Rendre ludique l’apprentissage de la protection biologique intégrée
Afin de faciliter l’acquisition des connaissances pour ses stagiaires en formation, Édith Mühlberger, responsable protection biologique intégrée (PBI) et biodiversité de l’entreprise In’Flor, a développé des techniques fondées sur le jeu.
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Apprendre en s’amusant, c’est plus facile et ce n’est pas seulement réservé aux enfants ! Cette maxime, Édith Mühlberger, la responsable protection biologique intégrée et biodiversité chez In’Flor, se l’est faite sienne depuis une quinzaine d’années. L’entreprise de Castelnau-d’Estrétefonds (31), au nord de Toulouse, paysagiste spécialisée en aménagement végétal, s’appuie sur l’expertise de cette spécialiste pour accompagner la mise en place d’une stratégie de lutte biologique pour les projets dont elle assure l’entretien, principalement des patios intérieurs, murs végétalisés et terrasses.
Au fil des années, la demande s’est élargie en direction des collectivités territoriales et des producteurs pour assurer la gestion des ravageurs sous serres, mais aussi auprès de gestionnaires privés ou de centres de formation.
« Les connaissances à acquérir pour mener à bien une démarche de protection biologique intégrée (PBI), en particulier le volet concernant la lutte biologique, peuvent paraître incommensurables, surtout après plusieurs décennies axées sur des traitements chimiques pour lesquels il suffit d’appliquer un protocole avec un calendrier préétabli. A contrario, la lutte biologique s’appuie sur l’observation régulière et globale du milieu et nécessite de multiples compétences, en entomologie, en botanique, en écologie… De plus, dans une démarche de PBI, il n’y a pas de recette « toute faite » car chaque site et toute situation sont différents. Tout comme pour les végétaux, la reconnaissance des insectes – ravageurs comme auxiliaires – et de leurs conditions de développement demande rigueur et précision », souligne Édith Mühlberger.
Un safari, pour apprendre dans la bonne humeur
Alors qu’elle proposait des journées de formation « classiques », avec des interventions en salle autour d’un diaporama et d’échantillons, elle expérimente en 2010 une approche plus ludique avec le service espaces verts de Grenoble (38). La visite d’un parc dans lequel les jardiniers rencontrent des problèmes phytosanitaires donne lieu à un « safari », à la recherche de tout ce qui bouge, la loupe à portée de main. « Au départ, j’étais la seule à identifier les insectes repérés, mais au fil des sessions j’ai constaté que les agents retenaient de plus en plus d’informations et se prenaient au jeu. Ils n’hésitaient plus à prendre la parole pour l’identification ou pour décrire le cycle de vie des ravageurs et/ou des auxiliaires et, d’une année à l’autre, les connaissances s’enrichissaient. Lorsque tout se passe dans la bonne humeur et la bienveillance, pour ne pas stigmatiser une erreur, tout le monde se motive pour participer et apprend plus facilement ! »
Certains jardiniers sont même devenus référents PBI pour leur équipe, d’autres se sont impliqués dans des protocoles de sciences participatives, à l’exemple de Propage (Protocole papillons gestionnaires), alors même qu’ils se considéraient comme phobiques des insectes. La démarche a ensuite été déclinée pour d’autres collectivités territoriales telles qu’Albi (81), Auch (32), Narbonne (11) ou auprès de producteurs et d’entreprises du paysage, avec un constat toujours aussi positif sur l’apprentissage plus aisé.
Des descriptions imagées
Pour renforcer l’acquisition des connaissances dans le temps, Édith Mühlberger complète les informations récoltées sur le vif par une synthèse écrite. Elle a aussi conçu, avec les jardiniers, des clefs de détermination simplifiées qui s’appuient sur des descriptions imagées (voir le graphique ci-contre). Par exemple, pour les larves, la clef commence par des descriptions de formes telles que « forme crocodile », « forme crocodile + pince », « punaise avec ébauche d’ailes »… Une autre clef s’appuie sur le nombre de pattes et permet de distinguer rapidement s’il s’agit d’un insecte, d’un arachnide, d’une chenille ou d’autre chose (ver de terre, œuf, asticot).
D’autres types de supports visuels tels que des planches photos d’insectes à différents stades peuvent être utilisés pour des journées destinées aux salariés des entreprises privées au sein desquelles In’Flor assure le suivi des plantations. L’ambition est alors de sensibiliser les usagers des lieux à la gestion écologique de leur environnement de travail.
Une chasse au trésor, des jeux de rôles
À la demande de certaines collectivités, des journées ont également été organisées pour des scolaires, sous la forme d’une « chasse aux trésors » dans un parc. Pour les étudiants du cursus Arbo-Expert, dispensé par le CFPF de Châteauneuf-du-Rhône (26), Édith Mühlberger a même développé un jeu de rôles. « À la fin de la session de formation sur les ravageurs et auxiliaires – qui dure quatre jours –, je propose à chacun des stagiaires de se glisser dans le rôle d’un gestionnaire de jardin et je leur impose des situations particulières (plantes, climats, dégâts, personnalité du propriétaire, budget…) et leur demande de proposer des solutions de lutte biologique adaptées au contexte. Au départ, c’est un peu la panique, mais rapidement ils échangent entre eux et trouvent rapidement des réponses pertinentes. Et cela leur permet de bien fixer les connaissances. »
Yaël HaddadPour accéder à l'ensembles nos offres :