Anticiper les risques et dommages liés aux personnes en agriculture
La sortie d'un guide consacré au risk management (*) est l'occasion d'appréhender une méthode d'aide à la décision pour une prévention efficace.
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Dans un inventaire, les risques liés aux personnes arrivent souvent bien après les dommages obligatoirement assurés. Nombreux sont ceux qui pourraient être partiellement ou totalement maîtrisés, et des solutions parfois simples à mettre en oeuvre existent. C'est le credo de Jean-Marie Deterre, auteur du Guide de gestion des risques en agriculture. Il ne sous-estime nullement que certains parcours d'agriculteurs peuvent être semés d'embûches. « Il n'est pas rare que mes interlocuteurs connaissent un voisin, un ami ou un proche qui a été atteint d'un handicap ou d'une maladie incurable. D'ailleurs, certaines affaires sont relayées par les médias. Pour motiver les actifs agricoles, je commence par rappeler les couvertures du régime de base. Malgré les évolutions récentes, elles restent faibles pour compenser le revenu et/ou les frais professionnels. » La difficulté, c'est de prendre le sujet des risques à bras-le-corps quand on est chef d'exploitation plutôt que de le déléguer à un expert, un conseiller, un comptable. Jean-Marie Deterre souligne : « On n'est jamais si bien placé pour connaître ses propres risques, estimer ses statistiques, mesurer la nature de ses projets, identifier les enjeux en cas d'arrêt ou de disparition. Une fois cette étape franchie, il faut se faire accompagner (notaire, expert-comptable) pour évaluer les capitaux en jeu et demander des devis à un assureur, par exemple. » S'interroger sur ses pratiques, c'est préparer les actions à mettre en oeuvre. Cet article envisage essentiellement les dommages causés aux individus : chef d'entreprise, associés, employés, famille, bénévoles...
Les risques corporels sont prioritaires
Dans les faits, les risques corporels constituent les risques prioritaires, parce qu'on peut difficilement remplacer un être disparu, ni exercer une responsabilité agricole à 100 % si on a un handicap majeur. Les dirigeants ne prennent généralement pas le temps de s'arrêter en cas de maladie ou de mauvaise santé, et 29 % n'auraient pas de couverture santé appropriée. Or, la bonne santé des personnes, dont le chef d'exploitation, est déterminante pour la pérennité de l'entreprise.
Attention : longtemps protégé des conflits et poursuites judiciaires, le milieu agricole voit litiges et jurisprudences s'accumuler. Avec le risque de la faute inexcusable...
Les aspects concernant les relations humaines, en particulier les situations conflictuelles, restent souvent négligés du monde agricole, bien que nombre de personnes travaillent en sociétés.
Pour aller au-delà des constats, l'auteur propose une approche par nature de risques. Il s'agit de déterminer la position et la situation de chacun. Une première analyse doit inciter à percevoir comment, au quotidien, il existe des signes de dysfonctionnements potentiels.
Dans le guide, une série de dommages sont identifiés et répertoriés. Au-delà des situations classiques, d'autres repères sont proposés : les signes de bonne ou mauvaise santé, les arrêts de travail et de maladie, le nombre d'accidents par salarié, l'éventuelle sollicitation de l'entraide agricole ou du service de remplacement. Point délicat : le respect des réglementations. Elles sont innombrables. Alors, comment éviter d'être en tort ? Il est impossible de tout savoir et de tout suivre ! Jean-Marie Deterre constate : « Les réglementations visent à protéger les personnes, le milieu naturel et les biens. Je ne peux pas dire si telle ou telle réglementation est prioritaire ou non. Par contre, certaines s'inspirent du bon sens à partir de comportements ou de préventions simples. Parmi celles-ci, le Document unique et le code de la route me paraissent incontournables car ils touchent d'abord les personnes. »
Après avoir parcouru les différents tableaux de ce guide à personnaliser, comment aller plus loin ? L'auteur propose d'élaborer, chacun, une cartographie de ses risques. Une fois établie la synthèse de « sensibilisation », il convient de continuer la démarche de risk management : bâtir un Plan de continuité des activités (PCA), évaluer ses besoins, inventorier les couvertures de risques et contrats d'assurances, prises ou non en charge, et si oui, dans quelles conditions. Il s'agit notamment de la complémentaire santé, ou de l'estimation du montant nécessaire pour se faire remplacer (problème de santé, accident, période de pointe...) ou pour envisager l'embauche d'un CDD. Il est judicieux de vérifier si les activités inscrites au contrat de prévoyance « arrêt de travail » sont conformes à la réalité du terrain et que le chef d'exploitation fait partie des personnes couvertes, ainsi que le conjoint et les enfants s'ils interviennent. Il en va de même pour les indemnités journalières d'invalidité, d'incapacité, et de lumbago... Attention au cas particulier des bénévoles, souvent négligé.
L'auteur intègre aussi le point délicat ou tabou du décès brutal, donc de l'indemnisation des ayants droits, de l'organisation de la succession, d'une assurance-décès croisée entre associés...
Dans les volets risques de dommages aux employés, il suggère de bien vérifier si tous les contrats comportent un volet « assurance pour faute inexcusable de l'employeur ». Comment se former à la gestion des risques, si la démarche semble trop lourde ? « Certains conseillers mettent en place des formations adaptées. Ce secteur va probablement se développer, pressent l'auteur.
Quant à considérer la prévention autrement que par le seul prisme des charges financières, mais plutôt par l'importance pour la vie et la survie d'une exploitation, il conclut : « Le non-respect de certaines réglementations est sanctionné par des amendes ou des peines plus lourdes, en cas de sinistre corporel notamment. Après avoir identifié les risques, si certains incidents ont une fréquence anormale, chiffrer des corrections préventives est une démarche indispensable afin d'éviter le pire. »
Odile Maillard
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