Expérimentation En Rhône-Alpes, tour d’horizon des grandes préoccupations
Empreinte carbone, phytos de synthèse, eau… autant de sujets travaillés par la station d’expérimentation Ratho, qui ont été présentés lors d’une journée technique fin juin.
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Comme chaque année, la journée technique de la station Astredhor Auvergne Rhône-Alpes (Ratho), à Brindas (69), a été l’occasion, le 30 juin, de présenter aux adhérents les différentes expérimentations en cours. Aujourd’hui, les contraintes environnementales sont au cœur des préoccupations de la production horticole. Les stations Astredhor travaillent largement sur ces objectifs : réduire l’empreinte carbone, s’affranchir des phytosanitaires de synthèse, économiser l’eau, adapter la palette végétale aux conditions climatiques. Comment les atteindre sans nuire à la qualité et à la rentabilité économique ? Telle est la question qui se pose aux producteurs.
Limiter la température et l’arrosage
Le changement climatique induit une élévation des températures et du rayonnement, avec pour effet une augmentation de l’évapotranspiration réelle (ETR) et des besoins accrus en eau des plantes. Le projet consiste à développer des solutions basées sur une maîtrise du climat en périodes estivales afin de limiter l’évapotranspiration et la transpiration excessive des productions, tout en maintenant la qualité. La station de Brindas travaille sur l’impact de plusieurs solutions de maîtrise climatique : serre photovoltaïque, bioclimatique, fog, occultation, ombrage. Plusieurs producteurs sont impliqués.
L’occultation ponctuelle des cultures en journée consiste à dérouler un écran durant les heures les plus chaudes, de 12 h 30 à 15 heures, en fonction des prévisions météorologiques. Cette technique réduit de 25 % le rayonnement pour les cultures, entraîne une diminution de la température foliaire (5 °C) et du substrat (3 °C) et jusqu’à 40 % d’irrigation en moins à qualité de plantes à peu près équivalente. On note toutefois une tendance à l’étiolement pour certaines cultures, alors que sur d’autres, telles que les Pentas, la qualité obtenue est plutôt meilleure.
La serre bioclimatique régule la température diurne...
La station Ratho expérimente des procédés de serres bioclimatiques. Un système de stockage des calories sous les tablettes en journée avec des bidons noirs remplis d’eau va restituer la chaleur la nuit, quand l’air est plus frais. Assortie d’un brassage d’air, cette technique limite les pics de chaleur en été : la température de l’air aux heures les plus chaudes est réduite de 2,5 °C environ. En revanche, les températures moyennes de la nuit augmentent…
Autre expérimentation en cours, la brumisation (fog haute et basse pression), avec maintien d’une hygrométrie à 60 % (eau à pH5, sans calcaire). Par cette technique, il est possible de réduire les températures de la serre jusqu’à 3 °C. Réduction de l’irrigation d’un côté, brumisation de l’autre, le bilan hydrique de l’ensemble est en cours d’évaluation.
… le photovoltaïque aussi
L’impact de panneaux photovoltaïques sur les façades sud des toitures de la serre n’est pas sans conséquences, entraînant une réduction moyenne de près de 45 % du rayonnement par rapport à l’extérieur. Cela génère également une forte hétérogénéité pour les cultures et d’importants écarts quant aux besoins en arrosage.
L’ajout d’une peinture diffusante va améliorer fortement l’homogénéité du rayonnement (moins d’écarts d’arrosage observés) mais réduit encore le rayonnement moyen, avec 28 % de transmission par rapport à l’extérieur.
