Login

“Faire d'une friche industrielle un parc naturel urbain”

« Le nouveau projet de parc naturel urbain s'inscrit dans les principes de développement durable de la ville de Rennes et concourt à la mise en oeuvre du Plan Bleu de l'agglomération », souligne Laurence Roux, conductrice d'opérations à la direction des jardins.PHOTO : YAËL HADDAD

Laurence Roux, conductrice d'opérations à la direction des jardins de Rennes (35), gère la reconversion d'un site pollué ayant accueilli lavoirs, tanneries, entreprises et jardins familiaux. Cet aménagement est un concentré de tendances actuelles : reconstitution de zones naturelles, réponse aux multiples besoins des usagers, aux attentes environnementales, et recours à une gamme végétale locale, via des pépinières spécialisées...

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Les prairies Saint-Martin constituent un vaste espace d'une trentaine d'hectares, non urbanisé, en plein coeur de Rennes. À l'origine, le site est constitué d'un ensemble de prairies inondables bordées par un bras de l'Ille (à l'est).

Au XIXe siècle, la construction du canal d'Ille-et-Rance, à l'ouest, favorise le développement d'un faubourg aux abords du site ainsi que l'installation de lavoirs et de tanneries sur les prairies. En 1929, l'office public d'aménagement et de construction achète 8 ha de terrain le long de la rivière pour y installer des jardins ouvriers. Puis, grâce au remblaiement de plusieurs bras secondaires de l'Ille dans le secteur nord, près de 300 entreprises s'installent au fil des années sur la ZI du Trublet (5 ha).

Une activité qui déclinera fortement à partir des années 1970-1980. Le reste du territoire est conservé en réserve foncière pour accueillir un projet de pénétrante à quatre voies. Au début des années 1990, avec l'abandon de ce projet et la fin de l'activité industrielle, la ville entame une réflexion sur la revalorisation du site. « Les principaux objectifs sont le redéploiement du champ d'expansion des crues pour prévenir les risques d'inondations des quartiers alentours, la mise en valeur du potentiel écologique tout en offrant un espace de respiration pour les habitants, la rénovation des jardins ouvriers, la création de liaisons interquartiers », explique Laurence Roux, conductrice d'opérations à la direction des jardins de Rennes. La ville « décide de faire d'une ancienne friche industrielle un parc naturel urbain ». Elle rachète donc progressivement les terrains qui ne lui appartiennent pas et les premières études et travaux de nettoyage démarrent fin 2005. Elle obtient une déclaration d'utilité publique en 2006.

Une pollution à l'ampleur insoupçonnée.

La donne change quelque peu lorsque les premières études des sols démarrent en 2008 : la pollution est plus vaste que prévu ! « Nous avions bien imaginé que nous trouverions des sols pollués dans le secteur de la ZI du Trublet, du fait des activités passées. Mais nous ne pensions pas découvrir des problèmes de pollution dans les jardins familiaux, en fonctionnement depuis près d'un siècle ! C'est pourtant ce qu'ont révélé des analyses de qualité des sols et des eaux souterraines, réalisées en vue de l'installation de points d'eau d'arrosage par pompage. Ils ont fait apparaître une présence anormalement élevée de plomb, supérieure au niveau autorisé par la réglementation. Des études complémentaires sur le sol et les légumes produits ont montré également la présence d'autres charges en métaux lourds. Des doses qui imposaient notamment de ne plus consommer les légumes feuilles, ce qui nous a conduits à nous résoudre à l'arrêt de l'activité des jardins familiaux. Il a donc fallu repenser le projet de réaménagement. » Un concours de maîtrise d'oeuvre a été lancé en 2011-2012. Il a été remporté par l'agence Base.

Un projet en phase avec les attentes citoyennes et les enjeux écologiques.

« Le nouveau projet des prairies Saint-Martin s'inscrit dans les principes de développement durable de Rennes et concourt à la mise en oeuvre du Plan Bleu de l'agglomération. Il mêle des enjeux paysagers et environnementaux, des vocations sociales, récréatives et fonctionnelles, et permet sa mise en connexion avec la ville. La proposition de l'agence Base a su prendre en compte tous ces aspects, proposer un aménagement qui redonne un nouveau souffle au site, sans pour autant faire table rase du passé et de l'identité première des lieux. En outre, cela reste un projet évolutif pouvant s'adapter aux contraintes techniques qui ne sont pas encore toutes pleinement évaluées, et à de nouveaux usages qui pourraient se faire jour dans les années à venir. Enfin, certains espaces ont une vocation multifonctionnelle, ce qui permet d'accueillir des événements festifs temporaires dans l'esprit de ce qui s'organise déjà. »

