Bonnes pratiques Mieux exploiter la biodiversité fonctionnelle
Les haies, bandes fleuries et plantes de services ont un impact positif en contribuant à l’équilibre agroécologique de la production. Des entreprises engagées dans les démarches Plante bleue ou MPS se sont réunies en septembre pour mieux connaître ces avantages et en tirer parti.
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Al’invitation de Pépinières Desmartis, à Bergerac (24), 37 personnes ont participé à la journée nationale « Bonnes Pratiques » organisée le 30 septembre dernier. Responsables techniques ou dirigeants d’entreprises engagées dans une démarche de certification environnementale y ont fait le point sur les bénéfices de la biodiversité fonctionnelle et témoigné de leur quotidien. Ces échanges ont été nourris par les présentations de Robin Champenoix et Jean-Christophe Legendre, ingénieurs à Astredhor Sud-Ouest.
Raisonner l’équilibre agroécologique à l’échelle du paysage
Jean-Christophe Legendre a exhorté les producteurs à dépasser une approche par culture ou à la parcelle pour intégrer les caractéristiques et la biodiversité fonctionnelle du paysage environnant. On entend par là une biodiversité ayant un impact positif sur les plans écologique, économique et social, en contribuant à l’équilibre agroécologique de la production. Un paysage diversifié réduit l’usage des pesticides, en diminuant la pression des ravageurs et maladies.
Favoriser la biodiversité fonctionnelle passe par l’installation d’infrastructures agroécologiques (IAE) : haies composites, bandes fleuries ou enherbées, plantes de services, abris, refuges, nichoirs… sur plus de 5 % de la SAU et 20 % des espaces semi-naturels. Mais cela passe également par l’organisation, l’association et la rotation des espèces, ainsi que la modification des pratiques culturales : cultivars moins sensibles, utilisation de plantes de services, techniques de taille, fertilisation moins azotée, arrêt du travail du sol et réduction de l’usage des pesticides.
Pour constituer un environnement et des communautés d’ennemis naturels efficaces, il faut bien connaître les espèces ciblées, afin de créer des habitats adaptés. Jean-Christophe Legendre fait les recommandations suivantes :
- observer, maintenir et enrichir la végétation spontanée dans les zones qui ne sont pas cultivées ;
- sauvegarder des zones refuges non traitées et non tondues pour la faune tout comme la flore (30 % de zones herbacées pour l’hiver) ;
- faucher (au moins 15 cm de hauteur) plutôt que tondre ou broyer. Utiliser les déchets de coupe (paillages, compost, enfouissage ou BRF) ou laisser le mulch ;
- protéger les fossés, mares et zones humides en procédant à une fauche tardive en mosaïque par segment à plus de cinq mètres de la rive, en laissant un tiers en zone refuge ;
-envisager le pâturage ;
- préserver haies, lisières de bois, zones sauvages, bouts de parcelles, avec un entretien hivernal, mais aussi des zones de pierres, troncs d’arbres et arbres morts ;
- sensibiliser et informer les parties prenantes sur l’intérêt de préserver la faune et la flore locales, en réponse à des enjeux écologiques, mais aussi de santé aussi bien physique que psychologique.
L’efficacité des haies dépend de leurs caractéristiques biologiques (pas de haies monospécifiques) et physiques (hauteur, épaisseur, orientation, perméabilité). Il faut éviter les espèces trop sensibles aux maladies, exotiques ou envahissantes, et bien anticiper le mode de taille.
Utiliser des plantes de services
Les plantes de services, essentiellement fleuries, constituent un second levier de protection, avec des fonctions variées :
- attirer et maintenir les auxiliaires grâce aux plantes attractives ;
- attirer les ravageurs par des plantes indicatrices ou des plantes pièges ;
- repousser les ravageurs en installant des plantes répulsives.
Dans le premier cas, les espèces doivent offrir un habitat et des sources de nourriture accessibles (nectar, pollen, proies), avoir une attractivité visuelle et olfactive, ainsi qu’une période de floraison similaire à celle des auxiliaires. Tous les mélanges fleuris ne se valent pas, certains pouvant devenir des réservoirs à ravageurs, d’où l’importance de bien adapter les plantes de services aux auxiliaires ciblés (voir quelques exemples dans le tableau ci-dessus).
D’autres associations ont démontré leur efficacité : Bergenia contre otiorhynque sur Photinia, heuchère contre Duponchelia sur cyclamen, aubergines contre aleurodes sur Poinsettia. En pépinière, des résultats positifs ont été obtenus contre thrips et pucerons, avec sorbaire (Sorbaria sorbifolia) en culture de rosiers et potentille en culture d’arbustes.
Les plantes de services doivent être disposées au sein de la culture (bandes ou patch) et représenter 5 à 10 % de la surface. Il est important de les entretenir et de détruire celles qui ont un niveau d’infestation élevé, avant que les ravageurs ne se rabattent sur les cultures.
Parallèlement, le producteur peut recourir à plusieurs outils complémentaires, au plan physique (barrières, piégeage), chimique (médiateurs, substances naturelles) ou biologique (macro- et micro-organismes).
La protection biologique intégrée ainsi que la biodiversité fonctionnelle exigent une approche globale de conduite agroécologique des cultures, qui remet l’agronomie au cœur des pratiques et constitue une chance face aux perspectives d’impasses phytosanitaires. Il est impératif d’adopter un autre regard sur les risques, en définissant des seuils d’équilibre et de nuisibilité.
La mise en place passe par une connaissance de son milieu (plan et parcellaire, paysage, nature des sols, inventaires floristique et faunistique), ainsi que des ravageurs et auxiliaires ciblés.
Pour affiner au mieux les couples plantes de services/auxiliaires/ravageurs/cultures les plus efficaces, les stations du réseau Astredhor réalisent de nombreux essais (voir Le Lien horticole n° 1109 page 10 pour Astredhor Sud-Ouest).
Un après-midi d’échanges et de terrain
Les producteurs ont analysé en atelier l’évolution des usages (statistiques MPS) et partagé leur expérience. Le groupe pépinière souhaite continuer à travailler sur les alternatives au désherbage chimique, notamment par la gestion de l’enherbement des allées et la maîtrise des bandes fleuries. L’atelier horticulture a confirmé les besoins de solutions de lutte contre certains ravageurs comme Duponchelia, cicadelles sur chrysanthème et cyclamen, tétranyques sur rosiers et Hydrangea, pucerons et thrips.
La journée s’est terminée par la visite de Pépinières Desmartis. Patrick Chassagne, son gérant, a expliqué les différents schémas culturaux du Lagerstroemia, spécialité maison. Le groupe a visité la nouvelle serre photovoltaïque, qui va permettre de sécuriser la production et d’améliorer la qualité des espèces sensibles aux pointes de chaleur (pour l’instant, Hortensia et lavande).
Marie-Françoise PetitjeanPour accéder à l'ensembles nos offres :