PROTÉGER Santé et protection des végétaux : à quoi s’attendre en 2025 ?
En matière de lutte intégrée, cette année pourrait connaître le développement de nouvelles technologies d’épidémiosurveillance et la mise sur le marché de solutions innovantes de biocontrôle.
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Difficile de prédire ce que réserve 2025 dans le domaine phytosanitaire... Une chose est sûre, cette année s’inscrit dans une tendance d’évolution à risque d’introduction et de dissémination d’organismes nuisibles émergents et réglementés. Depuis près de deux décennies, la fréquence d’apparition de nouveaux ravageurs, maladies et plantes exotiques envahissantes s’accroît en France hexagonale, dans un contexte de mondialisation des échanges et de dérèglement climatique.
Face à ce constat, 2025 sera encore placée sous le signe d’une vigilance impérative. Il conviendra de distinguer, entre autres exemples : des bioagresseurs monophages, dont la maladie des mille chancres du noyer Geosmithia morbida transmise par le scolyte Pityophthorus juglandis sur Juglans et Pterocarya ; le charançon rouge des palmiers Rhynchophorus ferrugineus ou la cochenille-tortue du pin (voir photo) ; des bioagresseurs polyphages : ainsi le charançon de l’agave sur des plantes méditerranéennes, le thrips jaune du théier Scirtothrips dorsalis sur des plants de Citrus et divers végétaux d’ornement ou l’aleurode épineux des agrumes Aleurocanthus spiniferus sur plusieurs plantes ligneuses…
Développement du numérique en épidémiosurveillance
Ces informations quelque peu anxiogènes s’accompagnent heureusement de pistes d’évolution de l’épidémiosurveillance et de la protection biologique intégrée (PBI) des cultures.
L’une des premières attentes des acteurs de terrain est de disposer d’outils connectés permettant la saisie directe « à la parcelle » (smartphone, tablette...) des données d’épidémiosurveillance, interopérables avec une base de données régionale ou nationale (SI centralisé). Ce type d’outil numérique évite une double saisie des observations géoréférencées et présente l’avantage de pouvoir y associer des photos afin de parfaire le diagnostic visuel. Il est alors possible d’interpréter les données en vue d’établir une cartographie détaillée des risques phytosanitaires et les points de vigilance. Cette perspective concerne notamment les Bulletins de santé du végétal (BSV).
L’innovation pourra également se poursuivre en 2025 en recourant à des drones ou à des outils de télédétection (capture HD à bandes spectrales, analyse des images prises à distance) pour identifier les foyers d’infestation ou de contamination, ainsi que les atteintes d’origine abiotique sur les cultures. Actuellement, il est possible d’obtenir une maille très fine de 5 m2 en haute résolution.
Autre technique innovante, l’utilisation de capteurs portables pour surveiller le stress et les maladies des plantes par la mesure en continu des différentes combinaisons de composés organiques volatils (COV) émis par les végétaux. Cela existe déjà, par exemple, pour détecter certains Phytophthora dans des cultures sensibles.
L’imagerie et l’intelligence artificielle ne s’arrêtent pas là ! Grâce à des capteurs optiques numériques embarqués sur les tracteurs ou équipements (par exemple, des tondeuses à gazon autoportées), on peut désormais repérer en temps réel et géoréférencer (puces GPS) les adventices, ainsi que les symptômes d’origine biotique (maladies, ravageurs) et abiotique (carences nutritives, accidents climatiques, phytotoxicités…), puis valoriser les données collectées. Des essais ont été réalisés avec succès en France depuis 2023 sur des gazons sportifs et vont se poursuivre en 2025.
Enfin, on peut compter cette année sur une amélioration du piégeage connecté. Si de bons résultats ont été obtenus pour les relevés automatiques des captures de gros insectes en pièges spécifiques phéromonaux (noctuelles, tordeuses, processionnaires...), les rendus sont variables pour les relevés automatiques de petits insectes (thrips, aleurodes, cicadelles, pucerons, mouches) dans des pièges non spécifiques (bols, cuvettes, plaques colorées engluées…). Cette technologie en progrès devrait s’affiner à la faveur d’images de meilleure résolution.
