PBI Les plantes de services, des alliées… en milieu agricole ouvert ou fermé
Leur bonne utilisation peut permettre de mieux gérer les bioagresseurs des cultures et de réduire drastiquement la fréquence des traitements phytosanitaires.
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La chambre régionale d’agriculture d’Île-de-France et la station d’expérimentation horticole Astredhor Seine-Manche ont demandé à Johanna Villenave-Chasset, une entomologiste spécialisée dans les auxiliaires sauvages, qui dirige le laboratoire Flor’Insectes (www.florinsectes.fr), de trouver des solutions afin de favoriser la biodiversité fonctionnelle.
Le but est de réduire les IFT* dans les exploitations horticoles et les pépinières du groupe Dephy. Pendant trois ans, des audits ont été effectués dans chaque exploitation, puis des conseils ont été apportés afin d’augmenter et surtout conserver les auxiliaires sauvages et/ou lâchés.
À la suite de résultats potentiellement intéressants, une série d’articles – corédigés avec Christophe Jarry, horticulteur dans le Val-d’Oise, dont l’exploitation fait partie des fermes suivies, et qui dirige la société d’audit, conseils et formations Bio divers citées (biodiverscitees@ gmail.com) – vont permettre de découvrir des solutions concrètes pour réduire ses traitements avec des plantes de services.
Qu’est-ce qu’une plante de services ?
Les plantes de services sont des végétaux cultivés à proximité ou au sein d’une parcelle de culture, susceptibles de rendre différents services à vocation écosystémique**. Les espèces ciblées sont des nématodes phytoparasites, des maladies telluriques, des déprédateurs (pucerons, punaises, chrysomèles…).
La plante de services apporte son utilité pour faciliter la gestion des bioagresseurs, limiter la pousse des plantes indésirables, améliorer la structure physico-chimique des sols, augmenter la biodiversité fonctionnelle des zones concernées, redonner une vie au sol, aux plantes et auxiliaires naturels, embellir le paysage… En fonction du choix variétal, la plante de services peut être utilisée dans tous les domaines.
Dans des parcelles agricoles, elle sera de préférence placée dans la culture, les interrangs ou en limite de culture. En général, elle pourra être broyée en fin de cycle, ou même disparaître au profit d’autres cultures provisoires ou pérennes. Cette plante n’aura pas pour vocation d’être commercialisée.
Dans les espaces fermés, par exemple des serres ou des tunnels, la plante de services sera susceptible d’avoir d’autres vocations. Elle pourra en effet être commercialisée en fin d’utilisation car elle est liée à sa culture. Ainsi, dans le cas des chrysanthèmes, le charme en conteneur sera éventuellement vendu comme plante de haie à l’automne.
Un principe :
préférer la diversité
L’utilisation de plantes de services suscite encore un certain nombre d’interrogations : lesquelles peut-on utiliser ? Quelle espèce se montrera compatible avec la culture ? Ne va-t-elle pas apporter certains bioagresseurs autres que ceux – à identifier – de cette culture ? Quels sont leurs ennemis naturels ? Quelles plantes sont les plus attractives pour ces derniers, lesquelles vont conserver au mieux ces ennemis naturels car elles hébergent des proies de substitution qui n’iront pas sur les cultures, ou parce qu’elles offrent du pollen et du nectar pour les adultes ? Enfin, quelles plantes sont les plus faciles à utiliser, à se procurer ou à élever ?
S’il ne fallait retenir qu’un seul conseil : agir avec la diversité. Plus les espèces employées seront variées, plus la biodiversité fonctionnelle sera importante et plus les bioagresseurs – des phytophages liés souvent à une plante ou une famille de plantes – seront dilués.
Les plantes sauvages, idéales pour les auxiliaires
Souvent, les plantes sauvages sont déjà bien adaptées aux insectes : on les préférera donc en priorité dans les démarches de PBI. Ce sont elles les plus fournies en grains de pollen par rapport aux ornementales. Ces dernières, des hybrides sélectionnés pour leur esthétisme, ont pu perdre dans le processus leur capacité à se reproduire. Elles se retrouvent alors pauvres ou plus pauvres en pollen.
Or les auxiliaires ont besoin, pour la plupart, de pollen et de nectar (voir encadré ci-dessus) au stade mature pour pouvoir se reproduire, à l’exemple des syrphes, des chrysopes ou des hyménoptères parasitoïdes. D’autres auxiliaires comme les coccinelles adultes peuvent se nourrir de pollen en alimentation mixte.
À noter : les orties sont généralement considérées comme de bonnes plantes de services. Les pucerons sont spécifiques de cette plante : ils n’iront donc jamais ailleurs. Elles attirent par ailleurs de nombreux auxiliaires, dont les chrysopes, qui peuvent y trouver du pollen au stade mature. Elles peuvent également y pondre, ce qui en fait une bonne plante relais.
Où installer les plantes de services ?
Pour protéger les plantes cultivées des attaques des bioagresseurs, des plantes de services de type sauvage seront installées à proximité – idéalement des vivaces, plus faciles à conserver et à utiliser, et même à déplacer – soit en bordure des serres, soit à l’intérieur, soit encore en plein champ au milieu des cultures.
« En positionnant régulièrement, et dans tout l’espace, ces différentes plantes, on cherche à attirer la plus grande diversité d’auxiliaires et le plus longtemps possible avec des floraisons échelonnées. Ainsi, on créera des spots de nourriture qui obligeront les auxiliaires à prospecter toute l’exploitation et pondre sur les plantes cultivées », préconise Christophe Jarry.
L’utilisation des plantes de services peut apparaître complexe mais peut devenir simplifiée grâce à l’aide de spécialistes (entomologiste, botaniste, écologue…). La réussite d’une telle mise en place va reposer sur l’analyse obligatoire du site et la réalisation d’un diagnostic environnemental indispensable. L’utilisation de plantes de services doit s’inscrire dans un schéma global de protection des cultures. Certaines pourront être commercialisées, notamment en horticulture ou en maraîchage. Une démarche marketing doit être associée pour que l’effort financier demandé à l’agriculteur puisse être lissé dans le temps. Des pistes et des orientations peuvent apparaître, par exemple avec l’installation de plantes de services labellisées Végétal local.
*Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires.
**L’approche écosystémique ou approche par écosystème est une méthode de gestion où les terres, l’eau et les ressources vivantes sont intégrées pour favoriser la conservation et l’utilisation durable et soutenable des ressources naturelles, afin de respecter les interactions dans les écosystèmes dont l’être humain dépend. En résumé, toutes les parties d’un écosystème sont liées, il faut donc tenir compte de chacune d’entre elles.
Remerciements :
- Merci à tous les producteurs du programme Dephy qui ont été suivis et qui ont aménagé leurs exploitations afin de favoriser la biodiversité fonctionnelle : Les Serres de Butry, Ets Coudène, Pépinières Poullain, Pépinières de l’Orme de Montferrat, Pépinières Croux, Benoist Horticulture, Pépinières de l’Hurepoix, Fleurs de Cocagne.
- Merci aux conseillères de la chambre d’agriculture d’Île-de-France Isabelle Vandernoot et Isabelle Cadiou, ainsi que l’Astredhor Seine-Manche.
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