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" Ils ont découvert l'entreprise et la fil ière horticole ! "

Charlotte et Stanislas Des Longchamps, respectivement avocate et conseiller en gestion de patrimoine, ont choisi de travailler ensemble. Depuis deux ans, ils gèrent La Terre qui chante, à Aujargues (30).

Comment se lancer et s'organiser pour reprendre une pépinière-jardinerie... quand on vient de secteurs pro fessionnels très différents ?

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Charlotte et Stanislas Des Longchamps travaillaient en indépendants, chacun de leur côté. L'envie de changer de rythme, de faire plus de choses ensemble, l'envie d'une pause pour Charlotte... et « le hasard et l'opportunité » les ont incités à faire le choix d'une toute nouvelle vie. Ils aiment ce qui est beau et n'ont pas peur de la prise de risque... Charlotte était avocate, Stanislas conseiller en gestion de patrimoine. Sans formation aucune, ils ont repris l'établissement horticole La Terre qui chante, à Aujargues dans le Gard.

> Leurs enfants n'ayant pas la velléité de reprendre l'affaire familiale, Bernadette et Lucien Mutter ont attendu de trouver un repreneur pour partir à la retraite. Ils ont fait confiance à ce jeune couple qui, pourtant, n'avait aucun passé horticole. Les parents de Charlotte ont une propriété dans une ville proche et connaissaient cependant La Terre qui chante. La confiance s'est établie entre cédants et repreneurs.Tout est allé assez vite. Le jeune couple s'est installé sans formation horticole, sans besoin d'aide financière de type dotation jeune agriculteur (DJA). Les cédants ont accompagné les repreneurs pendant environ une année : « Par exemple pour les rotations saisonnières des cultures, le fonctionnement des serres et des machines, de l'arrosage. Ils nous ont également présentés à leurs fournisseurs ». Le reste a été appris « sur le tas » : la gestion des stocks, la partie négoce, les saisons courtes de fortes ventes, la recherche de nouveaux clients et de nouveaux fournisseurs...

> Les repreneurs n'ont pas eu de travaux importants à réaliser. « Les serres de productions horticoles avaient déjà été progressivement - 7 ou 8 ans avant leur cession effective - réhabilitées (en grande partie) en magasin de vente de type jardinerie, avec ses univers classiques (déco, plein air, poteries émaillées, terreaux et paillages...), espaces qui évoluent en fonction des saisons. Avec son marché aux fleurs couvert, sur tables horticoles en subirrigation. Nous, nous avons surtout revu les aménagements. Et nous avons gardé deux productions maison : les rosiers à partir de racines nues, et les chrysanthèmes multifleurs à partir de boutures. Ces deux plantes saisonnières sont relativement faciles à mener » constate Stanislas.

Côté gammes végétales, Charlotte et Stanislas affichent leurs volontés : « Lorsque nous trouvons de beaux produits, nous essayons autant que possible de privilégier les productions locales. Nous avons une vingtaine de bons producteurs dans la grande région autour de nous : Carpentras, Quissac, Saint-Étienne, Mauguio/Montpellier, sans oublier le Var et le Vaucluse... Si nous ne trouvons pas en local, nous cherchons du Made in France, dans les gammes où il est possible de trouver. Côté statutaire, l'entreprise ne relève plus de la MSA mais est passée à l'Ursaff. Côté communication, le site web (voir encadré repères) a été entièrement refait.

> Les salariées sont toujours en poste. Chacune connaît bien son secteur : Domi et Nathalie à la déco, à la serre chaude et à la caisse ; Sylvie et Maéva au marché aux fleurs et Dominique à la pépinière. Toutes continuent à s'occuper des commandes et de la négociation des prix, des réceptions, des conseils aux clients... « Nous avons aussi mis en place un accord d'intéressement, explique Stanislas. Pour nous, cet accord doit répondre à plusieurs objectifs : la motivation des salariées, leur sensibilisation sur le fonctionnement même de l'entreprise et le rôle que chacune a à jouer dans ce bon fonctionnement ».

