" Garantir la traçabilité jusqu'à la plante finie ! "
Installé à Châtillon-sur-Chalaronne, dans l'Ain, Daniel Soupe cultive depuis de nombreuses années des écotypes locaux. Un choix qui n'est pas sans contraintes et sans conséquences pour son entreprise d'un point de vue technique mais aussi et surtout économique.
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Créées en 1975 à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), les pépinières Soupe cultivent principalement des essences botaniques (85 % de la production), des espèces types originaires des cinq continents, mais également des végétaux d'origine locale. Afin de garantir leur provenance et leur traçabilité génétique, l'entreprise assure elle-même leur multiplication par semis et contrôle au maximum ses filières d'approvisionnement de graines.
Pour Daniel Soupe, créateur et dirigeant de la pépinière, l'origine géographique et le choix du porte-graine est un élément essentiel quant à l'adaptation future des végétaux. Si de plus en plus de maîtres d'oeuvre préconisent des plantes d'origine locale pour les grands chantiers de végétalisation, pour les pépiniéristes, produire ce type de végétaux, avec une garantie d'origine, n'est pas sans contraintes d'un point de vue technique mais aussi et surtout économique. « Cela fait trente-cinq ans que, sur plusieurs espèces indigènes, nous nous attachons à cultiver différents écotypes (*) locaux. Ce n'est pas nouveau pour nous. Nous avons, en outre, été amenés à produire des écotypes particuliers à la fin des années 1990 pour l'autoroute de la vallée de la Maurienne, en Savoie. Le maître d'ouvrage souhaitait favoriser les écotypes montagnards. Ce chantier a représenté une expérimentation grandeur nature de ce que nous pouvions faire en production. Nous sommes allés sur place pour récolter les graines sur les sites des travaux. Puis nous les avons mises en culture : préparation des semences, semis en planches, repiquage en pleine terre deux ans plus tard, soit une livraison des plants au minimum trois à quatre ans après le semis. Ces écotypes montagnards sont très différents de ceux des zones de basse altitude, c'est très significatif avec les merisiers (Prunus avium). On peut comprendre qu'en conservant ce patrimoine génétique, ces végétaux se soient mieux adaptés aux conditions locales difficiles. »
Anticiper pour ne pas jeter
Ce projet a pu être mené à son terme car le pépiniériste disposait d'un délai de quatre à cinq ans pour produire les plants avec un contrat de culture. Il est impensable de produire ces écotypes particuliers si l'on n'a pas la garantie de vente. Soit on a affaire à une commande pour un chantier précis à une date précise, comme c'était le cas pour l'autoroute de la Maurienne, soit le pépiniériste peut compter chaque année sur des commandes régulières d'un certain nombre de végétaux pour différents chantiers comme pour les aménagements de berges avec la Compagnie nationale du Rhône pour laquelle la pépinière Soupe cultive des boutures de saules de divers écotypes prélevés à l'origine sur le Rhône et la Saône. Pour arriver à une réelle politique de sujets locaux, limiter les pertes et assurer les approvisionnements, il faut une réelle anticipation des besoins et une concertation entre les pépinières régionales ou nationales.
« Les conditions actuelles des chantiers publics ne vont pas dans ce sens », poursuit Daniel Soupe. « Il y a absence de grands chantiers et de programmations fiables. Les délais entre les commandes et la livraison sont de plus en plus courts, seulement quelques mois, voire moins. De plus, il n'est pas rare qu'une commande ferme fasse l'objet d'une modification au dernier moment. Nous avons eu dernièrement un désistement sur la plus grande partie d'une commande d'arbres de grande taille, lesquels avaient pourtant été réservés et marqués en pépinière. Et même les contrats de culture longue durée ne représentent plus une garantie à 100 %. Prévoir des achats quatre ou cinq ans à l'avance peut s'avérer un exercice difficile pour les maîtres d'oeuvre et d'ouvrage. Certains chantiers sont modifiés ou ne voient pas le jour à la suite de recours administratifs, ou bien leur mise en oeuvre est retardée. Or, produire des végétaux demande de respecter les délais. Les pépinières peuvent conserver les plantes durant une année supplémentaire, mais pas au-delà, en tout cas pas dans les mêmes conditions financières. Toutes ces incertitudes font qu'il est très difficile de développer une filière que nous pouvons certifier d'origine locale. »
Assurer la traçabilité
Une autre difficulté est liée à la traçabilité. Nous pouvons nous demander quelle serait la fiabilité de ce type de production dans un marché ultra concurrentiel. Les grosses opérations d'aménagement se font aujourd'hui par des entreprises générales qui se fournissent directement auprès des pépinières. Le choix du producteur échappe aux maîtres d'oeuvre et d'ouvrage. Comment garantir une origine et une traçabilité des plants dans ces conditions ? Il n'est pas envisageable, pour une question de coût, d'instaurer un contrôle génétique (ADN) en comparant le code génétique d'un lot avec celui de l'écotype visé. Seul un contrôle, chez les différents producteurs, de la récolte des graines jusqu'à la livraison des plants peut apporter une assurance d'origine comme cela se fait en production forestière.
