Login

“La création d'un poste de référent ambroisie pour une lutte efficace !0148

Pierre-Charles Crozat, directeur du service des espaces verts de Saint-Priest, près de Lyon, a obtenu la création d'un poste à mi-temps durant cinq mois pour lutter plus efficacement contre l'ambroisie. Le référent sensibilise l'ensemble des interlocuteurs concernés par cette plante envahissante et aller gisante pour que son contrôle devienne significatif au quotidien...

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

L'ambroisie est aujourd'hui partout présente en région lyonnaise. Face à ce constat, certains sont plutôt fatalistes, estimant qu'il est déjà trop tard, quand d'autres, comme Saint-Priest (69), prouvent au contraire qu'il est possible d'agir. Historiquement, cette envahisseuse existe depuis plus d'un siècle sur la commune, mais c'est véritablement après la Seconde Guerre mondiale, et surtout depuis les années 1980, qu'elle est devenue un souci majeur. Cette plante est non seulement envahissante, mais elle pose un grave problème de santé publique : de plus en plus de personnes sont allergiques à son pollen. Elle trouve à Saint-Priest des conditions très favorables à son expansion : un périmètre très vaste, une superficie de 3 000 hectares dont plus d'un tiers en surface agricole (céréales d'hiver, maïs et tournesol), de nombreuses zones d'activités et pavillonnaires, dont un bon nombre de chantiers en cours, des chemins ruraux... Tous ces espaces sont propices à son développement.

Si depuis 1994, un arrêté préfectoral, reconduit chaque année, rend obligatoire la lutte contre cette adventice (arrachage, fauchage...), celui-ci était peu suivi d'effets et les résultats peu probants. Dans le même temps, les plaintes des habitants auprès de la mairie se sont multipliées. « Nous n'avions plus le choix », explique Pierre-Charles Crozat, responsable du service des espaces verts. « Nous devions nous préoccuper sérieusement du problème et faire en sorte que l'arrêté soit appliqué par tous. L'ambroisie pousse partout, si l'action d'un gestionnaire fait défaut, elle continue sa progression. Sur le territoire de Saint-Priest, les espaces gérés directement par la ville sont minoritaires. Une multitude d'acteurs entrent en ligne de compte : le conseil général, le Grand Lyon (pour les principaux axes de circulation), les entreprises ou aménageurs au niveau des ZAC (zone d'aménagement concerté), les agriculteurs et les particuliers qui ont aussi un rôle important à jouer. Toute tentative de lutte ne peut être efficace sans l'implication de tous. »

En 2006, la lutte est devenue une compétence du service des espaces verts. « Dès cette date, nous avons tenté de coordonner la lutte entre les différents acteurs », poursuit Pierre-Charles Crozat. « Nous avons rapidement constaté que si nous voulions être efficaces, une personne devait être affectée uniquement à cette tâche. Nous avons proposé aux élus la création d'un poste de référent ambroisie. Très sensibilisés au problème, ils ont bien compris l'intérêt de cette démarche. » Ainsi, depuis 2007, un emploi à mi-temps est spécialement dédié à cette mission de juin à octobre. « Nous recrutons chaque année une nouvelle personne. Chaque référent est sélectionné par rapport à sa formation initiale (cursus environnement, niveau licence ou master), sa maîtrise de l'informatique et sa capacité d'adaptation. Il doit en effet être opérationnel en seulement une à deux semaines et s'approprier rapidement les outils informatiques. » Cette « permanence ambroisie » est la clé de voûte du plan de lutte, avec un mot d'ordre : explication et concertation plutôt que répression. Le référent doit donc aussi être un bon communicant.

Pendant cinq mois, ce dernier gère le repérage des sites infestés, coordonne les interventions entre les gestionnaires et tient un tableau de bord. Les lieux répertoriés font l'objet d'une surveillance particulière qui se poursuivra les années suivantes. Si les habitants découvrent de l'ambroisie sur un terrain public ou privé, ils peuvent alerter la permanence avec une adresse et un numéro de téléphone spécialement dédiés. « Cette personne est là pour apporter une réponse aux habitants qui nous signalent les présences d'ambroisie », insiste Pierre-Charles Crozat. « Il n'est pas question de renvoyer l'interlocuteur vers d'autres services. Si la gestion du terrain signalé n'est pas de la compétence de la commune, le référent ambroisie fera les démarches auprès des personnes ou services concernés et contrôlera si le travail a été fait. Ce qui n'est pas toujours évident, notamment au niveau des ZAC où il y a beaucoup d'interlocuteurs entre l'aménageur et les entreprises implantées, ou en zone agricole où il est parfois difficile d'identifier les exploitants. » Son action est donc déterminante pour mener à bien la lutte sur le terrain. Les courriers, envoyés dès le mois de juin, sont là pour rappeler leurs obligations aux divers acteurs, particulièrement là où le fauchage n'a pas été mené à bien l'année précédente. À partir du mois d'août, un rappel est nécessaire si rien n'a été fait : contact téléphonique, puis courrier et, si besoin, intervention de la police avec une possibilité de verbalisation qui n'a jusqu'alors jamais été utilisée. « Aujourd'hui, les habitants savent que le problème est pris en compte et connaissent les dates d'intervention. Avant le 1er août, le référent n'a pratiquement plus d'appels en mairie », précise le responsable. « Par contre, après ce délai, nous les invitons à signaler toutes les zones n'ayant pas été fauchées. »