Vers des économies d’eau
Le projet Végét’eau a pour objectif d’évaluer différentes méthodes de détermination de l’état hydrique des végétaux afin d’identifier le matériel le plus adapté aux sécheresses prolongées. L’expérimentation porte sur plusieurs espèces d’arbres en conteneurs sur plateforme extérieure (Quercus, Alnus, Ilex, Magnolia, Acer, Koelreuteria, Eriobotrya…). Deux modes d’arrosage sont appliqués : M1 (irrigation confort) et M2 (irrigation en stress hydrique). La finalité est de comparer des méthodes scientifiques, en plus de l’aspect visuel qui donne déjà de premières indications. Parmi elles :
- la conductance stomatique. Elle qualifie l’état d’ouverture des stomates (en stress hydrique, ils se ferment). Outil utilisé : une pince qui mesure leur ouverture à un instant « t » ;
- la température foliaire. En situation de stress hydrique et de fermeture des stomates, il n’y a plus d’échanges gazeux avec l’extérieur, la température monte. Avec un thermomètre infrarouge, on la mesure sur des feuilles exposées au soleil ou à l’ombre et on la compare avec celle de l’air ambiant ;
- le potentiel hydrique, qui se mesure à l’aide d’une chambre à pression. C’est la force prédominante qui permet d’acheminer l’eau des racines vers les feuilles. Plus le potentiel sera faible (MPa), plus l’arbre sera en stress hydrique.
Les résultats montrent une bonne sensibilité du potentiel hydrique et de la conductance stomatique pour qualifier l’état de stress d’un végétal. Ils conduisent à des perspectives intéressantes, d’une part pour mieux comprendre la physiologie des arbres face au stress climatique (fermeture ou non des stomates), d’autre part pour offrir une aide dans le choix des espèces le mieux adaptées à la ville (potentiel de rafraîchissement).
On peut ainsi distinguer les espèces isohydriques – fermant plus vite leurs stomates – et anisohydriques – les fermant plus tard, avec un effet rafraîchissant prolongé mais un risque plus important de dessèchement définitif. ..
Moins de phytosanitaires
Enfin, Dephy Expé Hortipot 2 vise l’élaboration d’itinéraires de culture innovants pour réduire l’utilisation de produits phytosanitaires en production de plantes en pot et sous abris, ou alors uniquement en ultime recours.
L’essai est mené dans une serre chauffée pendant les trois premières semaines, puis sous tunnel froid, sur des cultures de verveines, pétunias, pélargoniums, calibrachoas (trois cultivars pour chaque espèce). La stratégie utilisée est la méthode Medinbio, qui s’appuie sur la combinaison de plusieurs facteurs :
- biotisation du substrat Gaïa Sol (Bacillus amyloliquefaciens + Trichoderma harzianum), afin d’améliorer les échanges ;
- pulvérisation en cours de culture d’actifs naturels, qui contribuent à éloigner les ravageurs, et de biostimulants renforçant la résistance des plantes. Soit, en préventif, tous les sept jours avec Ortinet (PNPP*) contre les pucerons ou BFREE (engrais foliaire) contre les thrips, soit, en cas d’attaque faible à moyenne, les deux produits précédents en alternance avec INS (PNPP), efficace à la fois sur les pucerons et thrips ;
- utilisation de plantes de services (bourrache, œillet d’Inde, Achillea millefolium, Lobularia maritima ) ;
- observation hebdomadaire de l’état sanitaire et du niveau d’infestation des ravageurs dans la parcelle.
Les résultats sont encourageants : pendant la durée de l’essai, aucune infestation de thrips, de chenilles ou d’autres ravageurs n’a été notée. Seule une attaque de pucerons a été observée, toutefois leur nombre a pu être bien contrôlé dès leur arrivée et durant toute la culture. La population d’auxiliaires est restée importante et les plantes de services ont bien tenu leur rôle au sein de cette stratégie.
Enfin, d’un point de vue purement économique, si les traitements préventifs hebdomadaires jouent sur le coût de revient, on obtient, au terme de la culture, des végétaux qui présentent une qualité commerciale très satisfaisante, et cela sans aucune perte. Ce qui permet de dégager, finalement, une marge potentielle intéressante.
Claude Thiery
*Préparation naturelle peu préoccupante.
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