“Miser sur le végétal pour les récompenses et pour le futur !”
Sous la direction de Jacques Soignon, le service des espaces verts de Nantes mène une politique d'aménagement dans laquelle le végétal est omniprésent. Reconnue au niveau national et désormais international, Nantes Métropole sera Capitale verte de l'Europe en 2013 ! Mais elle entend surtout répondre à la demande de ses habitants...
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Nantes fait partie de ces villes françaises dont la population a explosé au cours de ces dernières années. Une dynamique qui a nécessité la mise en place d'infrastructures urbaines importantes ayant entraîné à la fois l'aménagement de nouveaux quartiers et la reconstruction de la ville sur elle-même, avec la reconquête de friches industrielles ou le réaménagement de quartiers très dégradés. De longue date, l'aménagement de la ville a accordé une place importante au végétal. Peut-être parce qu'historiquement, c'est dans ce port que sont arrivés nombre de taxons inconnus de nos contrées, l'exemple le plus connu étant certainement le magnolia. Louis XV, au XVIIIe siècle, ordonna aux capitaines de navire de la ville se rendant dans les colonies ou à l'étranger d'en rapporter graines et plantes. Le Jardin des plantes, en plein centre-ville, a été créé en 1726 pour accueillir ces végétaux. Mais loin d'être un jardin-musée, ce site est en perpétuelle évolution. Il présente des plantes historiques, mais aussi des variétés horticoles récentes et, au printemps dernier, pour les 300 ans de l'arrivée du magnolia dans notre pays, l'architecte japonais Kinya Maruyama a présenté un « ensemble poétique de pièces » que le public a pu découvrir tout l'été (voir la photo ci-dessus, à droite)...
Non loin de là, les quartiers de l'Île de Nantes sont en cours d'aménagement depuis 2003. La conception d'ensemble de l'île, enserrée entre deux bras de la Loire, a été assurée par l'architecte Alexandre Chemetoff. Le quartier comprend des immeubles résidentiels et de bureaux, des écoles, mais aussi des lieux ludiques. L'arbre aux hérons, aux branches de métal plantées de chasmophytes, plantes capables de se développer dans des conditions de sol très pauvres (voir le Lien horticole n° 657 du 30 avril 2009) se trouve là. Il n'est pas terminé à ce jour et il semble que le développement des végétaux ne donne pas entière satisfaction, mais l'idée suit son cours.
Tout près de là, la nature a repris ses droits sur les rives de la Loire. Une plante rare, l'angélique des marais, y est protégée. Des zones ont été pavées, avec joints enherbés, le long de la Loire, pour une transition naturelle entre le bâti et les bords de fleuve sauvages. Les zones de parking, autrefois installées sur les berges, ont disparu, au profit de circulations mixtes, motorisées et douces.
Toujours dans ce quartier, un bâtiment a été aménagé il y a quelques mois... en espace vert. Au coeur d'une zone résidentielle de 8 000 mètres carrés sur laquelle 91 appartements ont vu le jour, il accueillait autrefois la fonderie, où étaient fabriquées les hélices des bateaux. La toiture a été conservée. Les bardages de côté ont été démontés, du substrat a été apporté et des végétaux plantés. Le service des espaces verts a choisi d'y installer des espèces exotiques emblématiques du patrimoine botanique de la ville, 400 au total. Cette végétation prend place autour d'un espace central dédié à l'accueil du public. Les fours qui permettaient de fondre le métal ont été restaurés. Ils donnent au site une attractivité supplémentaire. La hauteur de substrat varie, selon les zones, de 50 cm à plus d'un mètre. Une partie du jardin est en terre de bruyère, une autre en terre sableuse, une dernière garnie de belle terre humifère qui permet la culture des bambous.
L'irrigation, indispensable puisque la plupart des plantes sont abritées des pluies, est assurée à partir d'un triple réseau : goutte-à-goutte, asperseurs et brumisateurs. La brumisation utilise l'eau du réseau, le goutte-à-goutte et l'aspersion sont alimentés à partir d'eau de récupération des toitures environnantes, une constante dans le quartier. La conception de ce jardin original a été assurée par une équipe de l'atelier bordelais Doazan + Hirschberger (adh).
