“Changer ses pratiques pour devenir une référence en gestion du gazon !”
Christophe Gestain, directeur de l'Institut Paysage Environnement, a guidé Guy David, le jardinier du Stade toulousain, pour l'amener à adopter des pratiques plus respectueuses de l'environnement, validées par le label « Pelouse sportive écologique ». La pelouse et les dépendances de l'aire de jeu ont été entièrement refaites dans un esprit éco-responsable...
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Une pelouse sportive utilisée par un club de rugby de haut niveau peut aussi être gérée de manière à mieux respecter l'environnement et obtenir le label « Pelouse sportive écologique ». Le Stade toulousain, club le plus titré en France et en Europe, a ouvert la voie dans son enceinte sportive du stade Ernest-Wallon.
En septembre 2010, les responsables du club lancent un appel d'offres pour la réalisation d'un audit sur le terrain d'honneur qui présente des faiblesses. Le stade a été créé au début des années 80, la pelouse n'a jamais été refaite et elle commence à être rattrapée par la limite d'âge... Christophe Gestain, directeur de l'Institut Paysage et Environnement, obtient le marché : « L'objectif était de changer les pratiques pour que le stade devienne une référence en gestion du gazon ! » Il étudie les caractéristiques de l'enceinte sportive (système d'irrigation, drainage, flore...) et constate que la pelouse est essentiellement composée de pâturin annuel fragile, que le drainage n'est pas tout à fait aussi efficace qu'il le devrait, que l'irrigation est réalisée au jugé et qu'en conséquence les maladies du gazon prolifèrent, en particulier Sclerotium rolfsii en début et fin d'été... Les résultats de l'étude sont remis au conseil de l'association gestionnaire du club et à son président, René Bouscatel. Un conseil d'administration décide, en février 2011, de faire refaire entièrement la pelouse et les dépendances de l'aire de jeu. Dans les discussions qui sont engagées entre le spécialiste des pelouses et le gestionnaire de club, la question de la gouvernance est abordée et le développement durable est délibérément inscrit dans le nouveau projet de réalisation et de gestion du stade.
Le dossier de consultation des entreprises est rédigé en tenant compte de ce schéma et, en particulier, de l'empreinte carbone de toute intervention. Si les entreprises seront choisies pour leurs compétences, la notion de proximité doit entrer en ligne de compte. Trois lots sont créés pour l'appel d'offres : l'infrastructure, le gazon de placage et les abords. L'entreprise locale Arnaud Espaces verts est retenue pour réaliser l'aire de jeu et ses dépendances en gazon synthétique, et Sitoflor, basée près de Bordeaux, remporte le lot de fourniture de gazon de placage. Concernant le gazon, un mélange spécial, composé de raygrass anglais et de pâturin des prés, est élaboré pour « bien répondre aux exigences du rugby et du client », précise Christophe Gestain. Les travaux ont été réalisés à l'intersaison, l'été dernier, le placage de la pelouse, en août. Installée dans un substrat correct, la pelouse dispose désormais d'un drainage efficace, d'un système d'arrosage performant, qui reste la base indispensable pour une gestion efficace et économe.
Un seul jardinier s'occupe de l'ensemble des espaces verts du stade Ernest-Wallon, Guy David, passionné de rugby, surtout de l'équipe locale, mais aussi prompt à faire évoluer ses pratiques. « La formation du personnel est l'un des critères les plus importants du label “Pelouse sportive écologique” », précise Christophe Gestain. « Les personnes chargées de l'entretien doivent être ouvertes aux modes de gestion et à leur évolution pour que toute nouvelle orientation prise par la direction puisse être effective sur le terrain. »
Pour Guy David, en un an, les choses ont considérablement évolué. Le premier point de changement concerne l'irrigation. « L'équipement dont nous disposions ne nous permettait pas de savoir quelle quantité d'eau nous apportions », explique-t-il. « Les arrosages étaient mal répartis. Ils duraient parfois 45 minutes. Le stade ayant beaucoup d'ombre portée, nous avions un effet “cocotte minute” qui, ajouté à l'excès de fertilisation azotée, générait des maladies cryptogamiques. » Aujourd'hui, le gestionnaire sait qu'un arrosage de 10 minutes apporte précisément 3 mm d'eau à la pelouse grâce aux trente-cinq arroseurs répartis de manière optimale sur l'aire de jeu. La réserve en eau facilement utilisable (RFU) du sol est de 10 mm. Un abonnement aux données de Météo France permet de connaître l'évapotranspiration potentielle (ETP), et de caler la durée d'arrosage sur cette donnée. L'été dernier, deux arrosages ont été réalisés chaque jour, l'un à 7 h, l'autre à 22 h, avec un rapide apport de 2 mm en journée pour faire baisser la température quand il faisait très chaud. La seule fin d'année 2011 ne permet pas encore de savoir quelles économies d'eau pourront être réalisées, mais à partir des arrosages pratiqués sur la période d'août à octobre, Guy David estime qu'il devrait arroser « environ trois fois moins ».
