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Piégeage phéromonal de masse

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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGÉES

- Propriétés : le piégeage de masse repose sur l’utilisation de pièges contenant un attractif sexuel et/ou alimentaire à base de médiateurs chimiques (substances issues­ de la chimie de synthèse, mais reproduisant des molécules naturelles de façon analogue), utilisés comme leurres pour capturer des ravageurs et limiter fortement leur niveau de population. Cette technique vise à prévenir tout risque d’infestation sur une culture sensible avant l’apparition des dégâts. Trois types de produits sont utilisés :

les kairomones : ce sont des composés allélochimiques, parfois odorants, qui se manifestent dans la communication interspécifique. Produites par les individus d’une espèce, ces substances sont utiles aux organismes qui les reçoivent. Elles interviennent­ dans la rencontre hôte/parasite ou plante hôte/organisme phytophage, en permettant au bioagresseur de détecter son hôte ou au prédateur de détecter sa proie ;

les phéromones : substances chimiques ou mélange de substances produites par des glandes endocrines déclenchant des réactions physiologiques ou comportementales entre des individus de la même espèce­. Contrairement aux phéromones sexuelles utilisées en biocontrôle que les femelles émettent pour attirer les mâles, les phéromones d’agrégation, elles, sont capables d’attirer les individus des deux sexes ;

les paraphéromones : substances de synthèse chimiquement différentes, ayant toutefois un effet identique aux phéromones sexuelles.

- Législation : la note d’information sur les produits de biocontrôle relative aux médiateurs chimiques (référence DGAL/SDQSPV/2020-581), en vigueur depuis le 22 septembre 2020, précise les règles de mise sur le marché et d’utilisation de dispositifs de piégeage phéromonal destinés à la surveillance ou à la lutte par piégeage de masse contre les insectes ravageurs des cultures. Cette note indique qu’un médiateur chimique utilisé dans un piège de surveillance ou de lutte massive est dispensé d’autorisation de mise sur le marché (AMM), lorsqu’il répond aux critères de danger des produits de biocontrôle. Cependant, l’AMM du dispositif de piégeage reste nécessaire lorsque la partie létale du piège fait intervenir une substance active insecticide (cas de la lutte contre certains lépidoptères, diptères ou coléoptères nuisibles aux cultures).

- Phéromones disponibles et cultures concernées : la lutte contre les insectes ravageurs par piégeage de masse est réalisable en horticulture florale, pépinières d’arbres ligneux et espaces verts contre des lépidoptères, dont plusieurs espèces sont polyphages­ (phalène brumeuse ou cheimatobie hiémale, cossus gâte-bois, processionnaire du pin, processionnaire du chêne, pyrale du buis, Duponchelia fovealis, sésie du peuplier, mineuse du marronnier, mineuse des agrumes, noctuelles Autographa gamma, Chrysodeixis chalcites, Heliothis armigera, Panolis flammea, Spodoptera littoralis, zeuzère du poirier, teigne du bananier, teigne-mineuse des pousses de lavatère, tordeuse du cyclamen, tordeuse européenne de l’œillet, tordeuse sud-africaine de l’œillet, tordeuse verte du chêne, tordeuse des pousses de pin, tordeuse du sapin…), des diptères (cécidomyie du févier d’Amérique…), des coléoptères (charançon rouge du palmier, hylésine du pin, taupins…), des thysanoptères (thrips) et des hémiptères (cochenilles farineuses, à bouclier…).

- Mode d’action et cibles : les médiateurs chimiques sont utilisés dans des pièges pour attirer, puis capturer massivement certains insectes ravageurs aériens au stade­ adulte. Ces produits sont libérés de façon passive dans l’air par simple évaporation. L’émission du signal odorant permet d’orienter le vol, l’approche et, dans le cas des phéromones sexuelles, le contact des mâles pour assurer l’accouplement. Celui-ci agit à dose moléculaire sur plusieurs centaines de mètres et est capté par des chimiorécepteurs, surtout au niveau des antennes garnies d’organes sensoriels, ou sensilles. Pour renforcer l’attraction des insectes ravageurs vers les pièges et/ou cibler davantage une espèce nuisible, il est possible d’associer les médiateurs chimiques à des appâts alimentaires (protéines…) ou olfactifs (arômes, composés floraux…), ou de les coupler à des pièges lumineux ou chromatiques (coloration en jaune, blanc crème, bleu ou rouge selon les insectes).

