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“Une gestion différenciée en bord de route pour la biodiversité !”

Richard Andreosso, responsable de l'entretien des routes au conseil général de l'Isère, rappelle que les axes routiers constituent des écosystèmes avec des faunes et des flores intéressantes qu'il convient de préserver. Encore faut-il que les méthodes de gestion soient adaptées à cet objectif...

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Le conseil général de l'Isère a généralisé le fauchage raisonné sur l'ensemble de son domaine routier depuis 2008. Comme les espaces verts des villes, les bords de route n'ont pas tous besoin du même type d'entretien. La sécurité routière reste l'argument principal du fauchage des abords routiers. Il est essentiel de donner le maximum de visibilité aux automobilistes dans les virages et aux abords des carrefours. En dehors de l'accotement qui doit être entretenu régulièrement sur une largeur d'un mètre, les portions de routes droites nécessitent moins d'interventions. Les talus et fossés peuvent ainsi bénéficier d'une fauche plus tardive pour permettre à la plupart des plantes et animaux présents d'accomplir leur cycle biologique avec toutefois une contrainte particulière que constitue la lutte contre l'ambroisie.

Parallèlement, pour réduire les pollutions des eaux et les dégâts sur la faune et la flore, le conseil général de l'Isère a supprimé l'usage des pesticides dans l'entretien des abords routiers et cherche à limiter les épandages de sel pendant l'hiver.

Richard Andreosso, responsable de l'entretien des routes au conseil général de l'Isère sur le territoire du Haut-Rhône dauphinois (secteur de Crémieu), estime que le matériel utilisé actuellement n'est plus complètement adapté à ce type de gestion innovante et teste depuis plusieurs années de nouvelles techniques visant à la fois un meilleur respect du milieu et des économies budgétaires. « La gestion différenciée en bord de route oeuvre pour la biodiversité ! », lance-t-il.

Outre le fauchage raisonné, un des moyens de préserver la biodiversité végétale et animale consiste à remonter la hauteur de coupe. Les épareuses classiques ne sont pas adaptées à un fauchage en coupe haute : le déflecteur ne protégeant pas jusqu'au sol si on place le rotor trop haut, il s'en suit un fort danger de jet de pierres. Une tête de coupe équipée d'une jupe souple flottante pour éviter les projections est utilisée sur le territoire. L'investissement est d'environ 12 000 à 13 000 euros par tête de fauche de 1,5 m de largeur. L'utilisation de cet outil pour une coupe haute (14 cm) procure des avantages indéniables :

– La plupart des papiers et détritus non ramassés préalablement (bouteilles, canettes...) ne sont pas broyés et peuvent être collectés après la fauche ;

– Pas de risques d'effet rotavator sur le sol, notamment au niveau des bosses. Il en résulte moins d'érosion des talus et fossés (curages moins fréquents) et de zones d'herbes mises à nu (important pour l'ambroisie) ;

– La plupart des cailloux sont évités, ce qui limite l'usure du matériel (sur une campagne de 350 heures seulement dix couteaux ont été changés), la casse (moins d'indisponibilité de matériel), les accidents avec les usagers ou les agents ;

– Rapidité d'exécution, 8 à 10 % de gain de temps, en moyenne par rapport au fauchage classique. L'appareil avance à la même vitesse mais est moins souvent arrêté : 24 km linéaires par jour en moyenne, soit 2 km de plus qu'en coupe rase ;

– La tête de fauche est tirée et non poussée comme sur le matériel classique. L'opérateur suit mieux les bosses, ce qui génère moins de secousses pour lui, et il bénéficie aussi d'une position plus ergonomique ;

– Sauvegarde des plantes basses et des rosettes (comme les orchidées) ;

– Repousse de l'herbe moins rapide. Sur une même route, des essais ont été réalisés : une zone en coupe rase et l'autre en haute. Au bout de deux semaines, l'herbe coupée ras a rattrapé en hauteur la seconde. De plus, en coupe haute, on peut faucher de plus grandes hauteurs (jusqu'à 80 cm) sans que l'herbe ne se couche devant la machine. Ce même matériel sur bras hydraulique pourrait aussi remplacer la rotofaucheuse pour le fauchage des accotements, avec quelques intérêts coté sécurité du travail. La rotofaucheuse située à l'arrière du tracteur est peu ergonomique pour le conducteur (problèmes de colonne vertébrale) et ne permet pas d'intervenir dans les carrefours ou autour des panneaux, à cause de l'absence de bras.

