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AMSTERDAM (PAYS-BAS) Des toitures « bleues-vertes » dans la ville

A Amsterdam, 10 000 m² de toits ont été équipés du système de toiture « bleue-verte ».

En captant l’eau de pluie sur les toits sous une couche de végétalisation, le projet Resilio réduit le ruissellement lors de fortes précipitations tout en atténuant le stress thermique dans le cas d’épisodes de fortes chaleurs.

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Les environnements urbains favorisent des températures de surface et de l’air plus élevées que leurs homologues ruraux. Ces températures plus élevées, causées par un manque d’espaces verts, une plus grande absorption du rayonnement solaire et une non-circulation de l’air, ont entraîné des niveaux de pollution accrus, une demande croissante d’énergie pour le refroidissement, ainsi qu’un inconfort lié à la chaleur, et même un taux de mortalité plus élevé. Ce phénomène d’îlot de chaleur urbain est accentué par le changement climatique.

Pour y remédier, les villes tentent d’augmenter la part de végétalisation, parfois directement sur les bâtiments grâce aux toitures et murs végétaux. Mais le changement climatique est aussi synonyme de risques d’inondations lors d’épisodes pluvieux, voire de dégâts colossaux et de pertes humaines. Les villes, très bétonnées, font de plus en plus face au problème d’évacuation de l’eau pluviale. L’une des solutions avancées par la Ville d’Amsterdam, aux Pays-Bas, con­siste en des toitures végétalisées avec réserves d’eau. Ce nouveau système, mis en place dans le cadre du projet Resilio, a pu s’appuyer sur l’expertise acquise au cours de plusieurs projets préalables, dont Smart Roof 2.0.

Des toitures connectées

Depuis 2013, la Ville et Waternet, une organisation publique de gestion de l’eau, ont simulé des systèmes de toitures à rétention d’eau. Le projet Smart Roof 2.0 a été mis en œuvre en 2017 pour démontrer et valider scientifiquement la combinaison de toits bleus (captage, stockage et réutilisation des eaux de pluie) et verts (biodiversité). La gestion de l’eau ainsi que la végétation ont été suivies à l’aide de capteurs. Les informations recueillies ont permis d’affiner le prototype pour les toitures de Resilio. Entre novembre 2018 et avril 2022, 10 000 m² de surface ont été équipés du système de toiture « bleue-verte ».

En dessous du substrat accueillant la végétation, une couche filtrante empêche les particules d’atteindre et d’obstruer le compartiment de drainage, où est stockée l’eau. Celui-ci est composé d’un système de caisses légères étanches. Une technologie permet le transport de l’eau vers les plantes par capillarité. Encore plus bas, un revêtement imperméable à l’eau protège le toit contre les racines des plantes envahissantes et empêche les fuites. Enfin du bitume est étendu, lui aussi imperméable et résistant aux racines. L’eau de pluie est stockée dans un compartiment doté d’une vanne intelligente (Smart Flow Control) qui réagit aux changements météorologiques et s’ouvre et se ferme automatiquement au bon moment : elle peut ainsi être évacuée ou retenue dans la couche de drainage. « Nous avons misé sur une micro-gestion de l’eau pour faciliter le pilotage », explique Kasper Spaan, chercheur en adaptation climatique chez Waternet.

Transformer les toits plats

Amsterdam estime disposer de 12 km² de surface de toits plats qui peuvent être transformés et devenir partie intégrante du réseau intelligent de la ville. Les 10 000 m² installés l’ont été sur des logements sociaux existants et des biens immobiliers privés. En effet, trois sociétés de logement social ont rejoint le consortium Resilio. Avec leur vaste parc, elles ont la capacité de construire un grand nombre de toitures bleues-vertes, même après le projet. Si cette installation a pu voir le jour grâce à un programme de subventions municipales, un des buts du projet était de calculer et mettre en balance les coûts avec les avantages liés à ce nouveau système.

Pour sélectionner les toitures retenues, des simulations de précipitations extrêmes ont été réalisées, pour identifier les lieux où les systèmes d’égouts ne peuvent pas absorber le surplus d’eau et où les risques de dommages sont importants. La plupart de ces zones encombrées se situent en centre-ville, car l’espace public y est rare. Il est donc difficile d’intégrer des mesures d’adaptation au changement climatique sur le terrain. Cinq quartiers vulnérables aux inondations et dans lesquels les sociétés de logement partenaires ont leur parc immobilier ont été sélectionnés.

Des avantages qui semblent contrebalancer les coûts

Une analyse de rentabilisation pour le développement et l’extension des toitures bleues-vertes a été effectuée. Les scénarios les plus favorables sont ceux avec une rénovation par recouvrement. En effet, lors de la pose d’un nouveau toit, les coûts sont plus élevés en raison des constructions nécessaires. En revanche, lors d’une rénovation, les coûts globaux sont plus faibles, car la procédure de recouvrement est moins onéreuse. Les résultats indiquent en outre que l’utilisation de toits bleus-verts est une mesure moins chère et plus rentable que le recours à des options alternatives de stockage de l’eau en milieu urbain. Les entretiens réguliers (gouttières, système intelligent de déversoir/chute de toit, etc.) représentent une part importante des coûts, mais des économies d’échelle peuvent être réalisées si de nombreux toits en sont équipés.

Des espèces végétales indigènes

Si le système de rétention d’eau est similaire sur toutes les toitures, le type de plantes peut varier. Certains toits sont composés essentiellement de Sedum, sur d’autres, la végétation est un peu plus variée (herbes, graminées, fougères, arbustes...). Une liste d’espèces végétales indigènes a été établie par Geert Timmermans, l’écologiste de la Ville d’Amsterdam, et Van Ginkel, une entreprise spécialisée dans les toits verts, axée sur la biodiversité. Un total de trente-deux espèces a été retenu : trois Sedum (orpin âcre, orpin blanc et orpin des rochers), mais également l’achillée millefeuille, l’armérie maritime, le lotier corniculé, la brunelle commune ou encore le thym faux pouliot.

Le plan de travail initial de Resilio ne prévoyait pas de recherche sur la biodiversité. Finalement, un inventaire a été ajouté au projet. Ces recherches ont commencé après la date de clôture officielle de Resilio, car la végétation a été tardivement implantée en raison d’un allongement des délais de livraison pour la plupart des toits. En plus de la rétention d’eau et de la diminution de la température, ces toitures bleues-vertes jouent donc un rôle dans le maintien, voire l’installation et le développement, de différentes espèces en ville. Néanmoins, selon Kasper Spaan, pour Waternet, le système Resilio n’est pas encore l’aboutissement, les toitures peuvent encore remplir d’autres rôles. « Pour moi, le futur ce sont les toits “bleu-vert-jaune-rouge”, en y ajoutant les énergies renouvelables (jaune) et le social (rouge). »

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