> Quels aspects ont été les plus difficiles à gérer ? À cette question, le couple répond de concert : « les rumeurs qui se propagent dans la clientèle. Alors que nous avons baissé presque tous les prix, on nous reproche au contraire de les avoir augmentés. Il faut expliquer et argumenter souvent en caisses. Il faut faire avec, c'est long. Les rumeurs, c'est tenace. Certains clients pensaient, par exemple, que nous avions changé d'enseigne... ce qui est totalement faux. Il faut du temps pour retrouver une identité forte. Il est certain que la cession a eu un impact sur la fréquentation du magasin et que nous avons perdu des clients. En parallèle, notre clientèle a un peu rajeuni aussi ». Parmi les difficultés, il y a eu aussi la gestion du végétal, produit vivant, avec ses rythmes saisonniers, ses maladies susceptibles d'apparaître à tout moment et aussi les attaques de ravageurs « en particulier les rosiers, les fruitiers et les chrysanthèmes ». Le couple a suivi la formation Certiphyto. « Le plus difficile, c'est la pépinière, et par conséquent, il s'agit d'expliquer aux clients que nous passons en gestion raisonnée et intégrée, avec au maximum deux traitements par an. Il faut beaucoup de pédagogie car les clients ont très peu de tolérance sur les défauts visibles, et ne connaissent pas les différences entre ravageurs et auxiliaires. Il faut aussi expliquer les produits phytos amateurs enfermés dans une vitrine. Nous tâchons d'expliquer nos pratiques et de faire des affichages spécifiques ».

> Cette installation dans le secteur horticole a été un vrai challenge pour le couple, parents de deux très jeunes enfants, dont un né au moment de la reprise. « Cela s'est fait dans de bonnes conditions, nous sommes dans un environnement plaisant, les relations avec les salariés sont excellentes. Pendant deux ans, nous avons surtout adopté une attitude en retrait, en observateurs. Pour apprendre. C'est un luxe, l'entreprise a quasiment tourné sans nous ». Les deux repreneurs ont vite intégré le contexte local. Ils ont aussi pris en main et rénové l'outil informatique, le logiciel de caisse, l'étiquetage numérisé, la gestion des marges et des statistiques commerciales. « Nous communiquons à ce propos avec les salariés. Il y a quand même eu beaucoup de travail, et nous avons réussi à nous faire accepter, complète Stanislas. Nous avons vite compris que côté concurrence locale, c'est la guerre. Mais nous n'avons pas voulu nous aligner sur les prix les plus bas. Nous voulons conserver un positionnement de milieu à haut de gamme. C'est essentiel dans notre contexte ». Et cela semble payer : une cliente, rencontrée lors du reportage, fait confiance au jeune couple. Elle fait une trentaine de kilomètres pour la qualité qu'elle trouve à La Terre qui chante, par rapport à d'autres enseignes présentes sur son chemin. Enfin, autre aspect compliqué pour Charlotte, c'est la partie comptable qui mobilise tellement de temps qu'elle exprime un regret : « je ne pensais pas que ce serait si prenant, mais nos outils vont encore évoluer. Et avec deux jeunes enfants... je suis vraiment dans le bain depuis moins d'un an. J'espère prochainement pouvoir me consacrer à la décoration, et être plus au contact de la clientèle ». Au final, ils ne regrettent pas d'avoir « franchi le pas et quitté un job plus stable ». Des projets sont déjà en gestation : faire plus d'événementiel et d'animations pour le public, aménager un massif paysager à l'entrée en guise de vitrine de leur offre végétale et pour servir de base d'inspiration pour les clients. Et valoriser avant tout les « produits locaux ».

Odile Maillard

Dès l'entrée, l'établissement s'ouvre sur les univers classiques d'une jardinerie.

La Terre qui chante a conservé un espace production, avec rosiers et chrysanthèmes, en particulier.

Sylvie, la plus ancienne des salariées, est responsable des espaces déco et serre chaude.

Maéva préférait la production, mais aime aussi la relation avec la clientèle. Son univers : le marché aux fleurs.

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