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" Mettre nos clématites et grimpantes dans toutes les mains "

Depuis 2010,le frère et la soeur développentla sélectionvariétale.Ils viennentde créerla 'Sugar Sweet'.PHOTO : JAVOY

Marie-Laure Rauline et Benoît Javoy, dirigeants de la pépinière Javoy, spécialiste des clématites et plant es grimpantes, innovent dans la sélection, le marketing et à l'export. Un trio qui semble porterses fruits : la mise en production a augmenté de 15 % en trois ans. Zoom sur cette entreprise dynamique et réactive.

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Comment accroître sa production sur un marché limité ? C'est le challenge que les pépinières Javoy, spécialisées dans les clématites et plantes grimpantes, relèvent depuis trois ans. Grâce à une stratégie reposant sur l'innovation, l'export et l'optimisation de la production, la mise en culture a progressé.

Installées dans le Loiret, à Saint-Cyr-en-Val, Marie-Laure Rauline et Benoît Javoy, frère et soeur, ont repris, en 2010, l'entreprise familiale fondée en 1984. Benoît, qui était déjà présent dans l'entreprise depuis 2003, s'occupe de la production, et Marie-Laure, du développement marketing et commercial. Après trois ans à la tête de l'entreprise, les jeunes pousses s'interrogent sur leur modèle économique et se remettent en question, comme l'explique Marie-Laure. « Nous vendions exclusivement nos plantes grimpantes sur le marché des jardineries. Mais face à un marché qui se réduit et à la concentration des diffuseurs, à moyen terme, cette stratégie n'était pas tenable. Si nous voulons être encore là demain, nous devons imaginer autre chose. » Leur objectif n'est pas de multiplier les volumes de production, mais bien de trouver de la valeur ajoutée pour pérenniser leur entreprise.

> À la conquête de l'Europe et de l'Asie. Benoît et Marie-Laure décident de vendre autrement leurs plantes. D'abord en se lançant dans l'aventure de l'export. « Être les experts de la clématite en France, ce n'est pas pertinent. Les échanges s'effectuent au niveau mondial. Jusqu'en 2010, nous n'avions pas de collection pour l'export. Nous avons donc dû nous lancer dans un travail de sélection, ce que nous ne faisions pas jusqu'à présent », explique Marie-Laure. La sélection, réalisée à la pépinière, consiste à n'utiliser dans l'hybridation que des espèces sauvages, aux caractéristiques encore inconnues du grand public et à la vigueur nettement meilleure que les variétés actuelles du marché. Ainsi, en début d'année, le duo frère et soeur a lancé « Sugar Sweet », la première clématite à grandes fleurs avec une floraison de fin de printemps parfumée. Cette variété n'est en effet pas commune, tant elle est odorante avec son parfum de fleur d'acacia. Ce savoir-faire séduit des producteurs de l'Europe du nord : Angleterre, Pays-Bas, Allemagne. Huit pour cent des jeunes plants sont exportés et cent pour cent sont produits en France. Pour aborder l'international, les pépinières Javoy se sont regroupées avec huit autres producteurs au sein de Pépinières de France ce qui leur permet de proposer une large gamme de végétaux et d'embaucher une commerciale pour l'Angleterre.

Autre marché à développer, les particuliers et les paysagistes. Les dirigeants souhaitent revoir l'image traditionnelle de la clématite et se positionner à l'avant-garde. « Nous nous sommes demandé comment mettre des plantes dans toutes les mains. Réponse : avec une offre marketing innovante », raconte Marie-Laure Rauline. Elle participe alors à un concours de start-up... qu'elle gagne ! Elle surfe sur la vague du Do it Yourself (faites-le vous-même) avec le concept Lumaki®. « Nous avons plus de 400 variétés de grimpantes, mais personne ne les connaît ! L'idée est de créer un kit végétal, à monter soi-même, qui permet de verdir son balcon avec deux plantes. » Puis, elle enchaîne avec une deuxième idée pour remettre les fleurs coupées au goût du jour : le Bouquet de clématites. Il s'agit simplement de montrer au particulier qu'il peut obtenir des fleurs coupées, via des tutos, et des idées de loisirs créatifs avec les fleurs.

Pour ces deux concepts, Marie-Laure développe pleinement le marketing : vidéo de tuto, partage sur les réseaux sociaux, site internet... Elle fait appel à une agence pour la conseiller, mais elle insuffle également ce nouvel élan commercial à l'équipe de quinze personnes. La pépiniériste a embauché une apprentie en stratégie digitale, puis depuis cette année, une en design et packaging. Les tutos sont réalisés en interne. « Nous développons du management participatif. Chacun peut proposer ses idées. C'est très impliquant. La possibilité de se former au montage vidéo ou à d'autres secteurs complètement déconnectés de la production végétale est offerte. Et c'est un vrai plaisir pour nos salariés », ajoute Marie-Laure.

