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“Le fleurissement reste une opportunité à saisir !”

« Je constate toujours un engouement pour le Concours national des villes et villages fleuris [...]. La nouvelle grille d'évaluation, qui donne plus de transparence sur les jugements et moins de place à l'interprétation, est bien accueillie », souligne Thierry Simier, l'un des responsables de l'entreprise Simier.PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Thierry Simier et son frère Hervé, producteurs à Faverolles-sur-Cher, dans le Loir-et-Cher, ont tout misé sur la fourniture de végétaux à destination des villes fleuries. Une réorientation opérée il y a une quinzaine d'années qui ne fait pour l'instant l'objet d'aucun regret...

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Thierry Simier en est persuadé : le fleurissement reste une opportunité pour le développement des produits horticoles. C'est même devenu son seul et unique fonds de commerce. Produire pour des collectivités candidates au label des Villes et villages fleuris représente 70 % de l'activité de l'entreprise. Les 30 % restants sont constitués de parcs et jardins ouverts au public qui se doivent d'offrir des décors régulièrement renouvelés, et de châteaux, nombreux dans les alentours : le siège de la société se situe à Faverolles-sur-Cher (41), tout près de la Loire...

Quoi qu'il en soit, Thierry Simier, qui dirige l'établissement Simier avec son frère Hervé, ne regrette en rien le virage pris dans les années 1990, quand, arrivant dans l'entreprise, il abandonne petit à petit les activités de sélection et de multiplication de semences de primevères que leur père a développées au fil des années, depuis la création de l'exploitation, en 1972. La naissance du « nouveau fleurissement », au milieu des années 1990, a porté la conversion. Il surfe sur des idées nouvelles : souci de diversification de la palette végétale utilisée pour fleurir des villes, utilisation de plantes structurantes pour donner du volume aux massifs et envie de se démarquer par l'originalité...

Mais les choses ne sont plus aussi faciles aujourd'hui. Les villes sont-elles toujours aussi « accros » au label des Villes et villages fleuris ? « Je vois tout et son contraire, estime Thierry Simier. En tant que formateur, j'ai croisé une centaine de collectivités en 2013. Je constate toujours un engouement, et en même temps, je perçois des facteurs d'alerte. Je pense que le Conseil national des villes et villages fleuris a bien réagi. La nouvelle grille d'évaluation, qui donne plus de transparence sur les jugements et moins de place à l'interprétation, est bien accueillie. C'est un outil précieux. Le guide à l'usage des jurys qui a été publié est précis. Il donne de l'objectivité aux jugements rendus et va dans la bonne direction. Au final, le marché reste gigantesque, c'est certainement le plus important pour les plantes à massif, une vitrine d'une très grande richesse pour les particuliers en quête de fleurs... »

Reste que les budgets des collectivités se sont resserrés.

« Notre panier moyen a baissé. Nous compensons par de nouveaux clients », poursuit le chef d'entreprise. Pour aller les chercher, il capitalise sur son image de spécialiste. En outre, il assure de la formation, une trentaine de journées par an, par l'intermédiaire de différentes structures, Chaumont-sur-Loire (41) et Cléome-Pontlevoy (41), en particulier. Elles permettent de sensibiliser les villes à la diversification de la palette végétale...

Autre réalité, les prix des végétaux sont, toujours plus, tirés vers le bas : « Parfois, quand je réponds à des appels d'offres, je vois des prix qui peuvent être très inférieurs aux miens. Économiquement, ce n'est tenable pour personne et la profession a tout à y perdre. Que cachent ces prix anormalement bas ? Les variétés demandées sont-elles bien respectées ? »

Plutôt que de s'aligner sur des prix douteux au risque de se mettre en danger, les établissements Simier préfèrent renforcer les compétences autour du produit, avec, en particulier, un service de fourniture de massifs composés sur mesure. C'est l'expertise d'Hervé Simier qui a permis d'élaborer des outils destinés à optimiser ce service et toute la gestion de production. Au cours de sa formation en IUT de gestion de production (OGP), il a été amené, par l'intermédiaire d'un stage, à travailler à l'élaboration d'un logiciel de gestion de la production maison. De ce travail est née une base de données contenant près de 3 500 plantes, qui s'enrichit en continu de plus de 150 critères. Un catalogue informatique au succès très relatif : « Seuls 20 % des services des espaces verts des collectivités ont le matériel informatique qui leur permet d'exploiter le catalogue interactif », précise Thierry Simier. « Peu exploitent donc cet outil malgré le temps et la créativité qu'il permet de gagner. Il est pourtant le prolongement du CD de création Simier qui compte plus de 500 utilisateurs. Lancé en 2003, ce logiciel de recherche de plantes contient plus de 2 000 fiches avec de multiples critères : époque et couleur de floraison, exposition, hauteur, et 9 000 images... Quant à nos massifs sur mesure, ils offrent la possibilité de vendre un résultat garanti. Nos clients nous donnent les surfaces qu'ils ont à fleurir par site, les couleurs qu'ils souhaitent utiliser, et le budget dont ils disposent ; et nous leur proposons une sélection adaptée à ce cahier des charges. Ensuite, les jardiniers organisent le décor. Nous écrivons la partition, ils l'interprètent ! » Un service qui permet de baser la relation entre l'entreprise et ses clients sur la confiance, et ainsi de jouer gagnant-gagnant pour sauver la marge.

