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Rodolia cardinalis, coccinelle prédatrice de la cochenille australienne

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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGEABLES

- Proies : la coccinelle Rodolia cardinalis est un prédateur actif de la cochenille australienne (Icerya purchasi), de la famille des Margarodidae, dont les pullulations sont toujours intenses et spectaculaires, principalement à cause de son corps volumineux, du nombre de ses colonies, du miellat abondant qu’elle sécrète, sur lequel se développe une fumagine noirâtre altérant la photosynthèse et l’esthétique des plantes hôtes. Des brûlures peuvent également résulter des coulures de sève.

Les infestations sont principalement observées sur les feuilles, les branches et le tronc, mais très rarement sur les fruits. Les organes herbacés souffrent de suintements, de déformations et de dessèchement, les parties ligneuses accusent­ des blessures au niveau de l’écorce.

- Principales cultures concernées : toutes les plantes ligneuses protégées avec R. cardinalis sont des hôtes de la cochenille australienne : agrumes, buis, Choisya, cistes­, cytises, genêts (Genista, Retama, Spartium), manguier, mimosas, laurier-sauce, magnolias, marronniers, Nandina, olivier, Pittosporum, poirier, robinier, rosiers, tamaris… Certains végétaux herbacés sont également concernés, comme le chrysanthème et le dahlia.

En général, les foyers d’infestation sont faciles à détecter sous la forme de manchons blanchâtres plus ou moins denses le long des rameaux et sur les nervures principales des feuilles. En l’absence d’ennemi naturel, la cochenille se développe sur les agrumes, au point de leur donner un aspect « enneigé ».

La vitalité des végétaux est très compromise et certains peuvent dépérir. Il est donc important de surveiller régulièrement les plantes sensibles et d’intervenir dès la détection des premiers foyers.

- Comportement et efficacité : à l’origine, R. cardinalis a été introduite dans des vergers d’agrumes de Californie à partir de novembre 1888 pour lutter contre I. purchasi. Dès les premiers essais de lâchers, les résultats donnèrent entière satisfaction. Puis, en 1889, la multiplication de la coccinelle prédatrice permit aux services agricoles de distribuer, de janvier à juin, environ 10 000 individus aux arboriculteurs et horticulteurs californiens. À partir des États-Unis, la coccinelle fut exportée au cours de la décennie suivante en Afrique du Sud, en Égypte et au Portugal. Son acclimatation progressive en Europe, notamment à partir de 1913 à l’insectarium de Menton (06), dans le midi de la France, fut le premier succès, demeuré célèbre­, de la lutte biologique par importation à l’aide d’un prédateur monophage. Grâce à cette méthode de régulation reproduisant un phénomène naturel, la cochenille I. purchasi est devenue moins nuisible dans les productions végétales sensibles, et dans les parcs et jardins.

Actuellement, afin de bénéficier d’une protection durable et efficace contre la cochenille­ australienne, on note avec intérêt la complémentarité de deux auxiliaires : la coccinelle R. cardinalis, mais aussi un diptère cryptochaetidé, également d’origine australienne, la cécidomyie Cryptochaetum iceryae. Ce moucheron, excellent parasitoïde d’I. purchasi, dépose ses œufs dans le corps de la cochenille où une larve se développe et se nymphose. Il peut arriver que la multiplication de la cochenille lors d’une poussée végétative soit plus rapide que celle des auxiliaires, cependant l’équilibre est rétabli plus ou moins rapidement.

La coccinelle prédatrice R. cardinalis et le diptère parasitoïde C. iceryae parviennent à eux seuls à maîtriser les populations de cochenille australienne. Dans ce cas, aucun traitement insecticide ne s’avère nécessaire. Une telle intervention ne ferait d’ailleurs que compromettre l’équilibre biologique. Certains services dédiés aux espaces verts ou centres horticoles communaux confrontés à des attaques de cochenille australienne ont opté pour la protection biologique avec R. cardinalis ces dernières décennies, par exemple à Nantes (44) ou à Toulon (83). Cette méthode est également utilisée par des gestionnaires de parcs et jardins privés, ainsi que des horticulteurs, pépiniéristes, pour maîtriser la cochenille australienne sur des plantes d’intérêt ornemental, tels que les agrumes ou les mimosas, y compris cultivés en serre.

Toxicité de substances actives : la cocci­nelle se montre très sensible (mortalité de 75 % et plus) à certaines substances actives phytosanitaires, telles que les pyréthri­noïdes de synthèse (comme la cyperméthrine, la lambda-cyhalothrine, le tau-fluvalinate). Elle est sensible (mortalité de 50 à 75 %) au fénazaquin. Elle s’avère peu ou pas sensible (mortalité inférieure à 25 %) à l’abamectine et au spinosad.

CYCLE, CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT

Morphologie

- Adulte : petit insecte au corps semi-sphérique de 2,5 mm de long (mâle) à 3,5 mm (femelle), couvert de poils fins, courts et denses (pubescence), pourpre rougeâtre avec des marques irrégulières rouges et noires sur les élytres parallèles. Il y a en général cinq points noirs sur chaque élytre. Quatre d’entre eux sont disposés sur la partie dorso-latérale de l’élytre. Les deux taches antérieures dessinent une sorte de demi-lune. Les deux postérieurs ont un aspect plus irrégulier, formé par l’intersection de deux taches circulaires. Enfin, la cinquième tache couvre la longueur de la suture de l’élytre, s’élargissant vers l’étirement postérieur. La tête, la partie pos­térieure du prothorax et le scutellum sont noirs. Les antennes sont courtes, composées de huit articles, dont le proximal est nettement écarté. Les pattes sont rouges, le tibia est allongé, irrégulièrement aplati, formant un espace pour le tarse au repos.

- Œuf : rouge.

- Larve : corps de 5 mm de long, rougeâtre avec des taches noires sur le thorax. Le côté gauche porte une série de tubercules, chacun couvert de poils courts.

- Nymphes : 4-5 mm de long, d’une couleur rouge s’assombrissant au fil des jours.

Observation : il est possible de détecter cet auxiliaire, même à l’état spontané, au sein des foyers de cochenilles australiennes. Par exemple, en Vendée, un naturaliste a identifié en 2013 deux imagos de R. cardinalis sur un laurier-sauce (Laurus nobilis) et, en 2016, des imagos et des larves sur un mimosa d’hiver (Acacia dealbata), tous infestés par I. purchasi.

Cycle biologique : une femelle fécondée pond de 150 à 190 œufs durant sa vie. Elle en dépose trois ou quatre sous le corps de chaque cochenille. Après l’éclosion, les larves vont pénétrer dans l’ovisac, puis dévorer les œufs et les larves néo­nates. La nymphose a lieu dans l’ovisac vide. Les larves matures et les imagos mangent tous les stades de la cochenille. R. cardinalis endure les hivers au stade adulte et se multiplie d’elle-même dans les cultures dès février-mars. On dénombre huit générations par an dans les zones côtières les plus fraîches de Californie et douze dans les zones chaudes et sèches de l’intérieur. En France, dans les Alpes-Maritimes, on peut compter jusqu’à six générations par an, de mai à octobre.

Conditions d’utilisation : la livraison de R. cardinalis se fait en flacon de vingt-cinq individus sur un support de bandelettes cartonnées. Après réception, on peut conserver l’auxiliaire de un à deux jours au maximum, à une température de 10-15 °C et à l’obscurité.

Le lâcher en culture est réalisable sous abri ou en conditions extérieures. Il est recommandé­ d’agir dès le début d’infes­tation, lorsque les cochenilles forment des colonies.

Jérôme Jullien

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