Second point d'évolution, la fertilisation. « Nous apportions de 250 à 300 unités d'azote par an, essentiellement sous forme minérale classique », explique Guy David. « Nous faisions un apport d'engrais tous les deux mois. » Le plan de fertilisation de Christophe Gestain prévoit l'apport fractionné (sept passages annuels) de 180 unités d'azote sous forme organique, avec un équilibre NPK de 180/150/150. Un choix rendu facile par le fait que le fabricant d'engrais organique Frayssinet est une entreprise locale mais également l'un des sponsors du club... Le poste d'engrais est donc devenu moins cher, « mais nous effectuons plus de regarnissages », précise le jardinier. Le danger qui guette la pelouse c'est l'inversion de flore et le retour du pâturin annuel. « Il est important de bien surveiller le potentiel grainier et je préconise des regarnissages ponctuels à la dose de 5 à 7 g de graines/m2 et un regarnissage annuel à l'intersaison à raison de 20 g/m2 au maximum », précise Christophe Gestain. Sachant que le ray-grass anglais compte environ 1 000 graines au gramme et le pâturin des prés 6 000, les apports réguliers de semences ne sont pas négligeables.
L'irrigation et la fertilisation ont une influence directe sur les tontes. « Avant, il fallait tondre tous les jours. Aujourd'hui, c'est deux fois par semaine », explique Guy David. La hauteur de tonte a aussi été modifiée à 40 mm au lieu de 30. Elle est tout à fait correcte pour la pratique du rugby et plus adaptée, car plus il y a de feuilles, plus il y a de racines, et plus le gazon est résistant. « Les nouvelles méthodes de gestion limitent les à coups dans le rythme de pousse de l'herbe », poursuit Christophe Gestain. À raison d'une heure et demie à une heure quarante-cinq de tonte, l'économie de temps n'est pas négligeable. Sans compter que les tontes représentent « 70 % de l'empreinte carbone du gazon sur terrain de sport, plus encore en agrément », selon le consultant. Autre point sur lequel l'attention est désormais portée : l'état de l'herbe. « Désormais, nous ne tondons plus de l'herbe mouillée », précise le jardinier. Les déchets de tonte sont stockés et régulièrement collectés par une entreprise chargée d'en faire du compost. Une traçabilité est assurée.
L'ensemble des nouvelles procédures a permis de partir sur de bonnes bases et aucun traitement n'a eu à être effectué sur la pelouse. Exit donc les interventions chimiques « avec un appareil qui n'était pas étalonné », de l'aveu même de Guy David. Si une intervention chimique doit être réalisée, « nous ferons appel à une entreprise spécialisée et agréée », explique Christophe Gestain. Mais tout est fait pour anticiper les problèmes et éviter d'avoir à intervenir. Les changements ont été opérés en peu de temps et Guy David explique que le choc a été rude : « L'audit du stade a été celui de mes pratiques. J'ai beaucoup appris et je suis content de me rendre compte qu'à 51 ans on apprend encore régulièrement. » Le site est devenu une référence et des jeunes en formation viennent le visiter pour découvrir ce qui s'y passe.
« Le référentiel du label est finalement un guide des bonnes pratiques », précise Christophe Gestain. « La formation est indispensable pour remettre à niveau les gestionnaires de pelouses. Cela revient souvent à reprendre les fondamentaux. »
Pascal Fayolle
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