Plus encore que pour le fauchage, l'épareuse classique n'est pas l'outil le mieux adapté pour l'élagage et la taille des haies, tant d'un point de vue esthétique (branches rognées, lambeaux, souvent mal acceptés à juste titre par le public...), que sanitaire (plaies larges, pas de possibilité de cicatrisation pour les arbres) ou sécuritaire pour les agents et les usagers de la route (projections). « On reproche souvent aux agents d'abîmer les arbres, mais avec ce type de matériel, il est difficile de faire mieux, car ils sont soumis à de nombreuses contraintes pendant l'exécution des travaux : le passage des véhicules avec des conducteurs pas toujours disciplinés, le relief du terrain... », explique Richard Andreosso. « Le territoire du Haut-Rhône dauphinois teste depuis quelques années sur environ 20 % du linéaire routier pour l'entretien annuel ou bisannuel des arbres et des haies, l'éco lamier, un disque équipé de plusieurs couteaux amovibles. Cet outil coupe les branches d'une façon très nette et avec peu de projections. Il est parfaitement adapté à des pousses de un ou deux ans. Pour des branches plus importantes, nous avons recours au lamier classique (scie) ou bien nous faisons appel à des grimpeurs élagueurs pour des branches inaccessibles. »

De plus, l'éco lamier procure un gain de temps par rapport à l'épareuse, la vitesse d'avancement est plus importante, de même que la hauteur traitée à chaque passage (de 2 m à 2,20 m). Monté sur le même bras hydraulique que le lamier classique, il permet des coupes jusqu'à 11 m de hauteur en position verticale. Le principal inconvénient concerne l'absence de broyage des branches tombées à terre. Le tracteur est équipé d'un souffleur pour évacuer les tailles tombées sur la route vers l'accotement, mais il faut néanmoins être vigilant en présence de vent. « Pour le broyage des branches, nous combinons cette intervention avec le fauchage tardif des talus. Cela demande de bien gérer l'ordre des interventions, poursuit Richard Andreosso. L'élagage étant sous-traité à une entreprise, nous disposons de nos équipes pour assurer le fauchage-broyage des tailles dans la foulée. »

Depuis quelques années, le conseil général de l'Isère a décidé d'abandonner l'usage des produits phytosanitaires pour l'entretien des routes, prioritairement pour des raisons environnementales, mais aussi par rapport à la sécurité des utilisateurs et vis-à-vis d'une législation de plus en plus contraignante. « Nous avons testé le désherbage à l'eau chaude il y a trois ans », souligne Richard Andreosso. « Cette technique semble particulièrement intéressante pour détruire des foyers d'ambroisie inférieurs à 12 cm de hauteur sur les zones enherbées en remplacement des herbicides chimiques. Après un traitement à l'eau chaude, et sans semis de regarnissage, la reconquête de l'herbe est très rapide en comparaison avec un désherbage chimique. En chimique, on voit réapparaître également moins d'espèces végétales, et l'ambroisie, alors moins concurrencée, se réinstalle plus facilement à partir du stock de graines présent dans le sol. »

L'objectif pour les prochaines années est d'utiliser du matériel léger, soit en sous-traitance avec des machines autonomes sur fourgon pour traiter les foyers importants d'ambroisie et les carrefours (îlots), soit en régie avec des microcentrales à eau chaude pour traiter les zones réduites. Ainsi, la lutte contre l'ambroisie peut prendre trois formes suivant l'importance des foyers.

