Login

“Des espèces autochtones pour intégrer le bassin dans le paysage !”

Jean-Marie Loaec (à gauche), ingénieur d'études au centre d'ingénierie hydraulique d'EDF, et Yves Crosaz, du bureau d'études et de recherches Géophyte, ont mené le chantier d'aménagement de génie végétal de La Bâthie. Objectif : végétaliser les abords d'un bassin d'amortissement d'une centrale hydraulique.

À La Bâthie, près d'Albertville (73), EDF, avec l'appui technique du bureau d'études et de recherches Géophyte, vient de finaliser la mise en place d'un bassin d'amortissement situé en aval de la centrale hydroélectrique. Un chantier qui se distingue par la qualité de son aménagement paysager, avec huit cents arbres et arbustes plantés.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

L'aménagement hydroélectrique de La Bâthie produit chaque année l'équivalent de la consommation résidentielle de 450 000 habitants. Il fait actuellement l'objet « d'un programme de travaux visant à augmenter la puissance de la centrale, s'échelonnant jusqu'en 2018 et représentant un investissement de plus de 50 millions d'euros », précise Jean-Marie Loaec, ingénieur d'études au centre d'ingénierie hydraulique d'EDF. Première étape de ce programme, la création d'un bassin d'amortissement d'une capacité de 48 000 m3, destiné à atténuer les variations de débit lors des programmes de turbinage. Objectif : renforcer la sécurité des usagers de l'Isère, dans laquelle l'eau turbinée par la centrale est rejetée en aval. En effet, lors d'un démarrage de l'usine, l'eau sera stockée dans ce bassin avant d'être restituée progressivement à l'Isère. Cela permettra de créer un débit d'alerte afin de laisser le temps aux personnes qui pourraient se trouver dans le lit de cet affluent du Rhône de se mettre en sécurité sur les rives avant l'arrivée du débit correspondant à la pleine puissance de l'usine.

Le chantier d'aménagement du bassin s'est déroulé pendant dix-huit mois et a intégré diverses mesures visant à réduire son impact sur l'environnement et les riverains : choix de la période des travaux, utilisation de bandes transporteuses pour limiter le transport routier, gestion des terres infestées par des espèces invasives... EDF a notamment porté une attention particulière à l'intégration paysagère et au maintien de l'usage agricole des terrains concernés par les travaux. Pour mener à bien la revégétalisation, EDF s'est appuyé sur le bureau d'études et de recherches Géophyte, spécialisé dans la réhabilitation des espaces aménagés, pour définir le programme d'actions (conservation des arbres existants, gestion de la terre végétale, choix des espèces à replanter,...) et s'assurer de sa bonne exécution lors des travaux.

Après avoir vérifié l'absence de filière locale de valorisation des matériaux excavés, le choix du site d'implantation de dépôt des déblais s'est porté sur des terrains situés à proximité de la centrale et déjà aménagés lors de sa construction dans les années 1950. Des convoyeurs à bande ont été utilisés pour faire transiter les 115 000 m3 de décombres depuis le bassin jusqu'aux zones dédiées et limiter le transport routier (30 000 trajets de camions évités) et les nuisances associées. Les abords du bassin ainsi que les zones de dépôt ont été entièrement revégétalisés avec des espèces autochtones après avoir été modelés. « Cela a permis d'intégrer le bassin dans le paysage », souligne Jean-Marie Loaec. Les espaces accueillant les déblais ont également été réensemencés sur près de 4 hectares de manière à y maintenir une activité de pâturage et de fauche à l'issue des travaux.

Une fois les remblais mis en place, une couche de terre fertile a été disposée en surface pour permettre l'ensemencement d'espèces végétales appétentes. À l'origine du projet, celle-ci devait être constituée par 15 cm de terre végétale, décapée en début de chantier sur les zones terrassées. Il a cependant manqué près d'un tiers du volume prévu. « Cette différence s'explique difficilement. Nous avons certainement surestimé l'épaisseur de terre disponible sur le site existant ou le décapage a été trop superficiel. Toujours est-il que le volume disponible était déficitaire et en faire venir de l'extérieur n'était pas envisageable pour des raisons budgétaires. Cela nous a conduits à réduire la couche d'apport à 10 cm au lieu de 15 cm et à privilégier les zones les plus visibles de la route », indique Yves Crosaz, directeur de Géophyte. Les secteurs les plus en retrait n'ont ainsi pas été recouverts de terre végétale et le semis a été effectué directement sur les déblais. On y constate toutefois une reprise végétale même si la végétation y est évidemment moins dense que sur les zones ayant reçu la terre végétale. Les espèces composant le mélange fourrager proposé par le bureau d'études Géophyte (fétuque élevée, ray-grass et un peu de trèfle blanc et de trèfle violet) avaient été validées au préalable par la chambre d'agriculture de Savoie. Relativement plane avant les travaux, cette zone présente aujourd'hui un relief plus modelé rappelant les paysages environnants. Quelques mois après le semis et avec la végétation en place, l'impact des travaux s'est déjà quasiment estompé. Un résultat atteint non sans quelques difficultés, puisqu'il a fallu compter avec la présence de plusieurs foyers de renouées de Bohême (Fallopia x bohemica) sur la zone d'emprise du projet. Une présence qui a nécessité une gestion rigoureuse des travaux de terrassement et de revégétalisation.

