« J'ai lancé mon entreprise sans aides à l'installation »
INSTALLATION. À 32 ans, Julien Dasmien vient d'ouvrir une pépinière à Mont-près-Chambord, dans le Loir-et-Cher. Ayant rapidement trouvé un terrain, il a préféré débuter plutôt que retourner en formation. S'il a atteint son rêve d'enfant, son parcours n'a toutefois pas été sans embûche...
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Lorsque l'on entre dans sa pépinière, les plantes dessinent des courbes, les camaïeux de jaune, vert et rouge s'entrecroisent, et quelques arbres structurent cette présentation. Bienvenue à Mont-près-Chambord (41), chez Julien Dasmien. Ce jeune passionné s'est installé il y a un an et demi sur 9 000 m². Originaire d'Eure-et-Loir, il a toujours été attiré par le végétal bien qu'il ne soit pas issu du milieu horticole. Son père était luthier et sa mère employée de bureau. Il a débuté par un BEP « pépinières » à Bellegarde (45), mené en alternance aux établissements Crespin, à Lutz-en-Dunois (28). « J'ai ensuite travaillé durant un an à la préparation des commandes de fleurs chez Horti-Sologne, à Fontaines-en-Sologne (41). Je manageais une équipe de dix personnes, mais ce qui m'intéressait c'était la pépinière. En 2001, j'ai donc rejoint les pépinières Fréon, à Châteaudun (28), pour m'occuper de la production hors-sol et du point de vente », explique Julien Dasmien, qui a toujours considéré le dirigeant de cette entreprise comme « un vrai pépiniériste, proche du végétal et de ses clients ». Mais huit ans après, ce dernier part à la retraite et cède les pépinières. Julien Dasmien devient directeur adjoint de la jardinerie Leclerc qui s'installe à Châteaudun. « Je suis passé de 940 euros mensuel à 1 400 euros sur treize mois, et avec une participation aux bénéfices... Cela valait le coup pour 37 heures ! » Le directeur en charge d'implanter de nouveaux établissements lui laisse carte blanche pour préparer le lancement : le jeune homme organise la structure à son goût en choisissant les végétaux chez de « vrais » producteurs. Mais à l'heure de l'ouverture, un changement de direction s'opère. Toute l'organisation est revue et passe de plus en plus par la centrale d'achats. Julien Dasmien quitte l'enseigne et part travailler aux pépinières Crosnier, à Nazelles-Négron (37). « Je me suis toujours dit qu'à 30 ans j'aurais ma propre pépinière. C'était néanmoins comme un rêve impossible à atteindre », se souvient-il. Mais en 2010, son père décède. « Il allait toujours de l'avant. J'ai donc pensé que c'était à mon tour d'entreprendre et de construire mon projet de vie. »
En juillet 2012, il contacte la chambre d'agriculture et rencontre Gaëlle De Magalhaes, conseillère au point info installation, qui lui explique les démarches à suivre et les aides auxquelles il peut prétendre. Ne disposant que d'un BEP, Julien Dasmien ne peut pas bénéficier de celles de l'État, octroyées au niveau bac pro ou BPREA. Il doit donc retourner en formation pendant un an. Il contacte la maison familiale et rurale d'Orléans (45) en août, mais le délai est trop court pour une rentrée en septembre. De plus, une année de formation, sans salaire, engendrerait des frais et il ne veut pas dépenser ses 15 000 euros. Il décide de s'installer sans les aides et commence par s'inscrire au RDI (Répertoire Départ Installation). Cet outil met en relation les porteurs de projet et les offres pour les installations et les transmissions. Grâce à un partenariat entre la chambre d'agriculture et la commune de Mont-près-Chambord, Julien Dasmien trouve un terrain de 9 000 m² à peine un mois après le premier rendez-vous à la chambre. « Je cherchais dans ce secteur. La commune a tout fait pour que je m'installe. C'était l'idéal. » Cependant, le propriétaire, un ancien agriculteur âgé de 80 ans, ne souhaite ni vendre, ni s'engager avec un bail sur le long terme. La solution a été de rédiger une convention de mise à disposition avec la Safer. Julien Dasmien paie le loyer à la Safer, qui le reverse au propriétaire. Le bail a été signé pour six ans, renouvelable une fois, soit douze ans maximum. Mais ça ne l'effraie pas. « Le seul bémol réside dans le fait que je dois limiter mes investissements ; je n'ai pas drainé le terrain alors qu'une partie est souvent très humide. Je ne peux donc pas beaucoup me déployer ici. » Parallèlement au choix du terrain, il réalise un plan de développement de l'exploitation avec le CER France, un centre de gestion. Son projet est estimé à 85 000 euros. Il contacte les banques. Avec un apport de 20 000 euros, il signe un emprunt de 65 000 euros (15 000 euros sur trois ans et 50 000 euros sur sept ans). En décembre 2012, après quinze ans comme salarié, Julien Dasmien négocie une rupture conventionnelle avec son employeur et, en janvier 2013, il s'installe. Tout reste à faire, à commencer par le terrain qui est en friche !
