“Cultiver la diversité végétale : une passion qui porte ses fruits”
Colette Barthelemy et son mari Dominique dirigent leur entreprise, à Plougastel-Daoulas (29), avec une motivation : offrir la plus grande variété d'orchidées possible, quitte à produire le « mouton à cinq pattes ». Ils renouvellent régulièrement leur catalogue, y compris avec leurs propres obtentions, produisant certaines espèces à quelques dizaines d'exemplaires seulement.
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Produire et vendre des orchidées en France, à côté de grands noms comme Vacherot et Lecoufle, quand les stratégies actuelles consistent plutôt à se limiter aux cultures à basse température, et face à la concurrence néerlandaise et asiatique : une gageure ? Certainement. Mais en tout cas un défi relevé par Colette Barthelemy et son mari Dominique, qui cultivent avec passion la diversité végétale. Installés depuis 1999 à Plougastel-Daoulas, ils dirigent aujourd'hui leur serre nichée sur les hauteurs dominant la rade de Brest.
La Canopée, c'est d'abord « une entreprise modeste mais à échelle humaine », souligne Colette Barthelemy. Le couple et leurs deux salariées, Kamir et Marion, forment une équipe polyvalente, avec « une bonne cohésion, qui permet d'être inventif ». Les employées sont force de proposition. « Dans une petite structure, chacun doit trouver sa place. » Le couple a démarré son entreprise à partir d'une modeste collection personnelle. Passionnés d'orchidées, mari et femme se sont lancés dans l'aventure, sans compétences horticoles particulières, chacun venant d'un secteur complètement différent. À l'époque, ces plantes n'étaient pas banalisées comme aujourd'hui, mais les biotechnologies (multiplication in vitro...) allaient vite les rendre plus abordables. Colette et Dominique Barthelemy produisaient sur 150 m2, participaient à des expositions-ventes où ils se sont fait remarquer pour leurs orchidées botaniques. Au bout de six ans, à l'étroit, ils ont eu l'opportunité de racheter les serres verres d'amis producteurs de fraises. Pour les chauffer, ils achètent les calories au producteur de tomates voisin qui possède une chaudière à bois. Une chaudière au fioul vient en complément.
La Canopée, c'est ensuite une collection d'orchidées exotiques : plus de 2 500 espèces ou hybrides différents, dont un cinquième environ sont proposés à la vente. Les quelque 1 000 m2 de surface de serre ne sont rien comparés aux énormes structures néerlandaises productrices de Phalaenopsis : « Ce ne sont pas les mêmes clients, ni les mêmes attentes. Nous travaillons à maintenir une forte diversité de végétaux, ce qui demande beaucoup d'efforts, notamment pour la commercialisation. Mais ça nous réussit », poursuit Colette.
Les clients, collectionneurs ou non, aiment venir sur place régulièrement pour observer l'évolution de la serre, située à dix minutes de Brest. « Nous avons nos “fans” parmi la clientèle locale. » En été, celle-ci s'enrichit des touristes. « Le bouche-à-oreille est notre meilleure publicité. » L'établissement communique également dans le journal local, via Facebook, par l'intermédiaire des associations Loisirs en Finistère et Plantes et cultures, les newsletters et invitations à la clientèle existante... « Notre activité est tellement ciblée que les gens ne viennent pas par hasard. » Dans l'espace boutique et visite (300 m2), les plantes sont toutes étiquetées avec les noms et les prix. Ces derniers sont fixés en fonction de l'âge du végétal, de la rareté de l'espèce et de la difficulté à la produire, de la concurrence existante. « C'est le B.A.BA, mais dans certaines serres, les clients ne savent pas ce qu'ils achètent ! » Depuis le début, les époux Barthelemy travaillent leur gamme avec une rigueur toute scientifique : « L'information doit être juste. » Les collectionneurs commandent de partout en France et en Europe grâce au site internet, mis en place rapidement après la création de la société bretonne pour favoriser la vente par correspondance.
Ce mode de commercialisation à distance est aujourd'hui totalement intégré dans le fonctionnement de la serre. Le soin apporté à l'emballage permet de livrer jusque dans les Dom-Tom et en Nouvelle-Calédonie par Colissimo (un voyage d'une dizaine de jours). Ce débouché commercial permet de limiter les déplacements sur les expositions-ventes et de consacrer davantage de temps à la culture. D'ailleurs, Colette et Dominique Barthelemy ne participent qu'aux expositions d'orchidées, à l'exception des Botaniques de Ploemeur (56) et de la foire aux plantes rares de Saint-Priest (69). Tous ces rendez-vous offrent l'occasion d'échanger avec les collègues (une trentaine de producteurs en Europe).
Grâce à un réseau de professionnels mondiaux (les orchidées sont soumises à la Cites (*)), Colette et son mari enrichissent leur gamme. Ils n'hésitent pas à produire le « mouton à cinq pattes », en quelques dizaines ou centaines d'unités, suffisamment pour contenter leurs clients. Chaque espèce ou hybride présent en serre (même en seulement deux ou trois exemplaires) a sa fiche descriptive sur le site internet. Lorsqu'une espèce n'est plus en stock, elle est retirée du catalogue. Du coup, ce dernier change presque tous les jours... et les gens visitent régulièrement le site. Un moteur de recherche permet aux clients d'affiner leurs choix. « Nous les aidons à sélectionner leur plante selon leurs attentes : le climat, l'espèce, la taille, le parfum, l'origine... » Les conseils de culture ne sont pas en reste. « J'estime que ce n'est jamais du temps perdu : les gens que nous accompagnons sont des clients qui reviendront. »
L'entreprise produit ses propres hybrides. « Il faut s'interroger sur l'opportunité de créer tel ou tel hybride : existe-t-il déjà, est-ce techniquement réalisable, les parents sont-ils intéressants... ? Car une floraison ne s'obtient qu'au bout de trois ou quatre ans. » Flair et connaissances des variétés sont essentiels. La fécondation est réalisée sur place et les capsules obtenues sont semées in vitro par Dominique dans le laboratoire de Végénov, à Saint-Pol-de-Léon (29). La Canopée a entre quinze et vingt obtentions à son actif, sans COV (Certificat d'obtention végétale), « car produites dans des quantités trop minimes ». Les noms sont envoyés à la RHS (Royal Horticultural Society) qui les valide, ou non, et les enregistre au niveau mondial. Les prix de vente ne correspondent pas forcément au coût de production, car ils pourraient être alors prohibitifs. « D'une manière générale, nous modérons nos prix pour que les plantes sortent et que les stocks tournent. » Ils varient de 12-15 euros à 200-300 euros pour une plante âgée. Car chez les orchidées, ce n'est pas la « taille » du pot qui compte, mais l'âge du végétal. La Canopée vend des végétaux de 3-4 ans minimum jusqu'à 15 ans. « Cette culture est tellement contraignante qu'il faut vraiment être passionné pour la mener ! » Certaines orchidées âgées de 30-40 ans dans la serre servent de « plantes-mères » pour la division. « Il existe quelque 30 000 espèces d'orchidées et 120 000 hybrides recensés : cela nous offre un terrain de jeu important ! Mais qui nécessite une bonne dose de clarté pour que “les gens ne s'y perdent pas”. »
Valérie Vidril
(*) Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction.
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