- Types de pièges : la technique de piégeage peut varier selon le matériel utilisé. Celui-ci peut agir par emprisonnement (piège à entonnoir, piège à ailettes de type Mastrap L, piège à pyrale du buis Buxatrap…), par adhérence à des surfaces engluées (piège delta avec plaque engluée ; modèle artisanal constitué d’un tube PVC gris de 12 cm de diamètre et 40 cm de long, enduit à l’intérieur de glu sur laquelle on va placer la capsule de phéromone au milieu du tube), par noyade (piège à eau ou à huile­ constitué d’un bac circulaire rempli d’eau avec quelques gouttes de mouillant ou d’huile végétale, surmonté d’un petit panier porte-phéromones fixé sur un sup­port au centre du piège) ou par contact avec un insecticide (pyréthrinoïdes).

- Utilisation et efficacité : il convient de poser les pièges avant l’apparition présumée des ravageurs, en se référant au cycle biologique de chaque espèce ou à des données de modélisation épidémiologique. La phéromone utilisée, spécifique, doit être positionnée dès l’ouverture du sachet. Certaines capsules sont changées toutes les quatre semaines, tandis que d’autres plus persistantes (long life) couvrent l’ensemble des périodes de vol. Elles doivent être conservées au réfrigérateur ou au congélateur pour une plus longue durée. Afin d’obtenir le maximum d’efficacité et d’intervenir à un coût raisonnable, il est important de bien répartir les pièges dans la parcelle, en respectant une densité optimale jusqu’à un certain seuil. Pour le piégeage de masse de la zeuzère du poirier (Zeurera pyrina) ou du cossus gâte-bois (Cossus cossus), par exemple, on doit prévoir huit à dix pièges par hectare en situation très infestée.

D’autres précautions se révèlent également utiles pour optimiser le piégeage de masse :

- anticiper l’installation des pièges, en effectuant la commande du matériel et des attractifs suffisamment tôt ;

- prévoir un temps de pose des pièges, de suivi (compter un relevé hebdomadaire minimum des captures, idéalement trois fois par semaine – le lundi, le mercredi, le vendredi –, voire chaque jour en cas de pullulation pour éviter une saturation des pièges avec les adultes de l’insecte cible), de nettoyage régulier des pièges (ôter les insectes sans jamais toucher la capsule avec les doigts, ce qui inhiberait son pouvoir attractif, mais utiliser une paire de pinces à épiler ou une fine baguette en bois) et/ou de remplacement des capsules de kairomones ou phéromones (le temps de travail estimé dépend du nombre de pièges et de la facilité à les retrouver entre chaque opération) ;

- faire attention au passage éventuel d’engins et d’outils, si les pièges sont placés au sol ou dans la culture.

Pour le piégeage sexuel, les parcelles seront suffisamment grandes et isolées afin d’éviter que des femelles fécondées à l’extérieur ne pondent dans la culture à pro­téger et que les phéromones n’y attirent les individus provenant des alentours au sein de la parcelle. Le piégeage en bor­dure doit être renforcé, afin que les ravageurs présents dans la parcelle soient attirés vers l’extérieur et que ceux de l’extérieur n’y pénètrent pas.

Il est possible d’utiliser le piégeage de masse pour la surveillance ou le monitoring, comme outil d’aide à la décision afin de raisonner des interventions complémentaires (détection des périodes et pics de vol) ou dans le cadre de la technique push-pull.

Il faut remarquer que l’augmentation des charges pour l’achat des pièges et des attractifs peut être compensée par la diminution de l’utilisation d’insecticides et de matériels motorisés (au contraire d’un traitement phytosanitaire classique).

De plus, le piégeage de masse n’a aucun impact négatif sur l’environnement, notamment la biodiversité fonctionnelle (pas de transfert de contaminants en raison de l’absence de traitements insecti­cides, respect des auxiliaires naturels).

Jérôme Jullien

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