“ Investir dans un outil moderne de gestion de l'irrigation ”
Jean-Michel Juan, responsable des espaces verts du Grand Avignon (84), optimise l'arrosage au plus près des besoins grâce à un logiciel de gestion centralisée et à une station météo. Diminution de la consommation d'eau, réduction des coûts de fonctionnement, et respect du Grenelle de l'environnement : le bilan est particulièrement satisfaisant...
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Le Grand Avignon rassemble treize collectivités et gère par marché à bons de commandes tous les sites d'intérêt communautaire : une rocade (12 ha), des zones d'activité dont l'Agroparc (12 ha d'espaces publics et 20 ha d'espaces privatifs), des giratoires (Morières, Le Pontet, Caumont, Vedène…), au total 55 ha d'espaces à entretenir ; une surface qui ne cesse d'augmenter. Il s'agit essentiellement de gazons qu'il faut tondre et irriguer, même si Jean-Michel Juan, responsable des espaces verts du Grand Avignon, cherche à augmenter l'utilisation de végétaux méditerranéens au sein d'aménagements minéralisés. « Dans notre région au climat ensoleillé et venteux, la pelouse jaunit facilement et nécessite une consommation d'eau pharaonique », souligne- t-il. Les forages et le canal de la Durançole fournissent en grande partie l'eau nécessaire. Mais Jean-Michel Juan n'entend pas gaspiller une ressource qu'il sait devenir précieuse, et a amené la communauté d'agglomération à investir dans un outil moderne de gestion de l'irrigation.
Jean-Michel Juan a entrepris de moderniser complètement la gestion de l'irrigation du Grand Avignon et de limiter, voire de supprimer les compteurs d'eau de ville. Objectifs : diminuer la consommation en eau, mais aussi les coûts de fonctionnement, et entrer dans la droite ligne du Grenelle de l'environnement. « Avant, un programmateur à piles placé sur chaque électrovanne démarrait l'arrosage pour un temps déterminé et ce quelles que soient les conditions climatiques. Théoriquement, un technicien devait modifier ce temps au moins en fonction des saisons, mais en pratique c'était relativement compliqué au vu du arronombre conséquent de programmateurs. » Résultat : de l'arrosage qu'il pleuve ou pas, en été comme en automne… En discutant avec un technico-commercial en matériel d'arrosage, Bruno Bernard, de la société CNCP Bordet (Avignon), Jean-Michel Juan, conscient des gaspillages induits, a pris connaissance des atouts d'une conduite automatisée, et incité le Grand Avignon à investir dans un logiciel de gestion centralisée de l'arrosage et une station météo. « Désormais, nous ne parlons plus en temps d'arrosage, mais en millimètres d'eau ! »
Depuis 2010, les besoins en eau de sept sites sont satisfaits en temps réel. La station météo fonctionnant à l'énergie solaire située sur le site Agroparc, à Avignon, enregistre six mesures différentes : température, humidité relative, précipitation, vitesse et direction du vent, radiation solaire. Ces données sont transmises dans la journée par GSM (Global System for Mobile Communications) à un ordinateur qui calcule l'ETP (1), évalue les besoins en eau d'après le bilan hydrique (2) et la RFU (3), et envoie les cycles d‘arrosage entre minuit et 7 h du matin. « L'ETP correspond à la demande en eau atmosphérique. L'irrigation doit permettre de compenser cette demande, et de combler la RFU sans la dépasser », explique Jean-Pierre Alviani, du cabinet d'assistance et de gestion des métiers de l'eau AGME Consult (Saint-Rémy-de-Provence - 13). « En attendant le carottage qui permettra de paramétrer précisément chaque site, une RFU a été entrée dans le logiciel pour un enracinement moyen de 50 mm, ainsi qu'un taux d'infiltration de l'eau de 12 mm/heure (déterminé d'après une étude de sol voisine). »
« La fonction ‘Flow manager' du logiciel Maxicom permet aux pompes de fonctionner de manière optimale : elle répartit les stations d'irrigation de sorte que leurs pluviométries ajoutées les unes aux autres correspondent au débit maximal de chaque pompe », explique Jean-Michel Juan. « Sans ‘Flow manager', chaque pompe alimente les électrovannes séquentiellement, d'où un temps de fonctionnement important. » La gestion centralisée a ainsi permis de passer de 17 heures à 7 heures d'arrosage. « Par sécurité, une vanne maîtresse coupe l'eau après 7 h du matin », précise aussi le responsable. « De la sorte, quel que soit ce qui se passe dans la journée (vandalisme, détérioration…), il n'y a pas de risque de consommation d'eau accidentelle. » Avant l'hiver, Jean-Michel Juan demande un arrêt « pluie » du système, les besoins en eau étant minimes.
