" Pas moins de 20 000 plantes pour ren dre à Chambord ses jardins "
Le domaine national de Chambord (41), dirigé par Jean d'Haussonville, a pu bénéficier d'un don pour res taurer les jardins à la française attenants au château. Un travail mené tambour battant, en trois mois,mais après de longues recherches approfondies sur les études historiques du site pour assurer la resti tution de l'esprit des lieux.
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L'adage dit qu'on ne peut pas être et avoir été. C'est pourtant ce qui est arrivé aux jardins du château de Chambord. Les participants aux Assises régionales du fleurissement de Blois (41), en septembre dernier, ont pu découvrir un chantier d'une rare envergure : la restauration d'un jardin à la française du XVIIIe siècle quasiment à l'identique. Un jardin qui a existé pendant deux siècles avant de disparaître. Et donc de renaître l'an dernier.
À Chambord, l'histoire des jardins commence en 1734 sous Louis XIV. Avant, au moment de construire le château, sous François 1er, la principale préoccupation est de contenir les eaux de la rivière locale, le Cosson, qui créent en cet endroit un « environnement marécageux hostile ne répondant en rien à la magnificence du château ». En 1734, l'agence de Jules Hardouin-Mansart fait au roi deux propositions de jardins. L'une des deux sera retenue et partiellement réalisée, pour constituer un jardin à la française qui perdurera pendant plus de deux siècles. Entre les deux guerres mondiales du XXe siècle, cet aménagement est peu à peu tombé en désuétude, pour finir à l'état de simples parterres engazonnés en 1970 pour une durée d'une quarantaine d'années.
> Un long travail d'étude et de sondage du site. À l'initiative de Jean d'Haussonville, directeur général du domaine national de Chambord depuis 2010, et grâce à une importante opération de mécénat (voir encadré), la volonté de faire revivre le jardin a pris forme pour aboutir à environ 4 mois de travaux en 2016 et l'inauguration du chantier en mars 2017. Un chantier d'une rare ampleur : 3,5 millions d'euros, plus de 15 000 plantes de bordures et de haies, plus de 600 arbres et de 400 topiaires... En amont, s'est posée pour les responsables du site la question de la manière de restaurer les jardins. Fallait-il s'orienter vers une réinterprétation de ces lieux disparus, une restitution absolue, ou une création contemporaine évocatrice ? Et dans quelle mesure s'adapter aux enjeux de développement durable ? Le domaine a fait le choix d'une restitution authentique des seuls jardins structurés et achevés qu'ait connus le site. Recherches documentaires, prospections géophysiques et archéologiques, études paysagères et architecturales ont été nécessaires « pour rétablir au plus juste les tracés des parterres, des allées ou des quinconces d'arbres du milieu du XVIIIe siècle ».
En 2013 et 2014, un sondage archéologique et la prospection géophysique de surface du site illustrent bien ce travail. Le creusement de tranchées parallèles et perpendiculaires a permis d'évaluer le potentiel archéologique de l'ensemble, l'état de conservation des vestiges et leur chronologie. Ce travail a mis en évidence la présence d'un « petit jardin » potentiellement médiéval, mais cela reste à confirmer, au pied de la tour de la Chapelle ainsi que d'une première étape d'aménagement de jardins réguliers pendant le règne de Louis XIV. Des trous de plantation du quinconce de marronniers du XVIIIe siècle ou des allées doubles d'arbres qui rythmaient les parterres ont aussi été localisés. Autant de donnéesintégrées au projet, alors que des fouilles archéologiques plus profondes pourraient prouver l'existence de pavement et de mur de soutènement de palissage du XVIIe siècle.
En décembre 2014, le président de la République, François Hollande, valide le projet lors d'une visite sur place, la Commission nationale des monuments historiques fait de même sur le plan scientifique en janvier 2015.
> Adapter les essences aux nouvelles conditions climatiques et phytosanitaires. Les jardins restitués sont installés sur une plateforme artificielle dont l'élaboration remonte aux XVIIe et XVIIIe siècle. L'espace est divisé en quatre parties, le château étant le module de base, le jardin prenant place dans les trois autres carrés.