« Les prairies sont envisagées comme un lieu de rassemblement culturel et populaire, s'appuyant sur les initiatives en place », souligne l'agence Base. « La structure spatiale et végétale est largement issue de l'armature actuelle, qualitative. Il s'agit de clarifier les structures de paysage existantes. Le projet s'organise selon un gradient ouest-est de naturalité et d'humidité, du plus domestique au plus sauvage, du plus sec au plus humide. » Au nord, sur l'ancienne ZI du Trublet, une zone de prairies inondables constituée d'un plateau haut et d'un plateau bas sera créée après évacuation des 60 000 m3 de terre remblayée et potentiellement polluée. Elle améliorera le champ d'expansion des crues de l'Ille et pourra accueillir temporairement des animaux en pâture pour un entretien écologique. Au centre, entre le canal et un ancien bras de l'Ille remis en eau, une « couronne jardinée » sera constituée d'un arboretum, de vergers et de jardins partagés. Y seront adossés du nord au sud, un parc central, un fruticetum, une plaine festive et sportive. Plus à l'est, on retrouvera une forêt « galerie » formée par l'ancienne trame bocagère. Elle marquera la transition avec la zone naturelle protégée et le boisement alluvial, situé le plus à l'est. Des espaces seront non accessibles au public, sauf par le biais de deux observatoires. Pour favoriser une bonne connexion avec la ville, cinq accès seront créés avec notamment une passerelle au-dessus du bras principal de l'Ille.

Une approche écoresponsable pour les travaux et la gestion future.

« Toutes les terres polluées ne pourront pas être conservées sur place. Néanmoins, pour minimiser les exportations dans une démarche de développement durable, le projet prévoit un confinement partiel sur site, en particulier sur une butte préexistante qui serait ainsi rehaussée et pourrait accueillir une vaste aire de jeux. En ce qui concerne la palette végétale, il est prévu de s'orienter vers des espèces de la région en travaillant notamment avec des pépinières spécialisées dans la production de plantes sauvages d'origine locale. Les travaux d'aménagement laisseront une large place à la régénération spontanée dans la zone naturelle protégée. Dès la phase de conception, un plan de gestion sera établi afin de définir les modes d'entretien des différents secteurs et le suivi des polluants, dans une approche écoresponsable. Un document qui se veut évolutif », explique Laurence Roux.

Au-delà de la vocation récréative, il s'agit d'un vaste champ d'expérimentations.

Le projet d'aménagement prévoit la mise en place d'observatoires et de divers supports pédagogiques destinés à sensibiliser la population rennaise sur la diversité faunistique et floristique des milieux humides. Le chemin de l'eau créé au travers du parc et financé dans le cadre du programme d'actions de prévention des inondations (Papi Vilaine) permettra de valoriser la fonction hydraulique du site et de la présenter sous un angle positif. Et Laurence Roux de conclure que « les prairies Saint-Martin ont vocation à devenir un lieu de recherche et d'apprentissage. Nous allons établir une convention avec l'Ademe, Agrocampus Ouest de Rennes et l'université de Franche-Comté pour développer des travaux de recherche sur les bio-indicateurs des sols pollués. Le site est par ailleurs intégré dans le périmètre d'étude de la zone atelier Armorique (CNRS et université de Rennes), un dispositif qui permet de travailler sur les relations entre une société et son environnement, à partir d'observations sur le terrain, d'enquêtes, d'expérimentations menées sur plusieurs années. Les travaux concernent le climat, la biodiversité, l'influence des facteurs humains ».

Yaël Haddad

Situées au coeur de Rennes (35), les prairies Saint-Martin s'étendent sur une trentaine d'hectares non urbanisés. Le site était initialement composé de zones inondables.

PHOTO : VILLE DE RENNES

« L'objectif est de faire de ce parc naturel un lieu de rassemblement culturel et populaire qui viendra s'appuyer sur les initiatives déjà en place sur le site », selon l'agence Base. Ici une perspective d'une future aire de jeux.

PHOTO : BASE

Une zone de prairies inondables sera créée. Elle améliorera le champ d'expansion des crues de l'Ille et pourra accueillir des animaux temporairement en pâture afin d'entretenir les lieux en tenant compte des attentes environnementales.

PHOTO : BASE

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement