“La production locale doit être mise en avant !”
Pour Philippe Cécillon, des pépinières Cholat, à Chambéry (73), plus que la flore locale, difficile à garantir et pas toujours adaptée aux villes, c'est la proximité entre le lieu de culture et l'emplacement définitif des plantes qui est recherchée aujourd'hui. Surtout en Rhône-Alpes, où la contrainte climatique est importante...
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Dans le cadre de la journée technique Echos paysage Rhône-Alpes, le mercredi 25 juin dernier, dont le thème portait sur les plantes d'origine locale (Palettes végétales : concilier végétalisation et biodiversité), l'après-midi consacré à la visite des pépinières Cholat a permis de préciser la limite des plantes « indigènes » au niveau de leur utilisation en espaces verts... Planter des espèces locales présente de nombreux atouts : intégration paysagère, identité régionale, adaptation aux conditions de sol et de climat, préservation de la biodiversité, les plantes purement locales accueillant une faune plus diversifiée. Ces espèces types ou hybrides naturels multipliés par semis offrent une grande variabilité. Au sein d'une même espèce, tous les individus d'une planche de semis sont différents. En pépinière, cela entraîne des lots hétérogènes, dans lesquels des individus à forte croissance ou à port large côtoient des individus à croissance plus lente, ou à port plus élancé. Ces disparités peuvent être difficilement conciliables avec une utilisation en espaces verts. Leur incidence sera plus ou moins marquée selon le type de plantations réalisées. Par exemple, on ne peut pas accepter de telles variations sur un alignement...
Les essences indigènes sont peu compatibles avec la baisse des coûts, devenue une nécessité. « Les arbres que nous cultivons sont principalement destinés à être plantés en milieu urbain, précise Philippe Cécillon, responsable technique des Pépinières Cholat. Dans ce contexte, les arbres doivent répondre à de nombreuses contraintes, climatiques, pédologiques et surtout économiques. Depuis ces dernières années, le budget de fonctionnement des villes a baissé, d'où une forte demande de nos clients pour des végétaux nécessitant peu d'entretien et l'obligation de baisser nos coûts de production. »
En zone naturelle, les arbres indigènes sont les mieux adaptés, les interventions ultérieures sont réduites au minimum. En ville, sur un alignement, c'est tout le contraire. En concevant un alignement à partir d'essences issues de semis, dont les individus peuvent avoir des comportements très différents les uns des autres, on s'expose à des interventions de taille et d'élagage beaucoup plus fréquentes si on veut maintenir cet alignement homogène, d'où des coûts d'entretien qui explosent. Produire ce type d'arbres en pépinière n'est pas non plus compatible avec une logique d'abaissement des coûts de revient. « Dans nos pépinières, nous mettons en culture des séries de deux ou trois cents plantes. Avec une multiplication sexuée, nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous allons obtenir contrairement au greffage, marcottage ou bouturage. Sur un lot de trois cents plants d'une même essence, issus de semis, il faudra faire une sélection rigoureuse pour obtenir un lot homogène de cent plantes, par exemple. Qu'est-ce qu'on fait des deux cents autres ? Quelques clients nous demandent parfois de produire, par contrat de culture, des séries d'arbres de semis pour en sélectionner les plus beaux sujets. Nous sommes d'accord, à condition que les sujets sélectionnés financent l'ensemble de la culture, ce qui multiplie le prix à l'unité par deux ou trois. Pour l'instant, aucune collectivité n'est prête à le faire, et cela se comprend. Baisser le coût de revient à l'unité, c'est d'abord limiter les pertes. En culture, plus nous aurons de séries homogènes, moins ces pertes seront importantes », précise Philippe Cécillon. >
Origine locale, un caractère qui reste encore peu demandé par les clients. Les espèces locales représentent moins de 10 % de la production des pépinières Cholat, pas plus de 15 % des essences cultivées sont d'origine française. Et parmi ces espèces locales, très peu sont issues de semis, même pour les espèces types. Pour la plupart, près de 90 % sont des plants greffés ou bouturés à partir d'un individu sélectionné rigoureusement, garantissant ainsi une homogénéité des lots de culture, à l'exemple du Prunus Avium, ou des variétés très proches de l'espèce type mais avec des qualités supplémentaires pour une utilisation en alignement. On peut citer l'exemple d'Acer campestris 'Elsrijk', mieux charpenté que le type et résistant à l'oïdium. Généralement, pour la plupart de ces variétés, on reste très proche des aspects visuels et des qualités des espèces types. « Autre critère, en zone urbaine, les essences produisant peu de fruits sont privilégiées pour des raisons de sécurité, d'où la nécessité de bien sélectionner les variétés, estime encore le responsable technique. Le caractère origine locale strict est un critère minime au niveau des demandes des clients, seuls quelques-uns souhaitent connaître l'origine des semences que nous ne pouvons d'ailleurs pas garantir. Si nos jeunes plants sont 100 % origine France, on ne connaît généralement pas la provenance des graines. Par contre, la production locale, c'est-à-dire la proximité entre le lieu de culture et l'emplacement définitif, est un élément à mettre en avant surtout en région lyonnaise où nous avons un faible taux d'hygrométrie. De plus, des études ont montré, par la mesure des cernes et de la dureté du bois, que nous perdions de la rusticité et de la résistance avec des arbres originaires d'Italie ou d'Espagne. »
Rester prudents et miser sur des valeurs sûres comme les petits gabarits. Il faut entre six et quinze ans, selon la taille, avant de commercialiser un arbre d'alignement, en partant d'un jeune plant, huit ans minimum pour produire une cépée. Aussi, savoir ce qui se vendra dans dix ou douze ans est difficile à appréhender. « Nous nous devons d'introduire de nouvelles essences, de proposer des taxons que les autres n'ont pas. C'est aussi très motivant pour le personnel, mais il faut rester très prudents car la clientèle nous demande surtout des valeurs sûres. Les essences indigènes ne sont pas nos priorités. Nous misons plutôt sur les arbres de petit gabarit comme Corylus colurna ou d'entretien facilité comme Platanus orientalis 'Minaret', qui présente un port droit et homogène, sans grosses charpentières. Il n'y a pas de place pour le hasard, car même sur ces valeurs sûres, les aléas du marché font fluctuer chaque année la vente d'une espèce par rapport à d'autres. En 2014, tous les Corylus colurna se sont vendus alors qu'on a dû en détruire un grand nombre les années précédentes. »
Claude Thiery
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