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“Maîtriser les dépenses énergétiques grâce au miscanthus”

Gérard (à droite) et Grégory Deroux espèrent pouvoir chauffer leur serre de multiplication grâce au miscanthus. Leur entreprise a déjà planté deux hectares de cette production de biomasse.

Horticulteurs à Saint-Bardoux, dans la Drôme, Gérard Deroux et son fils Grégory misent sur le chauffage au miscanthus pour continuer de maîtriser les dépenses énergétiques. Leur projet est lancé : deux hectares de pleine terre ont déjà été plantés pour chauffer en partie la serre de multiplication.

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Voilà dix ans que Gérard Deroux, horticulteur à Saint-Bardoux (26), envisage de chauffer ses serres au miscanthus. Il a étudié le principe, mais a laissé l'idée en suspens, avant de relancer sa réflexion quelques années plus tard en suivant de près les travaux que le lycée horticole Terre d'horizon - pôle d'enseignement public du végétal, du paysage et de l'environnement de la Drôme - mène sur le sujet depuis 2008 (*).

Gérard et Joëlle Deroux ont créé leur entreprise de production d'annuelles, bisannuelles et plants de légumes en 1979. Au fil des années, ils ont installé de nouvelles de serres en plastique, chauffées au propane (bonbonne), et ils se sont mécanisés (repiqueuse, rempoteuse). Leur fils Grégory a pris la cogérance en 2004 de l'EARL Deroux plants. Les structures sont certes désormais vétustes, mais des mesures d'économie ont permis de stabiliser les dépenses énergétiques. Seuls 2 000 m² de multichapelle en plastique, dédiés au semis, sont chauffées à 15-20 °C ; les plateaux sont posés directement sur des plaques chauffantes dans lesquelles circule l'eau chaude. Environ 3 000 m² sont conduits à 6-8 °C avec des aérothermes. Le reste (serres et tunnels) est maintenu en horsgel. Du bulle-serre est ajouté sur les parois en hiver, ainsi qu'un film en plastique en toiture. « Nous durcissons nos cultures pour proposer des plantes plus résistantes chez le client », explique Grégory Deroux.

« Comme nous ne faisons pas de forçage, nos calendriers de culture sont étalés et nous sommes obligés d'être réactifs par rapport au climat : la culture se passe dans la serre, pas devant un planning ! »

Dès 2004, les horticulteurs ont commencé à se sentir à l'étroit à Saint-Bardoux, les roulements de plantes devenaient compliqués, d'où le rachat d'un terrain à proximité de l'exploitation. En 2007, s'est présentée l'opportunité d'acheter 1,6 ha de serres en verre à Romans-sur-Isère. Pour maîtriser la consommation de gaz naturel, seules les zones destinées à l'enracinement y sont chauffées à 12-15 °C avec des thermosiphons basse température, le reste est maintenu à 6-10 °C (avec éventuellement une protection supplémentaire de P17). Les serres sont équipées d'écrans thermiques, contrairement à Saint-Bardoux.

« Aujourd'hui, nous atteignons un pallier : nous ne pouvons pas faire plus d'économies », affirme Grégory Deroux. Les différentes mesures (bulleserre, P17, températures basses, écrans thermiques...) ont jusqu'alors permis de compenser la hausse continuelle du prix du gaz naturel, et de stabiliser les coûts de chauffage depuis 2004. L'entreprise dépense environ 22 000 euros par an de propane (pour 2 500 heures de chauffage) et 20 000 euros par an de gaz naturel (Romans-sur-Isère). Seul écart, en 2007, à l'achat des serres en verre : une dépense de 40 000 euros faute de recul sur la consommation de la chaudière au gaz : « Contrairement au propane dont on connaît la quantité disponible, le gaz naturel est constamment alimenté... »

Soucieux de continuer à maîtriser ses dépenses énergétiques, Gérard Deroux a fait réaliser en 2013 une étude de faisabilité par le cabinet Agrithermic (73) afin de valider l'intérêt de chauffer une partie de ses serres - les 2 000 m² dédiés à la multiplication - au miscanthus : cette zone à elle seule représente 85 à 90 % des besoins énergétiques totaux du site de Saint-Bardoux (soit 300 MWh/an). Le rêve du producteur : approcher l'autonomie énergétique. Le projet prévoit en plus de passer le chauffage d'appoint du propane au fioul.