Le contrat de maîtrise d'oeuvre, confié pendant dix ans à Alexandre Chemetoff, est arrivé à expiration début 2011, et une nouvelle équipe interdisciplinaire, construite autour de l'architecte-urbaniste belge Marcel Smet et de l'agence de paysage portugaise Proap, va poursuivre l'aventure pour explorer d'autres horizons. Toutefois, du point de vue de la place laissée au végétal, Olivier Tardy, manager de projet à la Samoa, société publique d'aménagement chargée du projet de l'Île de Nantes, souligne le travail remarquable réalisé jusqu'ici : « Alexandre Chemetoff a fait preuve d'une grande sensibilité pour le végétal, avec un grand souci du détail. Les interventions urbaines ont été développées en gardant à l'esprit ce parti pris. »
Le service des espaces verts de la ville, dirigé par Jacques Soignon, a été très impliqué dans l'ensemble de la conception, attendu qu'il a récupéré (ou va le faire selon les dates de réalisation) ces espaces verts en gestion.
Le choix des végétaux, en particulier, a été réalisé avec soin, en particulier grâce au travail mené par Claude Figureau, éminent botaniste, désormais retraité, qui a longtemps dirigé le Jardin des plantes. La recrudescence des allergies et le souci de la biodiversité ont aussi été pris en compte pour le choix des espèces.
Au-delà de ces réalisations emblématiques, l'ensemble des rues du quartier sont arborées, des vivaces sont installées en couvre-sol au pied des arbres, les pavés aux joints enherbés, utilisés chaque fois que possible. Les produits phytopharmaceutiques sont proscrits.
À quelques centaines de mètres de l'île, de l'autre côté de la Loire, le quartier Malakoff symbolise une autre problématique. Sa réhabilitation a été menée sous l'égide de l'agence Ruelle. Dans cette zone de 700 mètres sur 100, enclavée le long de la voie de chemin de fer, 1 650 logements construits entre 1967 et 1972 permettent, en 2001, de loger environ 15 000 habitants. Quelque 40 % constituent des familles mono-parentales. Faibles revenus et grande précarité caractérisaient le quartier, qui a fait l'objet d'un grand projet de ville (GPV) en 2001. Des immeubles ont été supprimés pour ramener le nombre d'appartements autour de 1 300, avec comme objectif de loger 3 400 habitants. Un grand boulevard a été ouvert, menant d'un côté à un nouveau pont inauguré sur la Loire, le pont Éric-Tabarly, et, de l'autre, au centre-ville.
Côté espaces verts, le service de la Ville a commencé par dresser un inventaire des arbres intéressants à conserver. Ceux qui n'en valaient pas la peine ont été abattus. Des plantations denses ont vu le jour à la place. Elles maillent le quartier entre les immeubles conservés et les nouveaux immeubles construits. Sequoia, Metasequoia, Trachycarpus, chênes verts, frênes, micocouliers, Pyrus... ont permis de diversifier une palette végétale essentiellement fondée sur le peuplier, le platane, les pins ou les cèdres. Des gabions ont été adossés au talus de la voie de chemin de fer pour en limiter l'impact visuel. Mais offrant une réserve de cailloux aux jeunes du quartier, il a dû être planté. Passiflores, clématites, lierre ou chèvrefeuille ont été choisis selon les emplacements.
Toute ville en pointe dans l'aménagement et l'urbanisme se dote tôt ou tard d'un éco-quartier. Nantes en compte désormais un, Bottière Chénaie, au nord de la ville, construit sous la direction de l'agence Bruel-Delmar. Le long de la voie de chemin de fer qui reliait Nantes à Châteaubriant, en cours de réhabilitation et qui verra l'an prochain passer le tram-train, des immeubles en R + 4 ou 5 assurent une mixité sociale autour d'un ruisseau accueillant sur ses rives une grande aire de pique-nique tout en assurant la collecte des eaux de pluie. Les noues qui y sont connectées et qui récupèrent les eaux de pluie du quartier sont plantées de phragmites. Une éolienne pompe l'eau pour les jardins familiaux du quartier.