« Les parterres de gazon, plates-bandes, alignements et quinconces d'arbres ou charmilles sont restitués dans leurs formes et dimensions d'époque, précise le domaine. Les allées et con-tre-allées retrouvent également leur emplacement d'origine. Seules les essences végétales ont du être adaptées aux conditions climatiques, pédologiques et phytosanitaires actuelles. Par exemple, les marronniers d'Inde et les buis, autrefois plantés dans le jardin, souffrent aujourd'hui de maladies. Ils ont été remplacés par des essences offrant une vision esthétique proche. » Des thyms avaient déjà été installés en remplacement des buis en bordures avant la mise en oeuvre du chantier de réhabilitation pour limiter l'entretien. Aujourd'hui, les plantes vivaces ont été privilégiées. Pour les boules du nouveau jardin de 80 cm, c'est l'Osmanthus x burkwoodii qui a été choisi, en alternance avec Taxus baccata. Et pour remplacer les bordures de buis, c'est Euvonymus japonicus Microphyllus qui a été retenu. Tilia cordata a remplacé les marronniers dans les alignements, les quinconces sont plantés de Prunus avium 'Plena'...
> Des visites en hausse de 20 % depuis l'inauguration du jardin. Le jardin, dessiné par le paysagiste Thierry Jourd'heuil qui travaille depuis 2010 sur le projet, a été réalisé par l'entreprise orléanaise J. Richard pour la préparation des terres, la fourniture des végétaux et leur plantation, ainsi que pour l'engazonnement. L'entreprise Sirev a travaillé en sous-traitance avec J. Richard pour la mise en place de l'arrosage automatique. Les terrassements ont débuté en septembre 2016 par l'empierrement des sols et des allées sur la zone des quinconces. Les plantations des arbres ont été préparées. En octobre 2016, les plantations ont pu démarrer dans la partie nord du jardin, alors que les allées étaient empierrées et la zone terrassée. Au mois de novembre, les plantations battaient leur plein, les sols des allées des quinconces en étant aux finitions. Le réseau d'arrosage a, quant à lui, été installé. Enfin, en décembre, les sols des allées ont été terminés, les gazons ensemencés, et les derniers végétaux plantés.
Le site va être géré sans produits phytosanitaires, la question de la gestion de l'herbe sur les allées gravillonnées n'étant, en septembre dernier, pas tranchée. D'ailleurs, au-delà des deux années de confortement restant, la direction ne savait pas encore de quels moyens elle disposerait pour assurer l'entretien du site : Chambord est un Épic (Établissement public industriel et commercial), qui, à ce titre, doit assurer sonautofinancement sans pouvoir présenter de comptes négatifs. Le coût de l'entretien devra donc être assuré par le prix des entrées, mais la bonne nouvelle est que les visites sont en hausse de 20 % depuis l'inauguration du lieu.
> Des plantations au laser pour des alignements parfaits. Les chiffres du chantier sont édifiants : 640 tuyères, 95 arroseurs de type terrain de foot, 900 m de goutte à goutte, une cinquantaine d'électrovannes, 10 km de canalisations et 1 500 km de câbles pour l'irrigation ou 3 km de drains pour évacuer les eaux dans le Cosson, 36 000 m de décapage des sols pour les allées, 2 000 t de gravillons et 7 km de voliges de bois ou métal pour marquer les allées... Quant aux arbres, ils ont été plantés au laser pour assurer un parfait respect des alignements. L'enveloppe consacrée aux espaces verts s'estmontée à 1,3 million, 320 000 euros pour l'irrigation, le reste étant allé aux travaux VRD réalisés par Colas Centre Ouest.
Lors des Assises du fleurissement, les arbres avaient repris, les vivaces étaient un peu en souffrance, un constat fait « dès la pépinière », selon les responsables du chantier. Mais dans l'ensemble, le gestionnaire est satisfait. Un second chantier est acté pour réaliser deux allées de tilleuls en bordure d'une route d'accès au château. Au-delà du jardin historique, un véritable nouvel écrin de verdure est en marche à Chambord.
Pascal Fayolle, Christine Bias
Les nouveaux jardins de Chambord sont constitués de trois parterres. Le parterre nord (à droite face au château), nord-est (dans l'angle,au premier plan) et est (à gauche). . PHOTO : DOMAINE DE CHAMBORD, MARC GINOT
Les travaux de réhabilitation du jardin ont été menés en un temps très court,fin 2016. PHOTO : DOMAINE DE CHAMBORD, MARC GINOT
Les jardinsont été reconstitués à l'identique, mais la palette végétale a été adaptée aux contraintes actuelles. PHOTO :CHRISTINE BIAS
Les vivaces ont été privilégiées. Les bordures de buis ont été remplacées par Euvonymus japonicus Microphyllus. Et les marroniers ont laissé la place à des tilleuls. PHOTO : CHRISTINE BIAS
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