Plantes de services (suite) Des alliées pour les cultures de rosiers
Troisième volet de la série sur l’utilisation de plantes de services, après le principe général et l’application en cultures de chrysanthèmes abordés dans de précédentes éditions.
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Par le biais de l’entreprise Les Serres de Butry, dans le Val-d’Oise, Christophe Jarry a intégré un groupe Dephy Horti-Pépi de dix producteurs franciliens. Il témoigne sur ses retours d’expérience et partage ses pratiques.
« Au cours de trois années d’étude, nous avons pu mesurer notre dépendance aux produits phytosanitaires mais surtout découvert l’existence d’alternatives, reconnaît-il. Nous avons calculé nos indices de fréquence de traitement (IFT) et, chaque année, suivi l’évolution des populations d’auxiliaires dans nos serres grâce à des relevés entomologiques permanents et à des comparaisons. Résultat : nous avons intégré des plantes de services dans les cultures de 3 000 rosiers destinés uniquement à la vente au détail, sans pesticides. »
Identifier les problématiques
« Nous produisons des rosiers arbustifs, miniatures, des variétés anglaises, des buissons grosses fleurs et des grimpants, en plus de cinquante variétés différentes, mélangeant couleurs, nombre de pétales et forme des fleurs, pointe-t-il. De cette diversité naissent les difficultés de production : différentes époques de floraison (remontants, non remontants...), hauteurs de pousse et vigueurs aléatoires… Nos cultures de rosiers, uniquement en intérieur, entraînent des problématiques diverses vis-à-vis des bioagresseurs et des champignons. Ce qui se traduit par plusieurs techniques à mettre en place. »
« La mise en culture commence après le rempotage de novembre, la commercialisation à partir de mars, en particulier pour la fête des Mères. Pendant une longue période, les plantes sont en libre-service, d’où l’implication de l’entreprise dans le zéro phyto », note-t-il.
« Avant toute mise en place de protection de la culture, nous devons appréhender la problématique. Il faut identifier les bioagresseurs – couramment dénommés ravageurs –, selon le plus grand nombre de paramètres. Le raisonnement et l’approche doivent être les plus globaux possible et s’adapter à chaque entreprise,préconise-t-il. Nous avons appliqué la même stratégie que pour nos chrysanthèmes, avec la définition, en amont, d’un arsenal de lutte contre les bioagresseurs et les champignons. »
« Trois problématiques ont été retenues : l’oïdium (Podosphaera pannosa) en début de culture ; les pucerons (Macrosiphum rosae) ensuite puis l’acarien ou araignée rouge (Metatetranychus ulmi) en fin.
Oïdium : la génétique, la localisation, du lait entier…
« Nous avions remarqué les attaques d’oïdium à certains endroits de la serre : à proximité des portes d’accès, dans les zones ventilées… favorisant la dissémination des spores au gré des courants d’air et le long des ouvrants latéraux. Certains cultivars y sont très sensibles : nous avons donc repensé les placements. Les cultivars naturellement résistants – aux génétiques plus adaptées – ont, en quelque sorte, entouré les variétés sensibles pour créer une barrière naturelle limitant les risques de contamination. Les cultivars plus sensibles, mais intéressants du fait de leur floraison et de leur qualité horticole, ont pu être conservés. »
« Nous avons aussi réduit le programme de fertilisation en azote, reprend-il, limitant la pousse et donc le risque de fragilité physiologique vis-à-vis de l’oïdium. Pour compléter, nous avons pulvérisé du lait entier dosé à 10 %, tous les quinze jours, durant les deux mois de pousse du feuillage. Ainsi, nous avons créé une sorte de barrière naturelle de plus grâce à une pellicule grasse sur les jeunes feuilles. Le seul inconvénient : la persistance d’une vague odeur de “laiterie”, une source principale de communication auprès de la clientèle et une occasion d’échanger sur nos nouvelles pratiques. »
Des vivaces en pots de 4,6 litres
« Vis-à-vis des bioagresseurs, nous avons utilisé la même technique que pour nos chrysanthèmes, mais en commençant la production de plantes relais dès le mois de septembre, indique-t-il. Nous avons sélectionné les vivaces, horticoles et sauvages : soucis (Calendula officinalis), centaurée bleuet (Centaurea cyanus), bourrache (Borrago officinalis), et les arbustes : potentille frutescente (Potentilla = Dasiphora fruticosa), noisetier (Corylus avellana) et charme (Carpinus betulus, en taille 60/80). Plusieurs critères ont été retenus :
- période de floraison la plus précoce possible pour apporter pollen et nectar : marguerite, persil, carotte, laurier-tin, souci sauvage, bleuet, potentille ;
- hébergement de proies de substitution : noisetier, charme, ortie ;
- plantes intéressantes pour les abeilles à miel et les bourdons : bourrache ;
- aspect général de la plante pour ne pas surprendre notre clientèle...
Nous souhaitions également garder ces plantes relais pour la culture suivante. Nous avons installé des plantes de services en solitaire. Leur culture dès la semaine 34 s’intègre très bien dans notre planning de production, apprécie Christophe Jarry. Nous repiquons directement en pots de 4,6 litres, où le développement est rapide. Ceux-ci sont disséminés dans la culture à environ un exemplaire pour 200 rosiers, sous forme de pas japonais pour assurer une continuité de gîte ou alimentaire à nos auxiliaires. Nous avons aussi mis en place de nombreux nichoirs à mésanges et un pour chouette hulotte, des poteaux pour les rapaces, des ruches… tout cela pour une action globale. »
« Comme pour les chrysanthèmes, il n’y a pas une seule solution, mais une combinaison d’approches… Une communication auprès des clients est indispensable, incluant des visites, des modules de formation, sans oublier une progression auprès des labels de type Plante bleue niveau III. Les résultats obtenus dépendent de l’implication – indispensable – et d’un niveau de compétences plus important des personnels. »
Au sein du groupe Dephy Horti-Pépi d’Île-de-France, la majorité des entreprises produisaient des rosiers en pot (Les Serres de Butry, Pépinières Poullain, L’Orme de Monferrat et Croux). Fleurs de Cocagne, devenue Le Chemin des fleurs, à Avrainville (91), cultivait des rosiers en pleine terre. Des plantes de services ont été installées tous les vingt mètres, entre les plants ou en bout de rang. Les auxiliaires (syrphes, chrysopes, hyménoptères parasitoïdes et punaises prédatrices) vont donc d’un spot fleuri à l’autre en passant par les rosiers, où les femelles pondront des œufs qui deviendront des larves prédatrices. Il est possible de compléter avec des potées ou jardinières, aisément transportables.
Johanna Villenave-Chasset* et Christophe Jarry***docteure en entomologie et dirigeante de Flor’Insectes (www.florinsectes.fr).
**horticulteur, dirigeant de la société d’audit, conseils et formations Bio divers citées (biodiverscitees@gmail.com).
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