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Covid-19 : l’employeur face à ses responsabilités

Quelle attitude tenir face à la question : « Le chef d’entreprise pourrait-il être tenu pour responsable d’une éventuelle contamination de ses salariés par le coronavirus ? ».

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La crise due à la pandémie de Covid-19 fait naître de nouvelles interrogations et inquiétudes sur les responsabilités des employeurs à l’égard des salariés, tant sur le plan civil que pénal. L’occasion de faire le point sur les risques potentiellement encourus par les entreprises et leurs dirigeants. Même s’il en ignore la portée exacte tant les règles en la matière sont complexes, tout employeur sait que le contrat de travail fait naître à sa charge des obligations pouvant être sanctionnées civilement.

C’est essentiellement lors de la survenance d’un accident du travail ou de la reconnaissance d’une maladie professionnelle que la responsabilité civile­ de l’employeur peut être recherchée. Les juges­ rappellent régulièrement qu’en matière de sécurité celui-ci est tenu par une obligation de résultat­, facilitant ainsi la mise en cause de sa responsabilité­. Concrètement, lorsque l’accident ou la maladie survient, le salarié bénéficie tout d’abord d’une indemnisation forfaitaire (prise en charge des soins et indemnités journalières). Mais il peut aller au-delà et rechercher la responsabilité de l’employeur sur le terrain de la « faute inexcusable ». Il doit, dans cette finalité, saisir le tribunal judiciaire (ancien tribunal des affaires de sécurité sociale).

Définie par la Cour de cassation, la faute inexcusable requiert trois conditions cumulatives :

1. un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité  ;

2. la conscience, de la part de ce dernier, de l’existence d’un danger ;

3. l’existence d’un lien de causalité entre la faute de l’employeur et l’accident ou la maladie du salarié.

Pour la victime, la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur présente un enjeu financier considérable puisqu’elle lui donne droit non seulement à une indemnisation forfaitaire majorée, mais elle lui ouvre surtout la possibilité d’obtenir réparation des préjudices qu’elle a subis (physique, moral, esthétique...).

Ces indemnisations engendrent, en retour, un risque financier très lourd pour l’entreprise.

Alors qu’en est-il de l’appréciation de ces conditions par rapport au coronavirus ?

De la rigueur dans les consignes données

Il est évident que la conscience du danger par l’employeur est indiscutable. Il est également in­contestable­ que tous les chefs d’entreprise se doivent­ de redoubler de vigilance et d’exigence dans les mesures de prévention mises en œuvre et imposées dans l’établissement. À commencer par la mise à jour impérative du document unique de prévention des risques (DUPR) et le respect quotidien des protocoles sanitaires (gestes barrières, port du masque...).

Reste l’établissement du lien de causalité, qui semble à ce jour très difficile à établir clairement entre une contamination et les éventuels manquements de l’employeur dans la mise en œuvre des mesures de prévention et de protection.

Car le virus circule et reste extrêmement contagieux. Sa contraction peut avoir lieu en tout endroit, pas seulement sur le lieu de travail. Le salarié pourra donc difficilement prouver qu’il a contracté la maladie dans l’entreprise.

Mais ce seul point de défense reste relativement fragile pour l’entreprise car le juge n’exige pas que la faute commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ou de la maladie. Il suffit, en effet, qu’elle y ait contribué pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient pu concourir au dom­mage. Peu importe, notamment, que la victime, par son imprudence ou sa négligence, ait contribué à la survenance de ce dommage.

La faute inexcusable de l’employeur a déjà été retenue alors même que le salarié n’avait pas respecté les consignes de sécurité édictées par l’employeur. Il faut donc attendre les premières dé­cisions judiciaires pour connaître la position des juges sur le coronavirus. En attendant, tout employeur doit faire preuve de la plus grande rigueur dans les consignes en matière de sécurité.

Responsabilité pénale : deux niveaux

Outre sa responsabilité civile, l’employeur peut également voir engager sa responsabilité pénale. Celle-ci repose, actuellement, sur deux fondements : le code pénal et le code du travail.

Les infractions prévues par le code pénal

Ces infractions ne sont pas propres aux employeurs, elles s’appliquent à tout citoyen.

Qui n’a jamais entendu parler dans les médias des délits de « mise en danger de la vie d’autrui », voire d’« homicide involontaire » ?

La mise en danger de la vie d’autrui, définie par l’article 223-1 du code pénal, implique la preuve d’une violation manifestement délibérée par l’employeur d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, imposée par la loi ou le règlement. En l’occurrence, caractériser une action « manifestement délibérée » de l’employeur dans l’exposition de ses salariés au virus semble très peu probable.

De plus, en matière de mise en danger de la vie d’autrui, le lien de causalité entre la faute et le dommage causé doit être établi de façon certaine. On ne parle plus, comme en matière civile, de lien suffisant, il doit être incontestable. Ce qui sera, là encore, très difficile à établir vu les risques mul­tiples de contracter le virus en dehors de son lieu de travail.

Quant à l’homicide involontaire, une négligence ou une imprudence peuvent suffire à le caracté­riser. Mais, selon les experts, la faute de l’employeur semble difficilement qualifiable en période d’état d’urgence sanitaire, où même le corps médical ne maîtrise pas le virus et les modalités certaines pour l’endiguer. Étant entendu, par ailleurs, que, comme pour la mise en danger d’autrui, le lien de causalité certain entre la faute commise, l’exposition au virus et le décès semble extrêmement difficile à établir.

Les infractions prévues par le code du travail

Si la reconnaissance des infractions du code pénal semble donc, à ce jour, raisonnablement peu probable, celles prévues par le code du travail sont beaucoup plus menaçantes pour les entreprises car ce sont des « infractions formelles ». Celles-ci permettent d’engager la responsabilité de l’employeur même en l’absence de dommage causé au salarié. Autrement dit, il peut être sanctionné pénalement même en l’absence de préjudice et de lien de causalité.

En lien avec le coronavirus, la sanction la plus emblématique est celle prévue par l’article R. 4741-1 du code du travail. Selon ce texte, le seul fait de ne pas transcrire ou de ne pas mettre à jour les résultats de l’évaluation des risques est puni.

La plupart des infractions aux règles de santé et de sécurité sont punies d’une amende pénale fixée à 10 000 euros, 30 000  € en cas de récidive.

Peuvent s’y ajouter des contraventions de cinquième classe en cas de violation de règles spé­cifiques. L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés dans l’entreprise, même en l’absence de victime.

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