Pour Daniel Soupe, la traçabilité a toujours été une priorité. Sur certaines espèces, il peut y avoir plusieurs origines de semences, c'est autant d'écotypes différents. Chaque lot de semis est soigneusement étiqueté avec le nom du genre et de l'espèce, suivi du lieu d'origine des semences. Cet étiquetage rigoureux se poursuit tout au long de la culture. « Le semis est un savoir-faire qui nécessite de longues années d'expérience. Pour la plupart des essences naturelles, nous récoltons nous-mêmes les graines. Cela implique de bien connaître les dates de maturité pour chaque espèce, les conditions de conservation : séchage des graines, stockage, températures, stratification, prégermination. Le coût de revient de la graine est élevé, mais nous avons une garantie d'authenticité. Toutefois, ce travail n'est pas valorisé. Ces plantes confirmées d'origine locale sont vendues au même prix que celui pratiqué par la concurrence alors que le coût de revient est au minimum 30 % plus cher pour un jeune plant. Le marché de ces plants, destinés à un type d'habitat particulier, est restreint, le risque d'invendus est plus élevé. Idéalement, il faudrait les vendre entre un et demi et deux fois le prix de jeunes plants classiques. Pour la plupart des plantes sauvages, nous ne trouvons pas de graines dans le commerce, il faut les récolter soi-même, autrement nous ne pourrions pas les produire. Il en est de même pour toutes les essences botaniques de notre catalogue, dont plus de 90 % sont issues de nos propres semis. Nous veillons à recevoir des graines issues des régions d'origine de l'espèce (Europe, Asie...) pour avoir des caractéristiques très marquées en choisissant des provenances de préférence de régions à fortes amplitudes thermiques. »
Attention aux pollutions génétiques
Daniel Soupe espère que la prise de conscience du patrimoine génétique des espèces, du respect des écotypes régionaux, apporte une plus grande rigueur au niveau de la production et puisse profiter à l'ensemble des pépiniéristes nationaux. « Mais le marché actuel n'en prend pas le chemin. Une première avancée serait déjà d'avoir la garantie que ces végétaux ne proviennent pas de pays voisins ou plus éloignés. Nous avons beaucoup d'approvisionnement des pays de l'Est qui transitent via la Belgique ou les Pays-Bas. Ces plantes peuvent ainsi être produites en Hongrie par exemple et sans aucune certitude sur la provenance des graines. Cela peut poser un réel problème de pollution génétique. »
Claude Thiery
(*) Plutôt que de parler de plantes locales, - une dénomination sujette à diverses interprétations -, Daniel Soupe préfère employer le terme plus précis d'écotype. Un écotype est une population d'une espèce donnée qui présente des caractéristiques adaptées à un type de milieu particulier. Les caractéristiques propres à l'écotype sont héréditaires, c'est donc l'origine des graines qui est important. Garantir l'authenticité d'un écotype, c'est garantir l'origine géographique des graines.
Aujourd'hui, les délais entre les commandes et la livraison sont de plus en plus courts, quelques mois, voire moins.
Le semis est un savoir-faire qui nécessite de longues années d'expérience.
Chaque lot de semis est soigneusement étiqueté avec le nom du genre et de l'espèce, suivi du lieu d'origine des semences.
Pour la plupart des essences naturelles, l'entreprise récolte elle-même les graines, ce qui implique de bien connaître les dates de maturité pour chaque espèce et les conditions de conservation : séchage, stockage, températures, stratification, prégermination.
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