Pour les foyers de diamètre inférieur à 40 cm, il faut étouffer l'ambroisie en s'aidant de la « coupe haute » et en retardant le plus possible la première fauche. En effet, une étude réalisée sur le territoire il y a quatre ans a montré qu'en retardant la première coupe de l'herbe on limite sa pousse. Le 10 juin, en l'absence de fauchage, les plants témoins d'ambroisie mesuraient 3 cm contre 13 cm en cas de fauchage précoce.

Pour les foyers de 40 cm à 1 m, l'idéal est de brûler ponctuellement à l'eau chaude et de laisser la végétation naturelle reconquérir l'espace.

Enfin, pour les foyers de taille supérieure, la stratégie est de brûler de façon systématique et de ressemer une culture de remplacement, de préférence avec des végétaux à pousse lente offrant une bonne couverture. Si on opte pour une prairie fleurie, on choisira le plus possible des fleurs locales. Un des moyens pour permettre le renouvellement d'une flore locale est de favoriser les semis naturels en laissant, sur de grands espaces, quelques zones non fauchées pour former un vivier de fleurs et de graines que le vent transporte.

Le désherbage thermique à eau chaude est aussi utilisé pour traiter les surfaces stabilisées, mais nécessite quatre à cinq passages par an. Quelques essais de traitement thermique au gaz ont donné de bons résultats sur les îlots au niveau des joints entre les bordures et le bitume. Comme pour les traitements à eau chaude, l'objectif des prochaines années est de travailler ponctuellement avec des désherbeurs individuels autonomes sur harnais.

Richard Andreosso précise qu'avec cette technique, « pour limiter la repousse, il ne faut pas brûler l'herbe mais juste provoquer l'éclatement des cellules (flétrissement semblable à une herbe ébouillantée) ». De plus, si on insiste trop, on éclate les enveloppes des graines présentes dans le sol et les germinations deviennent importantes, sans compter les risques de feu. Comme pour les aménagements urbains, ces joints sont particulièrement sensibles sur les routes. D'autres techniques de désherbage ont été ou vont être testées, comme l'utilisation d'un défoliant d'origine végétale pour affaiblir l'herbe, suivi quelques temps après de la mise en place d'un joint de chaussée (utilisé sur les fissures) puis d'un sablage esthétique. Mais, de manière globale, Richard Andreosso émet quelques réserves sur les défoliants végétaux : « Cela reste des produits dangereux. Il convient de mettre en garde les utilisateurs et de respecter, comme pour les autres produits phytosanitaires, la destination d'origine (espaces verts, voirie ou horticulture) et les précautions d'emploi. Il est important de bien lire la notice car les fabricants intègrent souvent des intrants de synthèse. À ma connaissance, les seuls produits homologués en voirie composés uniquement d'une source végétale sont ceux à base d'acide pélargonique. Produits, de toute façon, à utiliser ponctuellement, car coûteux (dosage 166 l/ha, soit 2 500 €/ha). »

Autre technique à tester, l'utilisation d'une débroussailleuse équipée d'un réciprocateur (deux lames qui se croisent) pour éviter les projections et l'usure du matériel. Sur les accotements et les talus, les plaques et les tapis antiherbes ont fait leurs preuves. Au niveau départemental, plusieurs modèles ont été testés pour éviter le recours à la débroussailleuse lors des fauchages : des plaques de 1,5 x 1 m en plastique recyclé ont été installées au pied des panneaux de signalisation avec l'avantage de mieux ressortir visuellement pour la sécurité des usagers, et des tapis souples ou rigides avec un profil en dôme ont été mis en place sous les glissières de sécurité.

Sur un terrain plat, la pose des tapis souples nécessite de réaliser un profil en dôme pour que les saletés ne s'y accumulent pas. Les glissières qui présentent le plus de risques pour les agents lors de l'entretien sont équipées en priorité...

Claude Thiery

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