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Le choix de la fleur coupée et de la mutualisation

Sophie Douillon a créé sa ferme florale dans la Loire, à côté de celle d’une maraîchère. Cela lui a permis d’accéder au foncier, mais aussi de se partager les charges matérielles et de se sentir épaulée pour développer sereinement son activité.

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Un sécateur et quelques dahlias à la main, Sophie Douillon sort de sa serre. Il est 9 heures, les jolis bouquets sont prêts à être expédiés chez un grossiste. À Neulise, au sud de Roanne, dans la Loire, cette jeune femme de 34 ans s’est installée en mai 2021. Entre les coteaux du Roannais et ceux du Beaujolais, elle produit une gamme très variée de fleurs comme des tournesols, des dahlias… mais également des cosmos, des scabieuses, plutôt rares chez les fleuristes car assez fragiles. Entre 50 et 70 espèces, pour la fleur à couper, en bio, dans une ferme qu’elle a baptisée Poppie. Sophie y dispose de 3 000 m2 pour les vivaces et 2 000 m2 pour les annuelles de saison, et de deux serres, l’une de 300 m2 pour les bulbes de printemps (anémone, renoncule…) et les fleurs d’hiver, et l’autre de 150 m2 pour les chrysanthèmes.

Sophie est plutôt sereine. Sa première année d’activité s’est bien déroulée, elle a trouvé sa clientèle. Plutôt que de la vente directe aux par­ticuliers, elle a opté pour la commercialisation aux fleuristes et aux grossistes. 80 % de son chiffre d’affaires est réalisé­ avec Sodif, un intermédiaire de la région lyonnaise. Cette année, elle devrait atteindre un chiffre d’affaires entre 25 000 et 30 000 €.

Pour arriver à cette réussite, elle a commencé à réfléchir à son projet assez tôt. « J’ai hésité entre des longues études et un CAP de fleuriste. Mais je ne me voyais pas importer des fleurs du bout du monde. Je voulais les produire. » À la sortie de l’école d’ingénieurs agronomes à Clermont-Ferrand (63), Sophie décide d’allier sa passion pour les fleurs à celle pour l’agronomie. Elle pense déjà à son installation et teste, dans son propre jardin de 1 000 m2, quelques plantations. En parallèle, elle est embauchée par la chambre d’agriculture de la Loire comme conseillère en circuit court et en transformation fermière.

Son père était agriculteur dans le Beaujolais, mais elle doit chercher des terres pour développer son activité. Même si son travail lui permet de bien connaître le secteur, l’accès au foncier est compliqué. « Je ne doutais pas que ça serait aussi diffi­cile. Pourtant, j’étais dans la profession ! Je suis alors allée­ voir les maires des communes environnantes, les agriculteurs s’apprêtant à partir à la retraite. Mais c’était des “non” catégoriques. Tout le foncier est verrouillé. Les propriétaires attendent le passage en zone constructible », se souvient la jeune femme.

Une communauté de communes volontaire

Trois ans passent et elle entend parler du projet de la communauté de communes des Pays entre Loire et Rhône (Copler) qui a installé une jeune maraîchère, à Neulise. Elle passe devant quotidiennement pour aller au travail. Un jour, elle s’arrête et va discuter avec la productrice. « Nous nous sommes revues quelques jours plus tard. Je n’étais pas encore assise qu’elle m’a dit : “Je te propose du terrain !” Quand on ne vient pas du coin, c’est ce genre de projets qui peut nous faire avancer. Aude, c’est mon ange gardien ! » s’exclame Sophie­. Aude, c’est Aude-Marie Moyne, que la communauté de communes a aidée dans son installation pour approvisionner les habitants et la restauration collective en légumes locaux et bio. Sa ferme est ensuite devenue un « espace test » mis en place par la structure Étamine (association de collectivités locales et de structures agricoles qui œuvre au développement du maraîchage bio en Roannais). L’association Terre de liens a acheté les 4 ha et fait construire un bâtiment.

« J’ai été bien aidée au départ, c’est comme un cadeau du ciel, cette ferme. C’était légitime de la partager. Et je m’épuisais toute seule... Quand Sophie est arrivée, j’ai bien accroché avec elle et on s’est lancées », indique Aude-Marie Moyne, au milieu de ses rangs de patates douces. Aujourd’hui, les deux productrices possèdent chacune leur société, mais s’épaulent pour certains travaux (Aude-Marie prépare les planches de Sophie au tracteur) et se soutiennent moralement.

Maîtriser les itinéraires techniques

Sophie suit le parcours à l’installation et effectue un stage dans le Lot, à Douelle, aux Fleurs du Moulinat. La productrice, Anne Jalabert, cultive des fleurs bio depuis 2009 et vend ses bouquets en direct. Sophie prend conscience de la technicité du métier : « Il faut connaître plus de cinquante itinéraires techniques. Ça prend une carrière pour maîtriser le sujet ! »

La productrice a déjà un bon bagage en gestion grâce à l’école d’ingénieur. Elle se rapproche du Collectif de la fleur française pour la commercialisation.

En 2020, arrive la pandémie de Covid-19 et les différents confinements. En 2021, grâce à la dotation jeunes agriculteurs (DJA), elle négocie essentiellement un prêt (voir les diverses modalités de financement en Repères).

Mener de front vie privée et vie professionnelle

Pour les prochaines années, la productrice a plein d’idées en tête, comme opter pour des fleurs avec un parfum bien développé ou des bouquets comestibles.

Mais elle n’oublie pas sa vie privée, en particulier son petit garçon, Marceau. « Il y a beaucoup de potentiel de développement. Le défi sera de l’exploiter en gardant mes objectifs personnels de vie familiale. Pour mon activité à la ferme, je suis aux 35 heures. Même si ça peut faire sourire et que je fais quelques heures en plus, je n’en fais pas 60. C’est important d’avoir une vie à côté », conclut Sophie, qui reçoit de nombreuses sollicitations de stagiaires.

Aude Richard

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