Sur le terrain, la technique de lutte préconisée est simple : un double fauchage mais en respectant des dates très précises. Le premier est obligatoire, il doit avoir lieu la seconde quinzaine de juillet, juste avant les floraisons pour éviter la dissémination des pollens. Cette action n'empêche toutefois pas les repousses, aussi, il est conseillé de pratiquer un second fauchage à partir de mi-septembre pour contourner une nouvelle mise à fleurs et, surtout, la production de graines en fin de saison. Sans cette seconde intervention, la plante a le temps de se redévelopper et de produire des graines avant les gelées. « Ce n'est qu'en évitant la montée à graines – qui se conservent, selon les estimations des scientifiques, entre trente et cinquante ans dans le sol –, que l'on peut espérer traiter l'ambroisie à long terme. » Tous les gestionnaires se sont conformés à ce calendrier. Le Grand Lyon a ainsi adapté ses dates de fauches (hors fauchage de sécurité). De plus, la hauteur de coupe a été relevée à dix centimètres pour éviter tout rabotage du sol, favorable à de nouvelles levées d'ambroisie. Sur les espaces gérés par la collectivité, notamment sur les terrains difficilement accessibles aux engins, l'action est complétée par l'intervention d'une « brigade verte » (*) composée de six personnes en insertion équipées de débroussailleuses pendant trois semaines (deux en juillet et une en septembre). Les jachères fleuries implantées sur les réserves foncières (jusqu'à 12 hectares en 2008) ont dû être abandonnées. Fauchées seulement à l'automne, ces zones étaient fortement envahies par l'ambroisie. Les agriculteurs de la commune utilisent, quant à eux, diverses techniques. Sur céréales d'automne, ils interviennent après la moisson par fauchage ou déchaumage mécanique. Sur culture de maïs et tournesol, la solution reste la plupart du temps chimique. Les problèmes se situent essentiellement au niveau des lisières des parcelles ; le broyage d'une partie de la culture peut être envisagé en cas de fort envahissement. Les particuliers sont également invités à lutter par un double fauchage. Il convient d'éviter tout contact avec la plante. L'arrachage des plants conseillé par le passé peut, selon les mises en garde de l'AFEDA (Association française d'étude des ambroisies), provoquer des allergies à long terme, même chez les personnes a priori peu sensibles.

Le bilan de la démarche est jugé globalement positif. Environ 95 % des zones infectées signalées par les habitants ou repérées par les services techniques sont traitées. En 2012, la surface infestée par l'ambroisie à Saint-Priest représentait environ 11 hectares, soit une baisse de 65 % par rapport à 2011 (chiffre à relativiser en fonction de conditions météorologiques plus favorables à la lutte en 2012). Les zones qui restent difficiles sont les terres agricoles, les bords des routes et les chantiers. L'obligation de lutte fait l'objet d'ajouts systématiques à tous les arrêtés de travaux accordés entre mai et septembre. Il faut aussi octroyer un bon point aux particuliers qui ont compris la nécessité d'intervenir rapidement lorsqu'ils repèrent de l'ambroisie sur leur terrain. Enfin, le travail du référent et les outils informatiques sont à présent bien rodés : courriers types, dates d'envoi, référencement des sites infectés, liste des propriétaires ou des gestionnaires, bilan de fin d'année.

Au niveau financier, le plan de lutte représente, selon les années, un budget annuel de 10 000 à 15 000 euros, comprenant les frais de personnel, les interventions des « brigades vertes », les opérations de fluxage (voir l'encadré), ce à quoi il faut ajouter l'appui d'entreprises extérieures en cas de besoin. Ce montant reste relativement modeste compte tenu de la superficie de la commune et en comparaison des coûts financiers et sociaux engendrés par les allergies.

Grâce à ces résultats plus qu'encourageants, Saint-Priest est aujourd'hui considérée comme une ville exemplaire en matière de lutte contre l'ambroisie. Pour aller encore plus loin, la cité a engagé depuis peu une démarche avec quatre communes voisines (Feyzin, Chassieu, Mions et Corbas) dans l'objectif de mutualiser les moyens d'intervention. Le poste de référent pourrait être transformé en emploi à temps plein...

Claude Thiery

(*) Créées en 1992 à l'initiative du département du Rhône, ces brigades allient l'insertion sociale et professionnelle d'allocataires du RSA et des actions en faveur de l'environnement.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement