, notamment sur les interlocuteurs idoines parmi les salariés, surtout en l’absence de délégués syndicaux. Et sur une procédure à respecter.

Que prévoit la convention collective ?

Dans sa rédaction datant de 2008, et toujours en vigueur à ce jour, l’article 6 de la convention précise que le lieu d’exécution du contrat de travail est le chantier. C’est-à-dire que le point de départ­ du temps de travail effectif, c’est l’arrivée sur le chantier. De ce fait, les salariés bénéficient d’une indemnisation spécifique pour couvrir les temps de trajet nécessaires entre le dépôt et le chantier, aller-retour. Cette indemnité dite de « petits déplacements » intègre également la valeur­ d’un « panier-repas » quotidien.

Le barème d’indemnisation par jour de travail est fonction de la distance, exprimée en rayon (vol d’oiseau), qui sépare le dépôt du chantier.

L’indemnité quotidienne se calcule en multiples de « minimum garanti (MG) » dont la valeur actuelle unitaire est de 3,62 euros. Ainsi :

x de 0 à 5 km : 3 MG, soit 10,86 € ;

x de 5 jusqu’à 20 km : 4 MG, soit 14,48 € ;

x de 20 jusqu’à 30 km : 5 MG, soit 18,10 € ;

x de 30 jusqu’à 50 km (voire 70 km dans les zones­ de faible densité de population) : 6 MG, soit 21,72 €.

Ce dispositif général ne règle pas tous les cas de figure­ dans le fonctionnement quotidien des entreprises. Au fil du temps, de plus en plus de questions d’interprétation du texte se sont posées.

Il était donc nécessaire de l’adapter à l’évolution du contexte juridique, et en fonction des organisations du travail décidées dans les entreprises.

Ce qui change au 1er janvier 2020

Puisque l’application descendante d’un seul et même texte national n’était plus suffisamment adaptée à la réalité du terrain, la convention collective ouvre désormais le champ de la négociation au sein même de chaque entreprise, quelle que soit sa taille. Ce qui signifie concrètement que chacune devra négocier les modalités d’indemnisation des temps de trajet pour se rendre sur les chantiers, en fonction de l’organisation qu’elle aura définie en amont. Ce n’est donc plus la convention collective qui s’appliquera directement mais l’accord collectif signé dans l’entreprise.

Cependant, cet accord devra, bien entendu, s’appuyer sur le texte national, qui proposera toujours un cadre de référence. Par exemple, pour fixer le barème des indemnités de petits déplacements qui sera revalorisé en 2019. Cet accord pourra également aborder d’autres thèmes de négociation­ tels que le taux de majoration des heures supplémentaires, la gestion des intempéries, les modalités d’organisation du temps de travail, l’annualisation…

Quels interlocuteurs pour négocier avec l’employeur ?

Cette négociation dans l’entreprise est une véritable nouveauté, principalement pour les TPE non habituées à négocier collectivement avec leurs salariés.

Car avant la loi travail de 2016 et les ordonnances Macron de 2017, seules les entreprises pourvues d’un délégué syndical pouvaient conclure un accord collectif d’entreprise. Désormais, la négociation peut s’ouvrir quelle que soit la configuration interne de l’entreprise.

Mais si cette ouverture présente des avantages, elle peut également s’avérer dangereuse si elle est mal maîtrisée. Il convient donc d’en préciser le périmètre dans les grandes lignes :

- si l’entreprise comporte des délégués syndicaux, elle sera obligée de négocier avec eux ;

- en l’absence de délégués syndicaux, trois hypothèses se présentent.

Première hypothèse

Une entreprise dont l’effectif habituel est de moins de 11 salariés ou entre 11 et 20 salariés et sans membre élu du CSE*. Attention, il faut que l’entreprise atteste de l’absence d’élu par le procès-verbal de carence des élections professionnelles. Dans ce cas, l’employeur peut proposer aux salariés un projet d’accord, validé par approbation à la majorité des deux tiers du personnel.

Deuxième hypothèse

Une entreprise dont l’effectif habituel est compris entre 11 et 50 salariés. L’employeur dispose alors de deux modes de négociation au choix :

1– soit avec un ou plusieurs élus titulaires du personnel. Dans ce cas, les élus titulaires du CSE et signataires­ doivent représenter la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ;

2–soit avec un ou plusieurs salariés mandatés par une organisation syndicale représentative.

Dans ces deux cas, l’accord conclu avec un salarié mandaté par un syndicat doit être ap­prouvé­ par les salariés à la majorité des suf­frages exprimés.

Troisième hypothèse

Une entreprise dont l’effectif habituel est de 50 salariés et plus. L’employeur doit alors respecter un ordre pour ouvrir la négociation­.

1– En priorité, il doit proposer à un ou plusieurs élus titulaires du CSE de se faire mandater par un syndicat. Dans ce cas, l’accord conclu doit ensuite être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages­ exprimés.

2– À défaut, il doit proposer à un ou plusieurs représentants élus titulaires non mandatés. L’accord doit alors être signé par des élus titulaires du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés­ lors des dernières élections profes­sionnelles.

3– En dernier ressort, il propose la négociation avec des salariés non élus en interne mais mandatés par un syndicat soit parce que l’élu ne souhaite pas négocier, soit sur présentation d’un PV de carence. L’accord conclu doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages ex­primés.

Si, en apparence, la négociation est plus ac­ces­sible­, il faut analyser la situation au cas par cas dans chaque entreprise avant de se lancer, au risque­ que l’accord conclu ne soit pas oppo­sable juridiquement.

À noter : en l’absence de votes majoritaires selon les règles ci-dessus énumérées… la difficulté sera de trouver un accord ou, à défaut, il conviendra – a priori – d’appliquer ce qui sera le plus favorable aux salariés. Cet aspect est encore en discussion.

* Le Comité social et économique (CSE) doit être mis en place­ d’ici au 31 décembre 2019, dans les entreprises d’au moins onze salariés. Composé de l’employeur et d’une délégation du personnel élue pour un mandat de quatre ans, il se substitue aux actuels délégués du personnel dans les entreprises d’au moins onze salariés et aux trois instances, délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

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