Attention au montage bancaire...
Avec l'aide de la mairie, il crée une voie d'accès, puis fait réaliser un forage et installe l'électricité. Mais toutes ces étapes prennent du temps : le forage n'est opérationnel qu'en mai et l'électricité qu'en juillet, soit six mois après le début de la production ! « J'arrosais les 15 000 plantes à la main, j'en avais aussi stocké chez moi car tout le terrain n'était pas prêt... C'était de la folie ! » Malheureusement, les travaux ont coûté beaucoup plus cher que prévu : le terrain meuble a demandé 1 200 tonnes de calcaire au lieu de 800, le câble électrique s'est élevé à près de 1 000 euros, sans compter le raccordement à ERDF (1 500 euros) et le consuel (160 euros). « J'ai fait une erreur dans le montage bancaire. Je n'ai gardé que 5 000 euros de trésorerie alors que j'aurai dû conserver les 20 000 euros de mon apport et emprunter 85 000 euros », regrette ce passionné. D'autant que, six mois après son installation, il s'est fait voler son camion, plein de marchandises et de publicité. L'assurance lui en a remboursé une partie, mais 6 000 euros sont restés à ses frais. Le déficit s'est creusé et la banque ne l'a pas suivi, mais, égal à lui-même, il relativise en regardant son petit garçon de 7 ans : « Il y a des choses plus importantes dans la vie que l'argent. C'est certes rageant car la somme était vraiment minime. En dialoguant, nous aurions pu éviter d'arriver à cette situation qui paralyse mes investissements. » Julien Dasmien finit toutefois d'aménager son terrain en installant deux tunnels de 20 x 5 m, 3 800 m² de bâche hors sol et un chalet pour la vente.
En production, il ne pratique aucun traitement que ce soit pour les végétaux ou les allées. Au-delà de la démarche biologique, l'aspect financier entre en compte. Il ne possède par ailleurs pas de machine et rempote tous les jeunes plants à la main. La première année, malgré seulement cinq mois de vente, le bilan était encourageant. Au bout de 18 mois d'activités, il possède 20 000 conteneurs. Son objectif est d'arriver à 50 000 dans trois ans. « L'idéal serait que je puisse embaucher une apprentie. En ce moment, je bénéficie de l'aide d'une stagiaire, Charlotte, et je vois tout de suite la différence. Tout seul, ce n'est pas facile, entre les rendez-vous clients, les marchés, la production et les livraisons. » Malgré la fatigue et les déboires financiers, Julien Dasmien garde le sourire. « Je suis satisfait de la tournure que prend mon entreprise. Les clients sont vraiment sympathiques. C'est une belle aventure ! »
Aude Richard
L'aménagement de la pépinière offre des camaïeux de jaune, de rouge et de vert, auxquels s'ajoutent quelques arbres qui structurent l'ensemble.
Le producteur a installé deux tunnels de 20 x 5 m et aménagé 3 800 m² de bâche hors sol sur son terrain.
Julien Dasmien, ici en compagnie de son fils Mattéo, 7 ans. La relève est peut-être assurée...
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