Si une puissance de 500 à 600 kW est nécessaire pour alimenter la serre de multiplication, un tiers de cette puissance suffit à assurer 85 % du chauffage. Sur cette base, l'étude énergétique (subventionnée à 60 % par l'Ademe et par la Région) a évalué à 167 000 euros le coût total d'investissement : 145 000 euros pour une chaudière au miscanthus de 200 kW avec dessilleur et traitement de fumées, 12 000 euros pour les brûleurs, 10 000 euros pour le bâtiment... Le coût énergétique est estimé à 20 euros HT/MWh en comptant le coût des rhizomes, du machinisme, de la main-d'oeuvre et de la maintenance de la chaudière. Agrithermic a calculé un temps de retour possible de cinq à dix ans, en fonction des conditions de prêt bancaire, des subventions possibles, etc.

Les différentes aides possibles (France-AgriMer - voir le Lien horticole n° 868, du 8 janvier 2014, page 4 -, Région, Certificat d'économie d'énergie...) sont en cours d'évaluation. Comme le miscanthus est auto-produit et non acheté, l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ne peut pas apporter d'aide. Pour ce qui est des banques, Gérard Deroux commente leur implication avec humour : « Nous voulons faire de la chaleur, mais les banques sont frileuses ! »

« Nous avons la chance de disposer de terrain pour la culture du miscanthus. » Sur les 4 hectares de pleine terre (en deux champs), l'entreprise utilise 2 ha pour la production de chrysanthèmes. Elle a réservé les deux autres hectares pour sa production de biomasse, qui devrait permettre de fournir 120 MWh/an. Puisqu'il faut attendre au moins deux ans avant la première récolte, Gérard Deroux a souhaité planter sa parcelle dès 2013, anticipant ainsi l'installation de sa chaudière. Du fait des mauvaises conditions climatiques du printemps, les 20 000 rhizomes issus de Bretagne (Miscanthus Green Power) ont été livrés tardivement, en juin. Ils ont dû être stockés en chambre froide durant la période de plantation. Et, à cause du climat très sec, seulement 25 % des plants ont repris. Les conditions d'implantation la première année et la qualité des plants (sensibles au dessèchement) sont primordiales. En 2014, l'entreprise prévoit de replanter 10 000 plants sur un hectare et de « combler les trous » avec des rhizomes issus des cultures d'expérimentation de Terre d'horizon.

Les deux hectares ne suffiront toutefois pas à chauffer en totalité la serre de multiplication. « Nous prévoyons d'acheter un broyeur adapté (muni d'un aimant) pour fabriquer des plaquettes à partir de nos palettes de bois, et compléter le miscanthus. » Une plate-forme de 1 000 m² est prévue pour faire office de zone de stockage.

Valérie Vidril

(*) Voir « Le miscanthus : un produit en devenir pour la filière... » dans le Lien horticole n° 869, du 15 janvier 2014, pages 12 et 13.

Les plateaux de semis des végétaux sont directement posés sur des plaques chauffantes dans lesquelles circule l'eau chaude : une installation personnalisée qui continue de faire preuve d'efficacité.

Jusqu'ici, les horticulteurs ont su stabiliser leurs dépenses énergétiques en réduisant le chauffage au strict nécessaire et par différentes mesures : bulleserre, plastique doublé en toiture, P17...

Le miscanthus utilisé pour la production de biomasse, Miscanthus x giganteus, est stérile du fait de sa triploïdie. Une fois installée, sa culture nécessite peu d'entretien et les besoins sont limités. Son rendement est de 10 à 25 tonnes par hectare.

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