" Adapter l'outil et la gamme à une cli entèle éclatée "

La SARL de l'Estanque pourrait presque servir de démonstrateur des systèmes de mise en culture sous abri au sol : après avoir atteint les limites du premier site de production sur lequel s'étaient installés Michel Concaret et son épouse Lucrèce, à Saint-Marcet (31), à une heure de route au sud-ouest de Toulouse (31), un second établissement a été ouvert en 2005 pour permettre l'extension de l'entreprise. Avec leur fils Pierre, Michel et Lucrèce ont alors jeté les bases d'une unité de production à Villeneuve-de-Rivière (31), une commune située à une quinzaine de kilomètres de Saint-Marcet. Ce nouveausite de production dispose aujourd'hui d'aires de culture bitumées, bétonnées et équipées du système de culture ErfGoed.

> Répondre à une clientèle plus importante mais aux besoins plus fragmentés. Dès sa création en 1987, le domaine de l'Estanque s'est spécialisé dans la vente en gros à un réseau de jardineries locales : « La limite, c'est une heure à une heure et demie au maximum autour de l'entreprise. Au-delà de cette limite, nous ne sommes plus concurrentiels », explique Pierre Concaret, qui dirige désormais l'entreprise en SARL après plusieurs années en Gaec avec ses parents. Dans cette zone, il est facile de livrer rapidement et efficacement la centaine de clients qui se fournissent aujourd'hui auprès de l'établissement avec les trois camions VL et le 12 tonnes, détenus en propre. Une condition sine qua non, « alors que le réseau de points de vente s'est largement étendu, mais que chacun veut être approvisionné plus souvent et avec moins de marchandise. Il y a dix ans, nous pouvions livrer un camion par client, deux fois par semaine. Aujourd'hui, il nous faut très souvent livrer un ou deux rolls deux à trois fois par semaine ! » Davantage de clients à livrer plus souvent, avec une gamme qu'il faut sans cesse diversifier pour répondre aux attentes, qui plus est avec des prix toujours plus discutés... Pour réussir cette mission, disposer de serres ergonomiques et performantes est indispensable. Le site historique de Saint-Marcet n'étant plus extensible et ses 9 000 m2 couverts n'y suffisant plus, le nouvel établissement de production devait répondre à ces impératifs.

> Un ensemble de systèmes complémentaires de culture. La première serre installée à Villeneuve-de-Rivière en 2005 est un modèle construit par CMF, dont le sol est bitumé avec un chauffage au sol. Elle mesure 2 880 m2, est irriguée par des chariots automatisés et est équipée d'écrans ombro-thermiques. En 2010, une nouvelle surface de 2 500 m2 est construite, toujours en verre, avec, cette fois, au sol du béton et un système d'arrosage par ruissellement. Enfin, en 2015, 6 200 m2 de serre double paroi gonflable Vermako, avec au sol un système marée haute marée basse ErfGoed, est venu compléter l'équipement de l'entreprise.

« L'ensemble est plutôt complémentaire, analyse Pierre Concaret. Les serres dont le sol est bétonné sont relativement froides. Elles ne sont chauffées qu'en hors gel et elles accueillent les plantes peu gourmandes en chaleur. À l'inverse, le sol chauffant bitumé permet d'optimiser le chauffage des plantes ayant besoin d'être maintenues à une température plus élevée. Quant au système ErfGoed, ce n'est que la deuxième année qu'il est employé pour assurer le cycle de culture. Il est donc encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Par contre, le gain dans la régularité des cultures est déjà une certitude. Pour certaines, comme les primevères, la subirrigation ou le ruissellement permettent de mieux maîtriser la culture que l'aspersion. Le résultat est bien meilleur et surtout nous gagnons en flexibilité commerciale. Une primevère prévue pour la semaine N peut être vendue en semaine N+2 voire N+3 si les conditions climatiques ne l'ont pas permis avant. S'il y avait un bilan à faire sur nos différents sols de culture, je dirais que le béton présente beaucoup trop d'irrégularités qui se répercutent sur l'arrosage. Le sol bitumé nous a apporté une inertie thermique très importante (rationalisation du chauffage) mais il nous reste les irrégularités de drainage à gérer. Le sol ErfGoed a apporté une régularité d'arrosage et donc de culture que nous ne retrouvonspas dans les autres sols. »

> Du temps gagné pour les chrysanthèmes et sur la saison de printemps. Quoi qu'il en soit, pour le jeune chef d'entreprise, le bilan de la construction « est positif. Le nouvel établissement nous permet des gains de temps. Nous avons économisé environ 300 heures supplémentaires sur les cultures de chrysanthème et nous gagnons également du temps au printemps ». Désormais, la société ne compte plus étendre sa surface de production, mais plutôt « moderniser l'organisation du travail, mécaniser ce qui peut l'être, mieux gérer le personnel et les cultures. Il est plus difficile de garder les jeunes cadres, pas tant pour les salaires que parce qu'ils attendent d'être valorisés, de se sentir bien. Il faut donc travailler sur ce point ».

Tout est cultivé au sol, des fourches manuelles de distançage permettent de positionner les plantes rapidement et efficacement en évitant les contraintes pour le dos : « Nous avons une grande diversité de diamètre de pots et de plantes, c'est donc difficile d'apporter beaucoup de mécanisation à cette tâche », précise Pierre Concaret. Par contre, l'achat d'une remplisseuse en complément de la rempoteuse est prévu. Une chaîne de semis a déjà été achetée à l'époque de la création du nouvel établissement.

> Les vivaces montent en force dans la gamme proposée. Reste à suivre au plus près les attentes du client pour lui proposer ce qui lui est adapté. Un exercice qui n'est pas forcément des plus évidents. Pierre Concaret a connu l'explosion du marché du jeune plant potager, l'entreprise a commencé à en cultiver dès 2005. Aujourd'hui, les quantités produites ne progressent plus, le risque de devoir jeter étant de plus en plus présent. Les suspensions ont aussi eu leur heure de gloire. Elles restent largement présentes au sein du domaine de l'Estanque mais le marché baisse légèrement. Un tunnel de culture entier est consacré à une gamme de sédums. Ces végétaux sont très demandés parce qu'ils sont résistants à tout, ou presque.

Au final, la gamme proposée est composée de 35 % de plants potagers complétés par des potées fleuries, des plantes à massifs (les pots de 10,5 et 13 sont plus demandés, alors que les barquettes chutent, n'étant plus proposées par les points de vente que dans le cadre d'opérations de promotion), des vivaces qui montent en force dans les mises en culture, et des produits de diversification, comme la violette de Toulouse. Après un gros trou d'air il y a deux ou trois ans, le marché des bisannuelles s'est aujourd'hui stabilisé et les ventes ont été correctes cette année jusqu'au mois de février, avant de s'effondrer au mois de mars en raison de la météo très défavorable. Enfin, l'entreprise cultive 25 000 chrysanthèmes par an et une gamme de cyclamens.

Au niveau commercial, des disponibles sont envoyés aux clients toutes les fins de semaine, de plus en plus par mails accompagnés de photos pour que l'acheteur ait une idée précise de la qualité du produit. Les livraisons peuvent être effectuées deux fois par semaine, les mardis et les jeudis. Avec des ajustements possibles certains autres jours. Une rançon de la multiplication des points de vente... n

Pascal Fayolle