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PARCOURS S'installer : une aventure humaine et de filière

« Il faut être motivé pour reprendre une pépinière. C'est aussi une aventure relationnelle très enrichissante », assure Dominique Bonnardon, installé depuis 1995. PHOTO : CLAUDE THIERY

Du statut de stagiaire à celui de dirigeant, Dominique Bonnardon porte un recul de près de quarante ans sur son parcours aux Pépinières du Chuzeau, à La Côte-Saint-André (38). Il s'engage pour faciliter les installations et pour la survie des exploitations locales en difficulté.

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Dominique Bonnardon a découvert les Pépinières du Chuzeau, à La Côte-Saint-André (38), en 1978, en tant que stagiaire dans le cadre d'une formation BEPA « pépinières », suivie à la Maison familiale rurale d'Eyzin-Pinet (38). Salarié l'année suivante, il gravit rapidement les échelons : de chef d'équipe, il devient chef de culture en 1986.

Spécialisée au départ dans la production de plants de vigne, l'entreprise s'est orientée vers les arbres fruitiers puis les arbres et arbustes d'ornement. En 1988, le départ d'un des quatre associés donne à Dominique Bonnardon l'opportunité d'entrer dans le Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) familial, aux côtés de Louis Durand, de son fils et de sa fille. « Extérieur à une famille, il est toujours difficile de faire sa place au sein de l'équipe de direction », explique Dominique Bonnardon. Mais après la retraite de Louis Durand en 1990, ses enfants se retirent du GAEC. « Je me suis retrouvé seul aux commandes à partir de 1995. C'était plus simple pour prendre les décisions. Je me suis entouré de collaborateurs compétents dont certains sont toujours à mes côtés. Les difficultés des pépinières françaises n'ont fait que croître ces deux dernières décennies ; il faut être motivé. C'est surtout une histoire de passion pour les végétaux bien avant l'approche économique. C'est aussi une aventure humaine très enrichissante au niveau relationnel. »

Reprendre une entreprise, c'est aussi un défi technique. Il faut en conserver le savoir-faire, les atouts et la faire évoluer pour « coller au marché ». En vingt ans, le personnel et la surface cultivée ont quasiment doublé aux Pépinières du Chuzeau. Au début des années 1990, elles produisaient des tiges couronnées. Puis l'offre variétale s'est considérablement étoffée. Tout en gardant à l'exploitation son âme généraliste, Dominique Bonnardon l'a orientée vers la plante « naturelle et indigène ». Il a également développé la production d'arbres tiges et cépées, « un savoir-faire acquis au fil du temps, dont la formation demande beaucoup de main-d'oeuvre et un suivi constant... »

Accueillir de nouveaux installés et survivre

Très investi, Dominique Bonnardon met de plus en plus son expérience au profit des jeunes et des exploitants en difficulté. Il a, de tout temps, milité pour une interprofession forte et un rapprochement entre les entreprises et s'implique bien au-delà de son propre établissement : au sein de la Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières (FNPHP), au niveau départemental et régional mais aussi local avec la création, en 1997, de l'association Bièvre Végétal. « Quand j'ai repris ces pépinières, beaucoup de collègues étaient dans une logique de concurrence : on se disait que si une entreprise disparaissait cela ferait de la place pour les autres. Mais on ne pouvait pas poursuivre avec cette mentalité. »

L'opportunité est venue du premier contrat de développement du Pays de Bièvre Valloire, soutenu par la région Rhône-Alpes. Il prévoyait une aide financière au développement des filières. Un état des lieux a mis en avant les atouts de la plaine de la Bièvre pour la pépinière et montré une complémentarité entre les horticulteurs et pépiniéristes. « À l'image de ce qui existait en Belgique ou aux Pays-Bas, ce pôle de production pouvait représenter une force, à condition que les acteurs sachent travailler ensemble. Il a été difficile de convaincre certains de la nécessité de se rapprocher, de jouer la carte d'une production diversifiée et complémentaire, ou de cultiver des plants de la même façon pour compléter les lots. » L'organisation de journées spécialisées a permis de mieux faire connaître la production locale auprès des concepteurs, entreprises de paysage et collectivités. Trois nouvelles pépinières, récemment créées sur le secteur, ont aussi bénéficié de cette dynamique pour leur réussite.

Aujourd'hui, Bièvre Végétal est connue. Ses rencontres techniques sont attendues et représentent, pour les acteurs locaux, une occasion de discuter et de créer de nouveaux contacts. Le bilan est très positif pour les huit membres actuels, même si l'idée de départ d'un regroupement commercial n'a pas abouti. Ce projet pourrait renaître prochainement au sein d'une zone géographique plus large et sur le modèle des Pépinières franciliennes. Ce type d'alliance est incontournable pour répondre aux appels d'offres. « Individuellement, une entreprise peut difficilement disposer des tailles et des quantités de végétaux demandées. De plus, la constitution des dossiers est une démarche trop lourde pour les petites sociétés comme la nôtre. Cela pourrait nous permettre aussi de contacter les collectivités bien en amont des projets et de développer davantage les contrats de culture. »

Concernant le matériel, l'harmonisation au niveau européen n'est pas encore d'actualité, notamment vis-à-vis des normes. « Reconquérir le marché local est le défi auquel nous nous sommes attelés pour inciter les donneurs d'ordres à privilégier les productions locales. La modification de la législation permet de mettre encore plus en avant la préférence locale. C'est l'occasion, avec mes collègues au sein de la FNPHP, de former un groupe de travail afin de reprendre et faire évoluer une charte régionale (*) existant depuis 2012. »

Claude Thiery

(*) Rhône-Alpes, les pros du végétal à la reconquête des marchés publics, le Lien horticole n° 809 du 29 août 2012.

Commercialisées en tailles de 10/12 à 18/20, les tiges fléchées nécessitent entre cinq et sept ans de culture à partir de jeunes plants de semis.

PHOTO : P. DU CHUZEAU

Spécialisée au départ dans la production de plants de vigne, l'entreprise iséroise s'est rapidement orientée vers les arbres fruitiers puis les arbres et arbustes d'ornement. Ci-contre, des chênes des marais (Quercus palustris).

PHOTO : P. DU CHUZEAU

Produire des plantes indigènes, à l'instar de ce cerisier à grappes (Prunus padus) en cépée et de ces érables champêtres (Acer campestris) en cépée, permet de reconquérir le marché local. C'est le défi auquel se sont attelés Dominique Bonnardon et ses collègues au sein de la FNPHP, notamment via une charte régionale.

PHOTO : P. DU CHUZEAU

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