Les apports du numérique apportent fiabilité, rapidité, régularité et gain de temps. Ils optimisent l’utilisation des intrants et sont ainsi source d’économies. Cependant, ils ne remplacent pas toutes les notations visuelles et autres données collectées sur le terrain par les observateurs, ni le raisonnement nécessaire avant toute prise de décision, ni les méthodes à privilégier en PBI des cultures ou en lutte phytosanitaire raisonnée.
Vers de nouvelles solutions
En matière de PBI des productions horticoles et des espaces verts, des perspectives intéressantes sont étudiées dans le but de réguler les populations d’organismes nuisibles soumis à des mesures de lutte obligatoire. Ainsi le micro-hyménoptère Encarsia smithi, parasitoïde de larves d’aleurode épineux des agrumes (Aleurocanthus spiniferus) qui a fait ses preuves au Mexique et au Japon. Il serait possible de l’associer à Amitus hesperidum, également utilisé avec succès dans plusieurs régions du monde sur agrumes. Autre exemple, le biocontrôle du scarabée japonais (Popillia japonica) pourrait se faire en Europe dans les années à venir à l’aide d’une mouche tachinaire (Istocheta aldrichi), parasite du ravageur au stade adulte après avoir pondu ses œufs sur le thorax de son hôte. Cet auxiliaire a été introduit avec succès aux États-Unis en 1922, puis au Québec (Canada). Pour lutter contre les larves du scarabée japonais, on pourra compter sur des nématodes auxiliaires tels qu’Heterorhabditis bacteriophora et le champignon entomopathogène Metarhizium brunneum.
Autre cas, celui de la cochenille-tortue du pin (Toumeyella parvicornis), grand nuisible des Pinus pinea et Pinus pinaster, où la combinaison des solutions de lutte s’établit progressivement. Actuellement, les interventions peuvent être réalisées avec des produits huileux (huile de paraffine, huile essentielle d’orange douce, huile de colza) et en lâchant la coccinelle prédatrice Exochomus quadripustulatus. En 2023 et 2024, une autorisation par dérogation (AMM 120 jours) a été accordée pour des traitements par endothérapie (micro-injection dans le tronc) avec l’insecticide Revive II (émamectine benzoate), afin de préserver les pins de valeur patrimoniale, botanique ou sociale du Var, définie par l’arrêté préfectoral en vigueur de la région Paca. Environ un millier d’arbres ont été ainsi protégés en 2023, plus de 3 200 en 2024. Il en sera sans doute de même en 2025.
Parmi les produits de biocontrôle en devenir pour lutter contre les ravageurs des cultures ornementales, notamment les organismes émergents et réglementés, figure Beauveria bassiana. Ce champignon entomopathogène comprenant plusieurs souches est déjà autorisé pour certains usages sur les arbres et arbustes (dont le rosier), les cultures florales et plantes vertes (aleurodes, pucerons, thrips, charançon rouge du palmier, papillon palmivore, acariens, phytoptes, tarsonèmes). Les recherches en cours pourraient bientôt aboutir à l’identification de souches efficaces contre d’autres cibles (hannetons, cicadelles, punaises…).
En ce qui concerne les gazons sportifs de compétition de haut niveau, la recherche de méthodes alternatives va se poursuivre afin de ne plus utiliser, à terme, de substances chimiques de synthèse parmi les six usages sur vingt et un qui restent encore aujourd’hui autorisés par dérogation, conformément à la réglementation en vigueur (lire l’encadré ci-dessus). Les stratégies intégrant les méthodes génétiques, culturales, biologiques, physiques et prophylactiques seront à privilégier. Ces solutions ont vocation à être optimisées grâce à une généralisation de l’épidémiosurveillance, dont l’utilisation de modèles épidémiologiques.
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