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Matériel : le prêter ou le louer

Vous souhaitez mettre à disposition vos équipements pour des raisons d’entraide ou simplement commerciales ? Avant de se lancer, il convient de respecter certaines règles pour éviter les déconvenues en matière de prêt ou de location.Jean-Jacques Pelletier

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Vous souhaitez prêter du matériel à un de vos clients ou à un collègue pour des raisons commerciales ou d’entraide ? Le problème peut être de se voir restituer les biens prêtés et d’en assurer le suivi, qui est administrativement lourd… Ou bien vous disposez de matériel que vous n’utilisez pas tout le temps. Pourquoi, alors, ne pas le louer à d’autres entreprises ou à des particuliers pour le rentabiliser ? L’idée peut paraître séduisante, mais l’est-elle réellement ? Analyse et conseils...

Le prêt à usage

Il s’agit d’un contrat par lequel l’une des parties livre­ une chose à une autre pour l’utiliser, à la charge­, par le preneur, de la rendre après s’en être servi (Code civil, art. 1875).

D’une manière générale, ce prêt est gratuit car il a pour vocation de faciliter la relation commerciale ou de rendre service à un client ou à un collègue. Par exemple, à la suite d’une panne de matériel chez celui-ci, en lui prêtant le sien le temps nécessaire pour réparer celui en SAV.

Un dépôt de garantie

La difficulté tient essentiellement au suivi des matériels en prêt, ce qui prend du temps et reste délicat si le client fait quelques contestations, plus ou moins fondées.

Pour éviter toute discussion inutile, il est possible de rendre l’opération onéreuse. Il faut alors prévoir simplement un contrat-cadre dans lequel sont stipulées par écrit les règles de l’accord. Ce contrat prévoit que le matériel appartient à son propriétaire jusqu’à sa restitution.

Dans ce cas, plusieurs possibilités :

- le client restitue dans les délais stipulés le matériel en bon état. Son compte est crédité pour le montant de son dépôt de garantie à 100 % ;

- le client retourne le matériel sans en avoir pris soin. Il est alors possible de lui facturer un boni sur reprise, qui constitue un revenu accessoire d’activité. Il faudra alors lui établir un avoir partiel, sur lequel apparaîtra la TVA, pour justifier le retour du matériel prêté ;

- le client ne retourne pas le matériel dans les délais prévus. Dans ce cas, il faut conserver le montant du dépôt, qui devient un chiffre d’affaires éventuellement TTC.

En pratique...

Sur le plan comptable, tant que le délai de prêt n’est pas passé, le prêteur reste propriétaire du matériel, qui doit être inventorié en stock ou en immobilisation selon le cas. Le dépôt de garantie doit, quant à lui, être enregistré dans un compte spécial d’attente, ce qui implique qu’il n’est pas encore intégré au chiffre d’affaires.

Conseil : il faut mentionner dans le contrat de prêt que le montant de la caution est TTC, en cas de non-restitution, pour éviter d’avoir à réclamer la TVA. La caution versée sera alors traitée comme un acompte.

Il vaut mieux utiliser systématiquement le dépôt de garantie lors de prêt de matériel. Si ce dernier n’est pas restitué, l’opération équivaudra alors à une vente de matériel d’occasion. De plus, la traçabilité en comptabilité peut servir de suivi des prêts et peut faciliter les retours si les clients ou collègues ne veulent pas perdre leur dépôt.

Louer un matériel peu fréquemment utilisé

Pour louer un matériel qui ne sert qu’occasionnellement, il est bien évidemment indispensable de fixer par écrit les règles qui s’imposent aussi bien au loueur qu’au destinataire de la location, quel qu’il soit. Le risque serait trop grand de ne pas inscrire la démarche de loueur dans un cadre juridique rigoureux.

Signés par les deux parties, les documents contractuels – devis ou contrat accompagné de conditions générales d’utilisation (CGU) – devront indiquer au minimum : l’identification précise du matériel loué ; les tarifs, le montant du dépôt de garantie ainsi que les durées de location ; les conditions de restitution ; les modalités d’assurance couvrant le vol, la perte ou la casse : la responsabilité de quel cocontractant est engagée en cas de dommage, la garantie en cas de bris, le montant de la franchise...

Mettre à jour son assurance...

Le matériel est forcément assuré. Il faut donc impérativement contacter son assureur dans l’objectif d’actualiser l’affectation des matériels prévue au contrat original, ainsi que les utilisateurs déclarés qui n’ont plus lieu d’être exclusivement ses salariés.

De plus, en tant que « loueur professionnel », il faut faire le nécessaire en vue de délivrer toute information indispensable à la bonne utilisation du matériel en question, au risque de voir la responsabilité engagée en cas d’accident.

Concrètement, le certificat de conformité doit être présenté et une notice d’utilisation du constructeur ou une notice reprenant toutes les infor
mations­ pertinentes requises, en français, est à fournir. Cette exigence, liée à l’application de l’article L233-5 du Code du travail, ne prévoit aucune dérogation. Elle s’applique donc de fait dans tous les cas de location, tout comme de vente, de matériel d’occasion. Pour rappel, dans ce second cas, et à défaut et en l’absence de certificat de conformité, les engins ne peuvent être vendus qu’à des négociants ou des ferrailleurs.

Le matériel loué doit satisfaire à des exigences de sécurité et être conforme à la réglementation en vigueur, variable selon les types d’équipements (par exemple, le marquage CE est impératif pour les machines, le matériel électrique, etc.). Ce qui oblige le propriétaire à être méticuleux quant au maintien en état et à procéder scrupuleusement aux contrôles d’usage périodiques.

Pour les appareils de levage, il convient d’effectuer l’examen de montage et d’installation, de procéder aux essais de fonctionnement tels que les décrit l’arrêté du 1er mars 2004. Si, durant la période­ de location, une vérification périodique doit être faite, il appartient alors à la personne qui reçoit le matériel de réaliser ou de faire réaliser cette vérification.

En pratique : en préalable à chaque location, il convient de vérifier systématiquement que le matériel est complet, en état de marche et maintenu en état de conformité. Après restitution, il faudra contrôler l’état et effectuer les opérations d’entretien ou de réparation nécessaires.

Conseil : le contrat de location devra pointer noir sur blanc tous les aspects propres à la sécurité en insistant sur cette nécessité pour l’utilisateur de veiller à toujours assurer sa sécurité grâce aux vêtements et accessoires appropriés.

D’un point de vue juridique...

L’entreprise est déclarée pour l’exercice d’une ou plusieurs activités limitativement énumérées dans l’objet social figurant dans les premiers ar­ticles des statuts, et retranscrites dans le Kbis. En se positionnant sur le créneau de la « location de matériels », il convient d’être en règle. Cela implique une modification du pacte statutaire et la réalisation des formalités consécutives : publication d’une annonce légale suivie de la transmission d’un dossier au Centre de formalités des entre­prises (CFE). En entreprise individuelle, la formalité se limite au dépôt d’une liasse P2. Enfin, les gains générés par la location seront assujettis à la TVA et donneront lieu à collecte au taux de 20 % et consolideront le chiffre d’affaires annuel. Ils généreront un surplus de bénéfices et d’imposition.

Bilan

Rédiger un contrat et des CGU, prévenir son assureur, respecter le devoir d’information et de sécurité pour éviter de voir sa responsabilité engagée, modifier les statuts de la société et, bien sûr, être taxé sur les gains… l’idée de rentabiliser son matériel peut vite devenir une énorme contrainte !

Article paru dans la revue CNATP infos n° 96
de janvier-février 2020

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