Maladies professionnelles : un champ de plus en plus large
Un décret du 22 décembre 2021 est venu ajouter au tableau des maladies professionnelles d’origine agricole le « cancer de la prostate en lien avec l’exposition aux pesticides ». L’occasion de rappeler les enjeux pour tout employeur horticole lorsqu’un salarié sollicite la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
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Dans le système français, les maladies présumées d’origine professionnelle, c’est-à-dire susceptibles d’être considérées comme directement imputables à l’employeur, sont répertoriées en amont dans des tableaux annexés au code de la sécurité sociale et au code rural.
La différence est notoire avec l’accident du travail, qui, lui, par définition, est imprévisible et apprécié au cas par cas (lire l’encadré).
Muriel Vandevelde répond aux questions du Lien horticole.
L.H. : Où trouve-t-on un répertoire des maladies reconnues pour les risques professionnels ?
M.V. : Pour chaque maladie professionnelle, le tableau officiel en donne les caractéristiques, le ou les délais de prise en charge et les travaux susceptibles de la provoquer. Selon le cas, les travaux mentionnés sont indicatifs, c’est-à-dire que le tableau donne les principaux travaux susceptibles d’être à l’origine de la maladie. Ou, au contraire, il peut s’agir d’une liste de travaux limitative.
Chaque tableau comporte un numéro. La liste des maladies présumées d’origine professionnelle en agriculture est actuellement répertoriée à l’article D751-29 du code rural.
L.H. : La reconnaissance est-elle automatique ? Si oui, sous quelles conditions ?
M.V. : Dès lors qu’un salarié est reconnu médicalement victime d’une maladie figurant dans un des tableaux, il n’a pas à prouver un quelconque lien de causalité entre son travail et cette maladie dès lors que celle-ci :
- résulte d’une exposition suffisante au risque ou d’une occupation habituelle aux travaux mentionnés dans lesdits tableaux ;
- est constatée médicalement avant l’expiration du délai de prise en charge prévu pour la maladie en cause.
Par exemple, en agriculture, le cancer de la prostate en lien avec l’exposition aux pesticides étant désormais intégré dans le tableau n° 61, le salarié qui en serait victime pourrait désormais solliciter sa reconnaissance automatique et donc une prise en charge au titre des maladies professionnelles, sous réserve de justifier d’une exposition durant au moins dix ans.
L.H. : Les tableaux officiels couvrent-ils tous les cas de maladie professionnelle ?
M.V. : Les tableaux officiels fixent un cadre. Cependant, si une maladie ne figure pas dans les tableaux, le salarié a encore la possibilité de solliciter une expertise médicale individuelle, à condition toutefois qu’une incapacité permanente d’au moins 25 % lui soit préalablement reconnue. C’est-à-dire qu’une maladie non répertoriée pourra néanmoins être reconnue comme d’origine professionnelle.
La demande est alors instruite par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), qui devra se prononcer sur le lien de causalité entre l’exposition du salarié au risque dans l’entreprise et la maladie développée ultérieurement.
On peut donc constater que, dans le système français, les procédures visant à la reconnaissance d’une maladie professionnelle sont relativement étendues.
L.H. : Comment les indemnisations spécifiques s’appliquent-elles ?
M.V. : La victime d’une maladie professionnelle a d’abord droit à une réparation forfaitaire limitée à la prise en charge totale des soins et au versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail pour incapacité temporaire (indemnités journalières de base versées par la MSA et complétées selon les dispositifs de prévoyance recensés dans la convention collective). Mais au-delà, une fois la maladie professionnelle reconnue, le salarié peut se voir attribuer un taux d’incapacité permanente.
L.H. : En quoi cette notion de capacité permanente consiste-t-elle ?
M.V. : Cette incapacité permanente correspond à la diminution durable de sa capacité physique ou mentale (également appelée déficit fonctionnel) par suite de la maladie professionnelle.
Cet état d’incapacité permanente, qu’il soit total ou partiel, est apprécié, d’un point de vue médical, par la caisse d’assurance maladie (MSA). Le salarié perçoit alors une réparation calculée en fonction de son taux d’incapacité et de sa rémunération. Cette réparation peut prendre la forme d’une rente ou d’un capital selon que le taux d’incapacité atteigne ou non 10 %.
L.H. : Quelles sont les conséquences pour les entreprises ?
M.V. : À ce stade, l’indemnisation de la maladie professionnelle assurée par la MSA et la prévoyance n’a pas de conséquence financière directe pour l’employeur. Seul le taux d’accident du travail peut être impacté collectivement ou individuellement dans les entreprises d’au moins vingt salariés.
En revanche, il en est tout autrement si le salarié finit par être déclaré inapte à son poste par le médecin du travail et qu’aucune possibilité de reclassement dans l’entreprise n’est possible.
Car si l’inaptitude résulte de la maladie professionnelle, l’employeur doit dans ce cas procéder au licenciement mais en versant des indemnités beaucoup plus lourdes comparativement à une inaptitude d’origine non professionnelle :
- le salarié a droit au doublement de l’indemnité légale de licenciement ;
- il peut prétendre au paiement du préavis légal, quand bien même celui-ci n’est pas travaillé.
En fonction de l’ancienneté du salarié inapte à la suite d’une maladie professionnelle, les indemnités peuvent affecter fortement la trésorerie des entreprises (voir tableau).
L.H. : La maladie professionnelle a-t-elle une incidence sur la retraite ? Si oui, dans quel cas ?
M.V. : Un salarié usé par sa vie professionnelle peut bénéficier – depuis le 1er juillet 2011 – de la possibilité d’un départ anticipé à la retraite à taux plein et, à partir de 60 ans, sous réserve de justifier d’un taux d’incapacité physique permanente (IPP) d’au moins 10 %, au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.
Cette retraite anticipée résulte de l’article 79 de la loi n° 2010-1330 portant réforme des retraites et était désignée, en 2010, comme « retraite anticipée pour pénibilité (voir les références CSS, art. L. 351-1-4 et R. 351-24-1, L. n° 2010-1330, 9 novembre 2010 : JO du 10 novembre, art. 118, II).
L’enjeu est donc de taille. Il est important pour les entreprises d’être bien accompagnées dès lors qu’une maladie professionnelle se profile.
*Le cabinet Vandevelde avocats a rejoint KPMG avocats. Murielle Vandevelde et Laurent Pegoud (codirecteur, avocat spécialisé en droit social secteur paysage) restent associés chez KPMG avocats au service des employeurs agricoles.
Pour en savoir plus et pour déclarer une maladie professionnelle en agriculture : voir le site Internet de la Mutualité sociale agricole (MSA) sur https://tinyurl.com/yn864vwz
Indemnités à la suite d’une inaptitude pour maladie, professionnelle ou non Exemple pour un ouvrier ayant vingt ans d’ancienneté dans une entreprise horticole |
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Maladie professionnelle | Maladie non professionnelle | |
Indemnité légale de licenciement |
5,8 mois de salaire (moyen, non chargé) | 11,6 mois de salaire (moyen, non chargé) |
Indemnité compensatrice de préavis |
Aucune | Deux mois de salaire brut (chargé) + congés payés |
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