“Un déménagement planifié de longue date”

Les pépinières Travers étaient, jusqu'à ce printemps, implantées sur trois sites de production orléanais : le siège historique, à Saint-Jean-le-Blanc (45), propriété du père, Bernard Travers ; un site de 3 000 m2 de serres en verre, en location, à Jargeau, à une trentaine de kilomètres ; et, à 5 km du siège, Saint-Cyr-en-Val, son hangar et ses 2,5 ha de multichapelles et tunnels, qui ont tour à tour servi pour la production de racines nues, de godets, puis de conteneurs. « Tout était multiplié par trois », commente Arnaud Travers, responsable de l'entreprise. « La communication était aussi plus difficile : sans contact humain, ce n'est pas pareil... » Sous la pression immobilière, les quelque 5 ha de culture du siège ont été convertis en terrains constructibles ; le bail du second site a été résilié ; et Saint-Cyr-en-Val accueille désormais l'ensemble de la production, avec un objectif principal : la rationalisation. « Il s'agissait de mettre en place une meilleure organisation, une meilleure coordination des équipes, de diminuer les coûts de revient tout en augmentant la qualité des produits. »

En fait, « ce déménagement représente la dernière étape de développement du site de Saint-Cyr-en-Val », précise le pépiniériste. La parcelle de 50 ha, achetée par le grand-père, Raymond Travers dans les années 70, offrait déjà une belle opportunité d'extension. Sa production n'a cessé de croître, pendant que celles du siège et du troisième site étaient stabilisées. « À un moment donné, le trop grand déséquilibre entre les parcelles a justifié le déménagement. » Entre-temps, Arnaud Travers a mûri son projet : « Ce déménagement a été planifié de longue date. Je l'avais en tête depuis dix ans ! » Le pépiniériste a fait venir un stagiaire, Romain Manceau, en 2006, pour réaliser une étude sur les gains et les dépenses. « Lorsqu'on construit de nouvelles serres pour augmenter les ventes et la production, la rentabilité est facile à calculer, mais lorsqu'il s'agit de transférer le siège social, c'est différent. » L'étudiant INH (Institut national d'horticulture), en stage de 3e année d'école d'ingénieur, a estimé les coûts de mètres carrés supplémentaires de serre en verre, en plastique, de surface de commande... Les bénéfices ont été chiffrés : absence de temps de transport des plantes entre les trois sites, diminution des frais de main-d'oeuvre (moins de chargements/déchargements...). Et en termes de qualité, moins de manipulations signifie des plantes moins abîmées. Le futur ingénieur a ensuite présenté un récapitulatif sur les structures à mettre en place. En 2009, Arnaud Travers a embauché un apprenti en logistique formé à l'AFT-IFTIM (*), Norbert Paty, 52 ans, pour réaliser une étude de gestion des flux : implantation des différents bâtiments, mise en place des chantiers, préparation des commandes...

Pour l'extension du site de Saint-Cyr-en-Val, l'entreprise a investi dans 5 000 m2 de multichapelles pour la préparation de commande, 5 000 m2 de serres multichapelles double paroi dédiées à la multiplication, 18 tunnels de production (8 500 m2), 1 ha hors-sol de production, des bureaux, 5 000 m2 d'aire de chargement, 1 000 m2 aménagés dans le hangar existant en zone tampon de stockage de commande. Concernant le matériel, « les achats des cinq dernières années ont été effectués dans le but de ce regroupement », précise le pépiniériste. Les gains estimés par Romain Manceau ont permis de prévoir un amortissement maximal sur sept ans. Désormais, côté main-d'oeuvre, une seule équipe « réactive » prépare les commandes au lieu de trois petites équipes, avec une plus grande facilité de mobilisation, et une seule équipe s'occupe du rempotage pour toute l'entreprise...

Arnaud Travers a fait le choix de ne pas augmenter l'automatisation. « Le site a été organisé pour que la plante reste sur place, avec des équipes “volantes” », explique-t-il. Les plantes grimpantes, spécialité de la pépinière, de 60 cm à 1,50 m de haut, sont délicates à manipuler. En revanche, les 2,5 ha de multichapelles sur enrobé (dont 1,5 ha existant avant le déménagement) facilitent la circulation des engins. Le déménagement a également été l'opportunité de moderniser la multiplication. Les tunnels à Saint-Jean-le-Blanc étaient devenus obsolètes. Arnaud Travers a mis au point durant ces dix ans un système de multiplication spécifique, qui lui assure une « industrialisation et un taux de réussite proche de 100 % ».

« À l'annonce, en septembre 2010, du déménagement, les salariés ont pris peur », avoue-t-il. « Mais je me suis engagé à ne supprimer aucun poste. » Le pépiniériste a fait intervenir Gilles Favre, du cabinet conseil GFC, à Champagne-au-Mont-d'or (69), spécialisé dans l'organisation d'entreprise, pour travailler sur la réorganisation des postes. Le conseiller s'est déplacé plusieurs fois sur trois à quatre mois en 2010. Des changements d'affectation ont eu lieu : par exemple, le responsable de culture racines nues est passé responsable machines (repiquage/rempotage...). « Tout a été proposé et tout a été accepté. » Il n'y a eu effectivement aucun licenciement de salariés. En revanche, un objectif – réalisé cet automne – était de diminuer la main-d'oeuvre saisonnière.

Le déménagement s'est intercalé entre la période de multiplication de 2010 et le rempotage de 2011. Les structures ont été installées durant l'automne 2010. Il aura fallu cinq mois de travaux pour le terrassement, le montage des serres et des bureaux. En décembre 2010, le site de Jargeau a été déménagé. Au début janvier 2011, la totalité des équipes était installée à Saint-Cyr-en-Val. Le rapatriement de la multiplication de Saint-Jean-le-Blanc – qui ne nécessitait pas une présence à temps plein sur le site – a été effectué de janvier à mars, par l'équipe de maintenance. La totalité du rempotage a pu être réalisée cette année à Saint-Cyr-en-Val, ainsi que la multiplication 2011.

Valérie Vidril

(*) Association pour le développement de la formation professionnelle dans le transport - Institut de formation aux techniques d'implantation et de manutention.