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Fleurs d’Halage : cultiver pour se réinsérer

L’association d’insertion Halage, basée en Seine-Saint-Denis, s’est lancée dans la production de fleurs coupées avec une commercialisation en circuit court. Après deux années de maturation, l’activité a passé un cap avec une nouvelle implantation à L’Île-Saint-Denis.

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L’installation au sein d’un troisième site de 3,6 ha en juin 2019, à l’extrémité ouest de l’île Saint-Denis, à L’Île-Saint-Denis (93), a permis au projet Fleurs d’Halage – une production de fleurs coupées portée par l’association d’insertion Halage – de prendre de l’ampleur. La production de 50 000 tiges durant l’année 2020 devrait tripler pour 2021. « Fleurs d’Halage a pour ambition de contribuer au développement d’une filière fleur française sur un modèle de production et de distribution durable, inclusif et soli­daire, répondant aux enjeux de notre territoire », précise Nicolas Fescourt, chef de projet.

Créée en 1994, Halage est agréée structure de l’insertion­ par l’activité économique et centre de formation­ professionnelle continue dans le domaine du paysage. La vocation de l’association est d’abord de placer l’humain au cœur de ses projets­ et notamment de s’appuyer sur les savoirs nés des expériences des salariés en insertion pour construire leurs parcours de formation et d’insertion professionnelle.

Jusque-là, les activités d’Halage étaient centrées sur les secteurs des espaces verts et du maraî­chage. C’est l’arrivée d’un ancien horticulteur dans l’équipe de salariés en insertion qui a contribué au développement de ce projet de culture de fleurs. Dans son pays d’origine, l’Arménie, Rustam Tsarukyan était horticulteur professionnel, un métier qu’il a exercé pendant plus de vingt ans. À son arrivée en France, il a d’abord intégré un chantier d’insertion en espaces verts de l’association Halage. Lors de son parcours, il a révélé fortuitement ses talents, en réussissant à faire pousser des tomates dans une fissure de béton de 2 cm de large… Il a ensuite cultivé des légumes dans le jardin de curé de l’île Saint-Denis, l’un des sites de l’association. « À cette époque, le déploiement du projet Lil’O dans l’île – un lieu de démonstration d’écoactivités – a constitué une opportunité pour stimuler ses compétences et mettre en place un projet de production de fleurs coupées. »

En effet, le projet Lil’O, initié par le département de Seine-Saint-Denis, la Ville de L’Île-Saint-Denis, ses habitants et des associations locales, est implanté dans une ancienne friche urbaine polluée, dont les sols ne peuvent accueillir des productions comestibles.

Une palette de fleurs diversifiée

« Nous cultivons sans produits phytosanitaires une grande variété de fleurs selon les saisons : tournesols, célosies, amarantes, immortelles, penstémons, dahlias, tulipes, mufliers, œillets, narcisses, pivoines… L’objectif est multiple, disposer d’assez de diversité pour réaliser des bouquets de différentes sortes et affiner au fil du temps notre production en fonction des besoins de nos fleuristes partenaires. Il s’agit aussi de tester le comportement des espèces dans ce site aux fortes contraintes. Outre la présence de polluants dans les sols (hydrocarbures), qui a nécessité l’apport de terre végétale pour la culture sous serre, la situation géographique – dans une île au milieu de la Seine – soumet les lieux à des vents récurrents­. Le sol hydromorphe, de plus, rend com­plexe­ la conduite en pleine terre, dédiée essentiellement aux arbustes à fleurs et aux feuil­lages décoratifs », explique Dorine Grignon, qui est cheffe de culture.

Les salariés en parcours d’insertion sont formés pour l’ensemble du cycle de production : semis, repiquage, plantation, surveillance de l’arrosage, désherbage, veille sanitaire, récolte, préparation des commandes, vente des bouquets… Les vé­gétaux sont ensuite commercialisés sous différentes formes­ plus ou moins travaillées (brassées, bouquets, créations).

L’activité emploie quinze personnes en contrat d’insertion pour une durée de vingt-quatre mois maximum. Durant leur parcours, celles-ci sont accompagnées et bénéficient de formations qualifiantes . « La fleur constitue un support d’acti­vité particulièrement riche dans le cadre d’un parcours d’insertion. C’est un objet beau, liant, valorisant et extrêmement formateur. Depuis la création de Fleurs d’Halage, nous avons d’ailleurs un taux de retour à l’emploi de 100 % », souligne Nicolas Fescourt.

Distribution en circuit court

Fleurs d’Halage se développe aujourd’hui, que ce soit à Lil’O ainsi que dans deux autres sites de l’association, de 400 m2 chacun, le jardin de curé dans l’île Saint-Denis et le potager du 17arrondissement, à Paris. Elle travaille avec plus d’une quarantaine de fleuristes dans la capitale et la première couronne francilienne, ainsi qu’avec un palace parisien et quatre Amap*. Les livraisons sont réalisées en véhicule électrique par un salarié de l’association. En complément, une activité de vente directe à la ferme pour les particuliers a été mise en place et rencontre un engouement croissant.

Si le modèle économique de Fleurs d’Halage n’est pas encore pleinement établi, la progression de l’activité en deux ans est prometteuse. Trois perspectives de développement sont à l’étude : l’ouverture d’une nouvelle ferme florale en région parisienne, la création d’une bourse locale de fleurs en Île-de-France, un lieu pour mettre en avant la production française en alternative à la bourse des fleurs mondiale (vente BtoB et BtoC**, ateliers, etc.), accompagner des porteurs de projets pour la création d’autres fermes florales en insertion, partout en France.

Yaël Haddad

*Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne.

**Business to business (commerce interentreprises), Business to consumer (vente au consommateur).

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