Côté communication, l'entreprise modernise son image. Son logo et les chromos sont modifiés, le site internet devient une boutique en ligne pour les pros (webshop), un nouveau site de conseils sur l'entretien des plantes, ainsi qu'une communauté de jardiniers amateurs sur les réseaux sociaux voient le jour. Cette remise à plat des éléments de communication optimise le travail en interne. Le système d'information a été modifié pour répondre aux besoins de la boutique en ligne. Les relevés des stocks sont effectués une fois par semaine avec une tablette, et apparaissent en temps réel lors des commandes. La saisie manuelle est fortement réduite et le disponible de vente est réalisé en quarante minutes, un gain d'une journée et demi ! Une refonte totale qui a coûté cinquante mille euros. « Le fait de changer tout en même temps permet d'avoir une stratégie globale. Le rôle de chaque outil est pensé à l'avance, on sait où l'on va. Le web-shop supprime quasiment un temps plein pour la saisie de commande et permet de libérer du temps pour des tâches plus créatives. Comme nous avions déjà fait un gros travail de description des plantes, agrémenté de conseils pour Bloom'me, le choix des plantes est plus attractif et nous devrions augmenter le panier moyen, notamment chez les paysagistes où les grimpantes trouvent de plus en plus leur place dans l'urbain », ajoute Marie-Laure.

> Une culture dehors. Cette démarche marketing n'a pas eu d'incidence directe sur la production. Seul le mode de vente a évolué. Néanmoins le duo frère et soeur a optimisé les surfaces de production pour gagner en compétitivité. Ils viennent de mettre en service une nouvelle serre froide d'un hectare, pour un investissement d'un million d'euros. Elle complète une serre de la même surface, ainsi que cinq hectares de culture sur pouzzolane. Ce sont ainsi un million deux cent mille plantes qui sont élevées chaque année.

Pierre, le père de Benoît et Marie-Laure, avait mis en place un itinéraire technique, fondé sur la robustesse des plantes. Une aspersion, un engrais retard au démarrage, le moins possible de produits phytos, de la protection biologique intégrée (PBI), quatre pincements tout au long du cycle de développement et surtout, une des particularités des pépinières Javoy, une culture dehors, « à la dure ». Alors pourquoi ce choix d'une serre ? « Après trois années de dégâts, grêle, inondation puis gel en avril, nous souhaitions sécuriser notre production, explique Benoît. Nous avons opté pour des serres Vermako dont le toit s'ouvre intégralement. Grâce à ce système, nous n'aurons plus besoin de déplacer les plantes pour l'hiver. Un gain de temps très appréciable ! » Cette serre, proche de l'autre, remplace une parcelle qui se trouve plus loin. Grâce à ce regroupement, Benoît a calculé que les salariés gagneraient deux heures de trajet par jour en pleine saison de commande ! Pour la mise en place des chromos, un accessoire indispensable pour les grimpantes, les dirigeants faisaient appel à un Esat (Établissement et service d'aide par le travail) pour les fixer sur un support en bambou. Une fois le travail terminé, l'Esat renvoyait les supports à la pépinière, ce qui prenait énormément de place, environ quinze palettes ! Benoît et son père ont trouvé une autre solution, avec un bâtonnet à l'horizontal et des clips directement fixés sur les bambous. Les chromos ne tombent plus en magasin et le problème de stockage est supprimé. De nouvelles conditions de travail au niveau des sols ont également été pensées afin de les rendre plus ergonomiques pour les salariés. Grâce à cette optimisation globale, la production a augmenté de 15 % en trois ans.

« Tous ces investissements augmentent notre capacité à produire et nous permettent d'assurer un volume global important pour répondre aux demandes, même pour des plantes à cycle long, produites sur plus de deux ans », ajoute Benoît.

Grâce à ce virage stratégique, tant au niveau de la commercialisation que de la production, le frère et la soeur abordent sereinement l'avenir, comme l'explique Marie-Laure « Nous n'allons pas nous agrandir en taille, mais nous souhaiterions prendre une autre dimension, nous ouvrir aux autres, être entourés de partenaires, et continuer à nous faire plaisir au travers de nombreux projets ! »

Aude Richard

Lumaki est un concept Do it Yourself, pour créer sa jardinière de plantes grimpantes soi-même.

PHOTO : JAVOY

Une nouvelle serre d'un hectare, qui s'ouvre complètement, permet de protéger les plantes contre les aléasclimatiques violents, tout en maintenant du vent et du soleil pour leur robustesse.

PHOTO : JAVOY

Différentes solutions d'optimisation ont été mises en oeuvre. Par exemple, les clips de chromo directement fixéssur les tuteurs.

PHOTO : AUDE RICHARD

Un des objectifsdes dirigeants est de moderniser l'image de la clématite, en proposant par exemple de l'utiliser en fleur coupée.

PHOTO : JAVOY

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