Se concentrer sur le résultat, vendre de la confiance : telle est la devise de l'entreprise.

Parfois, le cahier des charges concerne l'obtention de la quatrième fleur. Basique, mais la société peut prouver qu'elle dispose de références en la matière. « Le Vésinet, dans les Yvelines, vient d'obtenir la Fleur d'Or cette année (voir le Lien horticole n° 877 du 12 mars 2014) en partageant ses achats entre deux fournisseurs, Simier et Fleuron d'Anjou », est heureux de préciser Thierry Simier. Assurer un service sur mesure en étant capable de répondre à une clientèle à la recherche du mouton à cinq pattes, qui va passer une commande limitée, parfois pas plus de 500 à 600 euros (pas de montant minimum), fait aussi partie du modèle économique de l'entreprise à l'heure actuelle. Cela implique de présenter chaque année de nouveaux taxons et d'être très rigoureux sur la préservation de sa propre génétique et de ses pieds mères pour conserver des variétés généreuses adaptées au fleurissement urbain. Mais la question qui tarabuste aujourd'hui tous les observateurs du fleurissement est la suivante : à quand la deuxième vague, l'après « nouveau fleurissement » ? Avec le centre de formation de Chaumont-sur-Loire, Thierry Simier affirme y travailler à partir d'une formation intitulée « Secret des annuelles, comment réinventer le fleurissement ? ». Tout en reconnaissant qu'il n'est guère aisé pour une ville de se démarquer par la gamme végétale : la palette est très large, mais elle est mise à disposition des villes par un grand nombre de fournisseurs qui disposent de catalogues proposant des choses assez proches. « Je ne pense pas qu'on réinventera le fleurissement à partir d'un nouveau bégonia, fût-il génial. C'est vrai, tout le monde dispose des mêmes techniques, bases d'associations de plantes hautes et basses, approche des couleurs, etc. Mais avec le même solfège, n'est-il pas permis d'interpréter du Mozart ou du Nirvana ? Le tout n'est-il pas de s'adapter à son public ? D'avoir son propre style ? D'être reconnu pour son talent et sa passion ? D'une manière plus modeste et de toute évidence, la capacité à décrypter ce qu'il y a autour de son fleurissement, pour y adapter une palette végétale, y décliner une idée et y exprimer ce qui a du sens, me paraît une manière simple de faire valoir sa propre identité. S'inspirer de ce qui se fait de beau dans la ville pour le traduire avec des végétaux. Les gens ont envie d'être surpris... »

L'évolution du fleurissement, c'est aussi le recours à une gamme de plus en plus orientée vers les vivaces.

« Elles représentent actuellement 40 % de notre production, précise le chef d'entreprise. Mais elles constituent une solution parmi d'autres. Avantageuses pour leur pérennité et leur faible besoin en eau, elles ne sont pas qu'une solution pour faire des économies. Ça peut y contribuer, mais, sur le terrain, on voit de tout. Les problèmes viennent d'abord de la maîtrise des mauvaises herbes. Si elle n'est pas suffisamment assurée au départ, les adventices s'installent et deviennent incontrôlables. Adieu les économies. Ce qu'il faudrait, a minima, c'est un désherbage une fois par mois au début et un bon paillage. Avec ça, on peut assurer un fleurissement de qualité pour cinq ans à condition d'avoir choisi des espèces adaptées au climat de la région, à leur milieu de plantation, et d'envisager au minimum trente espèces par décor. Les gains seront réels : en annuelles ou en vivaces, le coût d'un massif oscille entre 13 et 18 euros par mètre carré. Si on y associe des arbustes, il atteindra entre 15 et 20 €/m². À moyen terme, la pérennité permet de réaliser de véritables économies. »

Pascal Fayolle

À Saint-Hilaire-de-Riez (85), classée « 3 Fleurs », ce décor de vivaces, ici présenté trois mois après plantation, a été conçu par l'entreprise Simier.

PHOTO : ETS SIMIER

Le catalogue de l'entreprise compte plus de 2 000 références de plantes répertoriées dans une base de données informatisée avec plus de 150 critères de recherche.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Assurer un service sur mesure en étant capable de répondre à une clientèle qui est à la recherche du mouton à cinq pattes fait également partie du modèle économique de l'entreprise Simier à l'heure actuelle.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

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