Plantations urbaines Avant l’essence, choisir sa stratégie
De nombreuses villes ont livré leur témoignage pour notre série sur les arbres de demain. Avant de parler palette végétale, elles abordent toujours leurs réflexions et les démarches engagées. Trois exemples à Angers, Valence et Perpignan.
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En tête des communes les plus vertes de France, selon le classement établi par l’Observatoire des villes vertes en 2020, Angers (49) dispose d’un patrimoine arboré riche de 110 000 arbres dont 16 000 en alignements, 1 000 dans les cimetières et 26 000 dans les parcs, jardins, crèches et écoles.
En juin 2019, Angers Loire Métropole a adopté son plan de transition écologique du territoire, dont l’un des points se traduit par la formalisation d’un schéma directeur des paysages angevins pour la période 2019-2025. Parmi les cinq axes majeurs de ce projet, l’axe 3 intéresse plus particulièrement la connaissance, la préservation et le développement du patrimoine arboré de l’agglomération. Il comporte différentes pistes de travail dont le renforcement du verdissement des rues et des parcs. Dans les premières, la stratégie s’oriente vers des plantations plurispécifiques avec une palette qui se diversifie. La présence d’un sol remanié ou non et les services écosystémiques privilégiés dans le projet d’aménagement figurent dans les premiers critères de sélection.
Un autre levier d’action concerne l’implantation d’une cinquantaine d’arbres signaux par an. « Un arbre signal marque le paysage dans un espace public fortement fréquenté, méritant d’être souligné et mis en valeur. Il est planté dans des conditions où il peut se développer en port libre, harmonieusement et sans contraintes », explique Marc Houdon, chef de service gestion du patrimoine à la direction des parcs, jardins et paysages.
La plantation d’arbres fruitiers pour créer des vergers en cueillette libre a également été programmée dans plusieurs quartiers. Une démarche qui vise à sensibiliser la population au patrimoine local et à favoriser la reconnexion avec la nature.
Dans le cadre du développement de coupures vertes boisées, la direction des parcs, jardins et paysages a lancé un vaste projet expérimental au site du Grésillé, avec l’installation de 30 000 jeunes plants (lire l’encadré). « L’objectif est pluriel : contribuer à la réduction des îlots de chaleur et à la captation de carbone, limiter l’étalement urbain, créer un lieu de promenade propice à des actions de sensibilisation sur la biodiversité et l’environnement », précise Fanny Maujean, à la tête de la direction des parcs, jardins et paysages. L’aménagement comprend plusieurs secteurs : forêt haute, forêt basse, lande, allée fruitière, prairies, avec un choix d’essences dont l’autécologie est adaptée à la situation thermo-xérophile du site.
À Valence, l’ombrage est un élément clef
Porte du Midi, la ville de Valence (26) est construite sur une succession de trois terrasses alluviales du Rhône, ce qui lui confère une identité paysagère spécifique, en balcon surplombant les alentours. Son climat est de type méditerranéen, avec une présence marquée du mistral.
« Les essences locales sont préférées pour la trame arborée en zone boisée périurbaine, mais le changement climatique et l’arrivée de certains pathogènes font que plusieurs d’entre elles ne sont plus adaptées, à l’image du buis ou des chênes », témoigne Émilie Burtin, cheffe de service à la direction des espaces verts et de la nature. En ville, la palette se diversifie avec l’installation régulière de nouvelles espèces, en petites quantités, pour les tester in situ. Les critères prioritaires retenus sont la capacité à procurer de l’ombrage et de la fraîcheur, la tolérance à la sécheresse et aux fortes chaleurs, mais aussi la propension à marquer le paysage. Le choix se porte plutôt sur des feuillages légers qui bougent facilement avec le vent, créant des mouvements d’air, et des essences avec un ombrage porté notable. Afin de sensibiliser les citadins à l’histoire économique de la région, plusieurs sites accueillent des espèces fruitières, notamment dans le plus grand espace vert, le parc de l’Épervier, situé en bordure de Rhône, aménagé entre 2017 et 2019. Un verger urbain a été planté avec 200 arbres et 85 espèces.
Pour avancer dans sa démarche d’amélioration de la palette arborée en lien avec le changement climatique, la direction des espaces verts et de la nature renforce ses échanges avec les pépiniéristes, d’autres collectivités, des bureaux d’études ou des scientifiques. Elle a ainsi travaillé avec le bureau d’études E6 consulting pour l’évaluation des îlots de chaleur urbains et le choix des espèces les plus adaptées en fonction des sites (voir Le Lien horticole n° 1100 de novembre 2020, pages 26-27). Des actions sont également menées sur les conditions de plantation – qualité et travail du sol, paillage des pieds d’arbres – et sur le suivi des chantiers, avec une garantie d’achèvement de trois ans désormais, au lieu de deux.
L’élaboration d’un schéma directeur pour les plantations constitue l’une des actions phares du mandat municipal, avec pas moins de 7 000 arbres. « Les dégâts importants subis en novembre 2019, à la suite d’un épisode intense de neige lourde sur des sujets encore en feuilles, n’ont fait que renforcer la conviction des élus de l’intérêt de disposer à la fois d’une stratégie à long terme pour le patrimoine arboré et d’une équipe spécialement dédiée. En Drôme-Ardèche, Valence est la seule collectivité territoriale à avoir un technicien pour cela », précise Émilie Burtin.
Diversification du patrimoine, une priorité à Perpignan
Le patrimoine vert de Perpignan (66), soit 35 673 arbres hors boisements, en particulier les 19 000 spécimens d’alignement, a été caractérisé jusqu’au début des années 2000 par une forte dominance de platanes et de palmiers, espèces qui n’ont plus guère d’avenir du fait des problèmes phytosanitaires dont ils sont la cible. La diversification de la palette a été entamée avec des essences comme les micocouliers, les féviers, les sophoras, les magnolias, les mûriers platanes, les oliviers, les bigaradiers, les brachychitons.
Dans le contexte de changement climatique qui affecte particulièrement cette ville au climat méditerranéen marqué, la municipalité a lancé depuis 2018 un vaste programme de renouvellement et de renforcement de son patrimoine, au travers d’un schéma directeur des arbres urbains. « Lorsque nous devons abattre des sujets infectés, ils sont systématiquement remplacés par des essences exotiques variées, Jacaranda mimosifolia, Lagunaria patersonii, Grevillea robusta, Chitalpa tashkentensis, Phytolacca dioica… Ils seront amenés à devenir les nouvelles espèces emblématiques de la ville dans les années à venir », explique Guilhem Hugounenc, directeur du cadre de vie. Une équipe de trois techniciens arboristes assure le suivi du patrimoine et la mise à jour de la base de données informatisée en lien avec le Système d’information géographique (SIG) de la politique de la ville, grâce à des outils mobiles qu’ils ont développés en interne.
Yaël HaddadLa série sur les arbres de demain a débuté avec le dossier « Changement climatique, quels arbres planter en ville », paru dans le n° 1098 du Lien horticole de septembre 2020 et se poursuit, chaque mois, dans des articles de la rubrique technique portant la pastille « Quels arbres planter en ville ? ».
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