L'ensemble de cette politique a permis à la ville d'obtenir de longue date 4 fleurs au concours des villes et villages fleuris. Mais à l'image de nombreuses grandes agglomérations de province, elle est à la recherche de reconnaissance à plus large échelle. C'est pourquoi Nantes Métropole a concouru au titre de Capitale verte de l'Europe (voir ci-contre), lequel lui a été délivré pour 2013. Comme pour les villes nommées capitales européennes de la culture, ce label est délivré à l'avance. Charge au récipiendaire de faire résonner le thème dans la ville au cours de l'année. « Nous misons sur le végétal pour les récompenses et pour le futur ! », souligne Jacques Soignon.
Pour se voir accorder le titre, Nantes Métropole a appuyé son dossier sur la biodiversité, les déplacements et le plan climat. Sur le premier point, la métropole dispose de quatre zones Natura 2000 protégées à l'échelle européenne. Ces zones comptent 127 plantes rares ou menacées, 47 plantes protégées. Sur les 15 500 hectares d'espaces naturels qu'elle compte, 9 500 sont des zones humides. L'une de ces zones est située en plein centre-ville : la Petite Amazonie est née des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Les cratères formés, remplis d'eau, ont généré un écosystème humide fait d'aulnes, de peupliers et de martins-pêcheurs, de tritons et de couleuvres... Un espace où les visites sont contingentées afin d'en respecter l'équilibre écologique.
Quelle pérennité pour une telle politique, dans un contexte économique tendu ? Jacques Soignon n'a aucun doute sur le sujet : « Il existe une demande de fond de la part des habitants pour des espaces verts publics. Nous allons donc continuer à acquérir de nouvelles parcelles pour les aménager en parcs, et plusieurs projets sont en cours. Notre profession et toute la filière qui s'y rattache est promise à un bel avenir. »
Cette année, la fréquentation des parcs de la ville a augmenté de 20 à 30 %. Le climat n'y est sûrement pas étranger, mais cette statistique confirme aussi, sans nul doute, cette fameuse demande sociale. « De plus en plus, les urbains veulent des lieux où ils puissent se retrouver, se rencontrer. Il faut donc créer des espaces mixtes avec des jeux pour les enfants, mais aussi des jardins partagés répondant à une demande de plus en plus affirmée de disposer d'une parcelle à cultiver pour produire ses propres légumes ou encore des zones de découverte de la nature, avec une forte présence de l'eau... L'ensemble n'est pas toujours facile à concilier. Fréquentation importante et protection de la nature sont parfois antinomiques. Reste que s'il faut tenir le public à l'écart de certains lieux, les besoins en surfaces disponibles sont de plus en plus importants. »
Les espaces verts de la ville répondent déjà en grande partie à ces besoins. Le jardin de la Fonderie est un espace de rencontre, la Petite Amazonie un site de nature préservée. Mais le parc créé au coeur du quartier Bottière Chénaie est probablement celui qui concilie le mieux l'ensemble des demandes sociales, avec ses jeux pour enfants, ses zones protégées par des ganivelles, sa conception en bord de cours d'eau et ses jardins partagés. « Nantes est déjà bien lotie, mais continue d'investir et de répondre aux évolutions de la société. Les gens se passionnent pour la cuisine ? Les prochaines Folies des plantes, en septembre 2012, porteront sur ce thème. Nous sommes en contact avec de grands chefs cuisiniers pour ce rendez-vous qui connaît un succès grandissant. On pourrait aussi parler des jardins thérapeutiques sur lesquels nous travaillons également », s'enthousiasme le directeur des espaces verts...
Avant de séduire des jurys pour obtenir des labels, pas de doute, la ville cherche d'abord à séduire ses habitants et ses futurs ou potentiels résidents !
Pascal Fayolle
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