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" Un vrai projet agroécologique "

De gauche à droite : Antoine Jacobsohn, gestionnairedu Potager du Roi, David, ancien étudiant, et Romain Bocquet, enseignant paysagiste, indiquent qu'il est difficile de gérerla participation des étudiants sur le temps scolaire,en adéquation avec les besoins du jardin.

Pour adapter le Potager du Roi, à Versailles (78), aux techniques disponibles, aux enjeux esthétiqueset pédagogiques, Antoine Jacobsohn, son responsable, se tourne vers une gestion alternative du site.

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«Lorsque j'ai commencé, je ne connaissais pas le mot agroécologie, ni la notion de sol vivant. Mon souci était plus proche de la notion de ressources non renouvelables, de biodiversité et de microbiologie des sols », se souvient Antoine Jacobsohn, arrivé en 2004 à Versailles. « Plusieurs rencontres ont nourri ma compréhension des choses. J'ai, par exemple, adhéré à une vision de la production agricole qui produise plus de calories qu'elle n'en consomme, avec un bilan carbone globalement positif, mais à une large échelle, sans détruire d'autres systèmes ailleurs. »

> Depuis les années 2000, le jardin du Potager du Roi se tourne vers des techniques de gestion alternatives, que l'on pourrait qualifier aujourd'hui d'agroécologiques. Géré par l'École nationale supérieure du paysage (ENSP), ce lieu fait l'objet de codes fortement inscrits, dont celui du sol nu sous les arbres. Antoine Jacobsohn a, au fil du temps, amené l'équipe de neuf jardiniers à mettre en oeuvre de nouvelles pratiques, s'inscrivant dans la recherche d'un sol vivant, et porteur de biodiversité. Il a fallu faire accepter de couvrir le sol sous les arbres, de laisser le sol se reconstituer après l'arrachage de rangées d'arbres... « Ma conviction est que ce jardin est un projet humain, collectif, un jardin de jardiniers. Je ne voulais pas imposer ma figure tutélaire, ni mes décisions. J'ai souhaité faire infuser certaines idées, certains concepts. J'ai fait venir des gens de la culture bio, peuplé la librairie de livres sur le bio, proposé la réflexion... » La volonté est de créer une culture commune, d'apprendre à partir de données et de connaissancespartagées. Reste la question de fond : « Comment prendre des décisions collectives qui sont des enjeux forts de société ? »

> « Le vrai projet agroécologique, c'est que lebilan carbone soit positif. Nous mettons touten oeuvre pour y arriver. » Deux grands axes d'actions sont entrepris : l'organisation humaine du travail et la captation maximale de l'énergie solaire, via les différents étages de végétation. Le jardin doit remplir trois missions aux contraintes imbriquées et complexes : produire des aliments sains ; accueillir des visiteurs dans un cadre protégé ; constituer un support pédagogique pour les étudiants de l'ENSP et un contexte de travail sans danger pour tous. Avec la santé pour enjeu transversal. Baisser le nombre de passages sur les parcelles, bannir les produits phytosanitaires, implanter des couverts végétaux aux pieds des arbres et semer des engrais verts sont les pratiques concrètes. Mais comment maintenir le caractère historique, attendu par les visiteurs, avec les lignes d'arbres monovariétales, sans appliquer de traitements ? Les choix se sont portés sur l'introduction de la diversité végétale aux pieds des lignes d'arbres et sur l'introduction de haies fruitières diversifiées, selon les travaux d'Evelyne Leterme, du Conservatoire régional végétal d'Aquitaine. Certaines lignes intermédiaires alternent production de légumes puis prairies fleuries, avec des mélanges de légumineuses et de fleurs. « La production de légumes est possible depuis que l'on ne traite plus, précise Julie, jardinière. Ici nous testons des mélanges de graines, nous essayons des paillages. Nous avons installé des nichoirs pour les oiseaux et nous utilisons la confusion sexuelle pour lutter contre les carpocapses. Nous devons à présent communiquer pour nouer une relation de confianceavec le consommateur. »

Par ailleurs, quand des lignes d'arbres sont arrachées, la replantation n'intervient pas tout de suite, le sol est travaillé avec des engrais verts pendant trois ans. Mais la question du traitement des allées n'a pas été résolue : faut-il supporter les herbes, qui grillent en été ? Ou trouver une méthode alternative pour désherber, avec son corollaire de main-d'oeuvre, non disponible dans l'organisation actuelle ?

> Lieu de pratique pour les étudiants paysagistes de l'ENSP. Ceux de première année dispo-sent de sept séquences pour expérimenter le jardinage : « C'est un endroit où nous apprenons, testons, et un lieu pour déstresser ! Nous y apprenons aussi à gérer le temps. Nous concevons des espaces, observons, et analysons pourquoi nous n'obtenons pas certains résultats. » Romain Bocquet, enseignant et ancien élève, est responsable de l'activité jardinage. « C'est difficile à gérer sur le temps scolaire et à mettre en adéquation avec les besoins du jardin, mais nous avons réussi à ce que ce soit de plus en plus régulier. Les élèves travaillent avec les jardiniers. Et ils disposent d'espaces qu'ils cultivent pour eux-mêmes. » Les jeunes de deuxième et troisième années ne bénéficient que de deux séances. Ils partent toutefois sept semaines en stage ; certains peuvent en effectuer une partie dans les jardins du Potager. n

Cécile Claveirole

Julie (à gauche) et Isabelle, jardinières, sèment des engrais verts dans les inter-rangs de fruitiers. Une révolution pour ce site de production tenu à des codes fortement inscrits, dont celui du sol nu sous les arbres.

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