“Des réponses personnalisées”

Sylvie Ligabue s'est installée à son compte en 2007 au départ à la retraite de Jean-Pierre et Lucienne Maisonneuve, horticulteurs à Carpentras (84). Depuis cinq ans, elle est restée centrée sur ses options de départ : produire tout au long de l'année du jeune plant raciné, en alvéole, uniquement pour les professionnels, producteurs éleveurs, collectivités, CAT et écoles. Et seulement des espèces se multipliant par bouture. Mais pour éviter de perdre inopinément de « gros clients », comme ce fut le cas en 2010, sa solution consiste désormais à satisfaire les demandes d'une multitude de « petits clients ». « Aujourd'hui, l'EARL Maisonneuve apporte des réponses personnalisées », précise-t-elle.

Composant avec l'historique et la renommée de l'entreprise, ses propres connaissances, et les serres et équipements non adaptés au plant chauffé, Sylvie Ligabue produit des plantes méditerranéennes, des aromatiques et des vivaces issues de boutures. À son installation, elle a revu les emplacements de travail pour une meilleure organisation et investi dans une remplisseuse de plaques : elle a ainsi pu gagner du temps pour produire plus et développer la commercialisation. Côté production, elle a opté pour du terreau prêt à l'emploi (au lieu d'une fabrication maison), renouvelé le fog system, et investi dans des tablettes à aquanappes, ce qui a permis de réduire d'au moins 50 % les pertes de vivaces à feuillage gris qui ne supportaient pas bien le fog, et d'augmenter la qualité générale des enracinements.

La gamme a surtout évolué dans l'étendue des coloris et cultivars pour toutes les espèces. Il y a aussi plus de plantes à fleurs (Portulaca, Verbena, Petunia...). « Avec Pascal, mon mari, qui est également mon associé, nous avons essayé une année de faire du semis, mais nous ne sommes pas équipés pour. Ce n'est pas notre métier ! Comme nous souhaitons garantir la qualité, pour compléter l'offre en annuelles et en bisannuelles de semis à la demande de la clientèle, nous achetons si besoin du jeune plant chez un fournisseur spécialisé. C'est le cas également pour quelques boutures qui nécessitent d'être chauffées ou pour du plant destiné à regénérer des pieds-mères », souligne la jeune femme, qui, au-delà de la production, a surtout fait évoluer la partie commerciale.

Sylvie Ligabue est titulaire d'un BTS commercial, obtenu au CTIFL de Montfavet (84). Du stage de trois mois, comprenant une étude de marché au Vietnam, et de ses expériences diverses dans la vente de produits horticoles dans plusieurs entreprises successives, elle avait retiré une confirmation de sa vocation d'horticultrice et de sa passion pour les fleurs. Elle avait aussi appréhendé la gestion d'équipe et la connaissance des attentes de la clientèle. À son installation, elle a donc pu, pas à pas, informatiser l'entreprise et la gestion des plannings et des commandes, optimiser les envois de disponibles, développer la prospection et s'ouvrir de nouveaux marchés. Si elle a conservé les ventes pour la clientèle de proximité au Marché gare de Carpentras (le vendredi matin), elle va également livrer à Montpellier une semaine sur deux (le mardi), et l'autre semaine en région Paca (le mercredi). « Je livre moi-même, sauf à de rares exceptions. Ce n'est jamais du temps perdu : je reviens toujours avec d'autres commandes, j'en profite pour faire de la prospection, je peux suivre les cultures de mes clients s'ils ont besoin de conseils. Ces échanges me permettent de découvrir beaucoup d'autres variétés, des techniques et des façons de faire. Et de mieux comprendre les besoins et les attentes de ma clientèle », explique-t-elle. Parallèlement, « l'expérience, notamment, d'un “gros client” qui nous a lâchés juste avant de confirmer sa commande nous a servi de leçon. Ça a été dur pour le chiffre d'affaires cette année-là. À force de prospection, nous avons depuis gagné une centaine de “petits clients” et nous nous efforçons de répondre autant que possible à leurs demandes. Nous bouturons quasiment toute l'année. Nous acceptons de produire des petites séries, voire des demi-plaques, ou encore des mélanges de coloris par plaque, et des variétés anciennes ou des plantes rares (comme l'Aristolochia). Nous acceptons les formats de plaque à la demande, ou de multiplier des variétés spéciales à façon. »

Cette orientation professionnelle entraîne de fortes contraintes en termes d'organisation de production : petits lots, arrosage manuel, pas de régulateurs de croissance, préparation longue des commandes avant expédition (rebrochage manuel de toutes les plaques pour garantir un bon enracinement de chaque plant, retaille de toutes les boutures). « En retour, cette clientèle fait preuve de fidélité et paie rapidement, ce qui est important pour la trésorerie. Côté livraisons, il n'y a pas de franco de port pour ne pas imposer de quantité minimale. Une gratuité est par ailleurs appliquée s'il est possible de déposer la commande dans un lieu d'accès facile. Chaque fois que nous le pouvons, nous cherchons une solution aux demandes particulières. Ces réponses personnalisées et ces échanges relèvent de l'entraide réciproque. Nos clients et nous, nous avançons ensemble. D'ailleurs, notre clientèle se développe beaucoup par le bouche à oreille. Nous évoluerons avec elle tant que nous serons réactifs à ses demandes. C'est ainsi que je conçois mon métier. Et depuis cinq ans, je me suis épanouie. J'apprends beaucoup et je sais que je ne ferais pas autre chose », poursuit Sylvie Ligabue.

L'évolution de l'entreprise se poursuit. Cette année, l'horticultrice a bénéficié du concours d'une stagiaire en BTS commercial qui a travaillé trois mois pour prospecter en Drôme-Ardèche et développé un site Internet. Essentiellement « site vitrine », proposant de nombreuses photos, cet outil reste à développer. Le remplacement d'équipements comme le fog system et l'automatisation des ouvrants sont envisagés. « L'objectif est de poursuivre avec passion ce métier basé sur le relationnel. Et de devenir propriétaires de nos serres... », conclut Sylvie Ligabue.

Odile Maillard