« La renouée se propageant à la fois par ses rhizomes mais aussi par ses graines, il est essentiel d'éviter leur dispersion. Les équipes d'EDF ont identifié très en amont cet enjeu et ont compris la nécessité de le prendre en compte lors des travaux pour éviter une propagation de l'espèce », explique Yves Crosaz. Les foyers existants ont fait l'objet d'un traitement particulier. Au démarrage des travaux, les terres infestées de renouées ont été décapées jusqu'à 80 cm environ de profondeur, en fonction de la position des rhizomes dans le terrain, puis enfouies sous près de 10 m de remblais afin d'éviter toute reprise végétative. « À cette profondeur, les rhizomes s'épuiseront avant d'avoir pu reconstituer une plante », estime le technicien. Malgré ces précautions, certains rhizomes peuvent ne pas avoir été traités. Aussi, une fois les terrassements terminés, il est impératif de surveiller les zones de remblais pour repérer tout nouveau départ de renouées et procéder à l'arrachage. « Un morceau de rhizome d'un centimètre peut redonner une nouvelle plante s'il n'est pas enlevé immédiatement, puis recoloniser rapidement le milieu. Dès la première année, ce printemps 2013, ce sont entre cent cinquante et deux cents pousses de renouées qui ont été déterrées, y compris le rhizome, très simplement à l'aide d'une bêche ou une truelle. » Un arrachage indispensable pour ne pas mettre en danger la survie des espèces plantées au niveau des berges et des abords du bassin d'amortissement.

Le mélange choisi pour revégétaliser ces parties du site est plus diversifié avec une quinzaine d'espèces de plantes herbacées autochtones, parmi lesquelles le plantain lancéolé, le sainfoin cultivé, l'achillée millefeuille, l'anthyllide vulnéraire, la petite pimprenelle... « Il nous appartient de garantir la qualité du mélange livré et un report du semis peut être exigé en cas de non-conformité. De plus, nous conservons un échantillon de chaque mélange pour une analyse de la composition végétale et des tests de germination en cas de mauvaise levée ou s'il s'avère que certaines espèces manquent à l'appel. Il était prévu d'effectuer le semis en deux temps : un passage lors de la première semaine d'avril, avec 70 % des graines, et un autre en septembre. Vu les conditions pluvieuses de ce printemps, ce second semis aurait pu s'avérer inutile. Cependant, on a essayé, en fonction de l'avancée des travaux, de privilégier les semis d'automne qui donnent dans la plupart des cas de bien meilleurs résultats », souligne Yves Crosaz. Un premier fauchage a été effectué à la mi-juin, à une hauteur de 15 cm essentiellement pour contrôler les mauvaises herbes annuelles qui s'étaient largement développées avec la pluviométrie importante et redonner de la lumière aux espèces semées.

La conservation des arbres et des arbustes existants et la revégétalisation post-chantier ont également fait l'objet d'une attention particulière. « Toujours dans l'objectif de réduire les impacts en amont, nous avons privilégié une implantation du bassin et des zones de dépôt des déblais sur les espaces dépourvus de végétation. Dans la mesure du possible, les arbres existants ont également été conservés et protégés lors du chantier. Dans ce contexte, le plan de revégétalisation mis en oeuvre à l'issue du chantier permet d'apporter une plus-value par rapport à la situation initiale, aussi bien sur le plan paysager qu'environnemental », explique Jean-Marie Loaec.

Ce plan de revégétalisation prévoyait en effet la plantation, en tiges ou en cépées, de près de huit cents arbres et arbustes (bouleaux, charmes, érables, sorbiers, châtaigniers...) autour du bassin et sur la zone de dépôt des remblais. Les arbres de grande taille (300/350) ont bénéficié d'un apport de 3 m3 de terre amendée (terre de remblais, compost et engrais organique) contre 1 m3 pour ceux plantés en taille 10/12. Les copeaux issus des broyages des branches des arbres abattus ont été utilisés en paillage au pied des végétaux et sur les massifs arbustifs. Ce paillage est efficace à condition d'apporter une épaisseur suffisante, l'herbe réapparaissant même au travers d'un horizon de 10 cm. Une hauteur de 20 cm de copeaux est donc préconisée pour assurer une efficacité totale contre la pousse des mauvaises herbes. Ces dernières ont sans doute aussi leur place dans cet écosystème en partie refaçonné par ces travaux de génie végétal entrepris au service de la biodiversité. Avec à la clé, un véritable gain environnemental sur la zone concernée.

Claude Thiery

Au niveau des berges et des abords du bassin d'amortissement, le mélange choisi pour la végétalisation est diversifié avec une quinzaine d'espèces de plantes herbacées présentes dans la végétation locale.

Les zones plus en retrait n'ont pas été recouvertes de terre végétale. À ces endroits, le semis s'est effectué directement sur les déblais plus ou moins inertes. La végétation y est évidemment moins dense que sur les zones ayant reçu de la terre végétale.

Relativement plane avant les travaux, cette zone présente un relief plus modelé rappelant les paysages environnants. Quelques mois après le semis, une fois la végétation en place, l'empreinte des travaux s'est quasiment estompée.

Dans les zones infestées par la renouée de Bohême (Fallopia x bohemica), les terres ont été décapées et enfouies profondément pour éviter la reconstitution de la plante.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement