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Une « pépinière paysagère transitoire » pour territoire en transition

L’établissement public d’aménagement Paris-Saclay a retenu Synfolia, un regroupement de cinq pépinières, pour assurer les besoins en végétaux d’un site en cours de construction. Sans être une première, le concept est novateur et se développe.

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L’aménagement des espaces publics du campus urbain de Paris-Saclay, au sud de Paris, crée un besoin d’environ 8 000 grands arbres durant la période 2018-2025. Un chiffre qui n’est pas surprenant si l’on considère que cette zone serait, selon ses concepteurs, « le plus vaste projet urbain européen actuellement en construction ». Elle doit d’ici 2025 accueillir 20 000 chercheurs et enseignants, 30 000 étudiants, 20 000 salariés d’entreprises et 15 000 habitants. La Région ne voudrait ici que des plantes indigènes (lire l’encadré).

« Or leur intégration dans la plantation des espaces verts d’Île-de-France est contrainte par des difficultés d’approvisionnement des producteurs spécialisés de la région », constate l’EPA (Établissement public d’aménagement) Paris-Saclay, qui gère ce dossier en partenariat avec la ville d’Orsay (91) et la communauté d’agglomération de Paris-Saclay (91), le tout avec le soutien de la Région.

Une « pépinière paysagère transitoire » va donc être créée par Synfolia, groupement de cinq pépinières parmi lesquelles fi­gurent Pépinières du Plateau de Versailles, à Crespières (78), distantes d’une trentaine de kilomètres seulement de la zone à amé­nager. L’objectif du gestionnaire est de « sécuriser un approvisionnement local en végétaux en constituant une réserve de grands arbres » et, grâce à la « méthode de la pépinière in situ », de « diminuer le risque d’échec des transplantations ». Cette pépinière sera située dans le quartier de Corbeville, sur un terrain d’environ deux hectares à proximité du campus AgroParisTech-Inrae, actuellement en chantier. Elle verra la création d’un espace arboré de 1 800 petits arbres afin de les faire grandir puis de les déplacer au sein des espaces publics des trois quartiers du campus urbain.

Dans un premier temps, l’emplacement est destiné à « rester pérenne et alimenter les espaces publics en végétaux. Les sujets prélevés dans la pépinière pourront être remplacés par de nouveaux arbres afin de maintenir dans le temps la préfiguration paysagère transitoire, offrant ainsi aux usagers du territoire un cadre de vie de qualité », poursuit l’EPA Paris-Saclay. Lorsque tous les arbres de la pépinière seront transplantés, « la parcelle sera sollicitée pour de nouveaux usages ».

Moins d’impact environnemental et de la valeur ajoutée locale

Aux yeux du donneur d’ordres, le projet doit répondre à plusieurs enjeux. Le premier est la maîtrise des impacts environnementaux et le soutien de la transition écologique, en favorisant un approvisionnement local, via un circuit court, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le second enjeu est de favoriser le développement territorial et d’y apporter de la valeur ajoutée, en faisant travailler un producteur local.

L’EPA veut ainsi « amorcer de nouvelles dynamiques économiques et expérimenter un modèle innovant de manière transitoire sur un foncier non utilisé et voué à muter ». Il s’inscrit aussi, avec cette démarche, dans les actions portées par la Région pour structurer « la filière horticole et les pépinières franciliennes, notamment au travers du label Plantes d’Île-de-France et du Pass’filière Horti-pépi ».

Le troisième enjeu visé par l’aménageur est d’« améliorer le cadre de vie et préfigurer la trame verte » en accompagnant la phase de chantier en y intégrant de façon éphémère une trame paysagère. La plantation d’arbres ayant grandi localement devrait aussi favoriser leur reprise.

Enfin, dernier enjeu, « développer les actions de sensibilisation des usagers du territoire et promouvoir le rôle de l’arbre en milieu urbain ». La pépinière sera un lieu d’accueil du public, et notamment de groupes de scolaires, pour des actions pédagogiques de sensibilisation au rôle de l’arbre en ville. Des opérations ouvertes au grand public pourront également avoir lieu , comme la Journée mondiale de la biodiversité ou la Semaine du dévelop­pement durable. Des panneaux pédago­giques accompagneront la visite.

Pas de surfaces suffisantes dans les pépinières environnantes

Ce choix d’implanter une pépinière a été fait car « le sourcing réalisé auprès des pépiniéristes­ locaux, avant le lancement de la consultation, a permis d’identifier qu’aucune pépinière locale ne disposait de surfaces suffisantes pour réserver, dans une période de quatre à cinq ans, des espaces spécifiquement dédiés à nos stricts besoins, explique Michaël Toriel, directeur du pôle travaux de l’EPA Paris-Saclay. Tout cela sans venir obérer, en raison du nombre d’arbres attendus, une grande partie de la capacité de production pour le reste des clients de la pépinière, dont le besoin est plus varié que la simple palette d’arbres indigènes. »

L’appel d’offres sous forme de procédure négociée a donc débouché sur la mise en place d’un contrat de culture avec une production délocalisée. Le tout pour un coût qui devrait être proche de celui d’un contrat de culture classique « car le terrain mis à la disposition est propriété de l’EPA Paris-Saclay. Le pépiniériste n’est donc pas taxé pour sa production, qui est destinée au seul usage de l’EPA », précise-t-il.

Pas une première, mais tout de même une initiative novatrice !

Idris Mouhedin, qui dirige le groupement Synfolia, a répondu à l’appel d’offres de l’EPA car il estimait la démarche de produire sur place intéressante. C’est la seconde fois qu’il répondait à une telle sollicitation. Auparavant, son dossier n’avait pas été retenu pour un autre chantier de taille plus modeste. Il précise qu’un programme similaire est en cours via une autre­ pépinière pour la ville de Caen (14). L’idée de produire in situ n’est donc pas une première chez les donneurs d’ordres et semble se développer. « Nous avons un salarié qui habite tout près de la future pépinière­, ce qui va faci­liter la gestion des cultures, précise Idris Mouhedin.Nous allons disposer sur place d’un conteneur de stockage qui permettra d’avoir à demeure un tracteur et une arracheuse Holmac, ainsi que le reste du matériel. Nous allons planter dans les prochaines semaines, dès que le climat le permettra, des tiges en 10/12 que nous devrons ensuite arracher en 16/18, la taille qui est prévue pour les plantations. »

En saison, une personne devrait passer dans les cultures une journée par semaine et le suivi de l’arrosage sera effectué à distance. Le vandalisme est estimé peu probable par les donneurs d’ordres mais, si besoin, une vidéosurveillance pourrait aussi être mise en place.

Reste à fixer définitivement la liste des essences à implanter (lire l’encadré) et les premiers sujets pourront prendre place près des bureaux des chercheurs de la zone, ceux de l’Inrae, par exemple. Leurs équipes pourront alors assister au tuteurage, au suivi des cultures, etc.

Cette proximité pourrait-elle avoir un effet de sensibilisation à la filière horticole profitable pour la profession et constituer un autre bienfait du choix de cultiver au sein de la zone du chantier ? Pourquoi pas, mais il faudra attendre quelques années pour le savoir !

Pascal Fayolle

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