Au moment de la mise en place de la gestion centralisée, Jean-Michel Juan a demandé un audit terrain. « Normalement, le logiciel détecte les anomalies et arrête tout au bout de trois anomalies consécutives. Mais Maxicom fonctionnait avec 300-400 % de marge de tolérance : notre réseau d'irrigation était trop problématique. » Jean-Pierre Alviani a donc réalisé courant 2011 un diagnostic précis du matériel, et déterminé la pluviométrie électrovanne par électrovanne. À la suite de cet audit, certaines électrovannes ont été fermées. « Nous sommes passés de plus de 200 sur le site de la rocade à 166. » Des matériels ont été changés, l'objectif étant que chaque station soit équipée par une même marque d'équipement. Des systèmes goutte-à-goutte ont été supprimés à certains endroits, le distançage et le placement des arroseurs ont été rectifiés. Cette révision globale du réseau a permis de limiter à 30 % la marge de tolérance à l'été 2012, et ainsi au logiciel de détecter la moindre anomalie en comparant la consommation d'eau réelle (compteurs d'eau) avec la consommation d'eau calculée (débit x durée d'arrosage). Jean-Pierre Alviani a rédigé un protocole de suivi décrivant en détail comment analyser les résultats fournis par Maxicom et comment intervenir. « J'ai demandé à l'entreprise qui a actuellement en charge l'entretien de nos espaces verts qu'il y ait un technicien référent pour la maintenance du réseau d'irrigation », précise Jean-Michel Juan. « Il a été formé par Bruno Bernard sur Maxicom et a en main le suivi du logiciel. Il lit l'analyse chaque matin et se déplace sur les sites avec un camion dans lequel se trouve tout le matériel existant du réseau pour pouvoir remplacer à l'identique en cas de problème. L'intervention s'effectue dans les 12 heures. Avant la mise en place de la gestion centralisée, on pouvait savoir s'il y avait des problèmes, mais on ne réagissait pas avec autant de réactivité… Équipé d'un Smartphone, le technicien peut aussi se connecter à distance sur le logiciel Maxicom et prendre la main. »
Le Grand Avignon a réalisé 45 % d'économies d'eau rien que pour le site de la rocade, selon Bruno Bernard. Le temps de fonctionnement des pompes y a diminué de 10 heures par jour. Les frais d'entretien ont été considérablement réduits, car l'incidence des maladies est en baisse et donc l'application de produits phytosanitaires également. Les 12 ha de la rocade nécessitent désormais environ 20 tontes par an au lieu de 30, du fait de la pousse moins rapide et de l'augmentation de la hauteur des coupes.
Jean-Michel Juan, particulièrement satisfait par ce bilan, avertit tout de même : « La machine ne remplacera jamais l'homme. Le travail de terrain reste indispensable, par exemple pour repérer une aspersion orientée sur la route plutôt que sur le gazon : l'ordinateur indiquera que l'arrosage se déroule correctement, alors que l'irrigation s'effectuera à côté. » Les moteurs des pompes ont également été renouvelés et possèdent désormais des variateurs de fréquence qui envoient la quantité de courant selon les besoins, avec à la clé 25 % d'économie d'énergie. L'investissement pour la remise à niveau de l'équipement après le diagnostic a été équivalent à celui réalisé chaque année pour la maintenance du réseau (vandalisme, passage de fil…) : environ 30 000 euros.
Jean-Michel Juan prévoit de déterminer des coefficients culturaux (pour les sites placés à l'ombre, au soleil…) et de préciser le ressuyage. « Par exemple, à un endroit où il y a un fort ressuyage (pente…), l'ordinateur prévoira un fractionnement de l'arrosage (apports par petites quantités pour éviter l'écoulement de l'eau). » En effet, chaque site (chaque électrovanne) est paramétré en fonction du matériel dont il dispose (arroseur, goutte-à-goutte…), mais il est possible d'affiner ce paramétrage avec des données supplémentaires, préenregistrées ou fournies par des sondes supplémentaires (exemple : anémomètres pour stopper l'arrosage en cas de vent et le décaler). « Je vais faire réaliser des carottages pour disposer de données précises sur les types de sol (argileux, sableux, capacité de rétention en eau, enracinement…). »
Les espaces verts de la communauté d'agglomération sont désormais arrosés selon les conditions météo enregistrées par la station d'Agroparc. « Chacune des collectivités pourrait aussi investir dans sa station et ainsi collecter l'information au plus près de chez elle. Ce type de gestion offre aussi un gros potentiel pour les espaces verts des parcs de sport », affirme Jean-Michel Juan, qui précise que l'Agence de l'eau peut subventionner à hauteur de 50 % les études et les travaux. « Il faut surveiller les appels à projet. » En communiquant sur son expérience, le technicien fait des émules autour de lui. Les responsables du tramway qui va voir le jour en 2013 sur le Grand Avignon ont décidé de tester la gestion centralisée sur une plate-forme végétalisée d'essai, de même qu'une végétalisation à base de plantes méditerranéennes, autre cheval de bataille du responsable des espaces verts.
Valérie Vidril
(1) Évapotranspiration potentielle. (2) Bilan hydrique = apports en eau (pluie, arrosages) - pertes (ETP, ruissellement...). (3) La RFU (en mm) est la réserve en eau facilement utilisable par le couvert végétal. Elle constitue une partie de la réserve utile du sol (RU, en mm par cm de sol), et dépend de la profondeur d'enracinement et de la texture du sol.
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