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Des plantes au service de la ville

Les végétaux n’apportent pas qu’un confort thermique en rafraîchissant l’air. Ils atténuent certaines causes du changement climatique, notamment comme puits de carbone. L’Ademe mène de nombreuses études et propose un outil pour guider dans le choix des essences les plus appropriées à planter.

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La végétation a des effets très perceptibles pour rafraîchir le climat ur­bain. Par ailleurs, elle a un impact­ global potentiel pour atténuer certains effets du changement climatique, en aidant à limiter la concentration des gaz à effet de serre (GES). Il est possible d’agir en conséquence dans la gestion des espaces et le choix des essences.

Sarah Marquet, ingénieure animatrice au Pôle aménagement des villes et territoires à la direction adaptation, aménagement et trajectoires bas carbone de l’Ademe*, a illustré ces constats le 5 février 2020 à Hyères (83), lors d’une journée nationale du réseau Astredhor sur « Le végétal, une ressource aux usages multiples ».

Elle a proposé une synthèse des résultats de travaux et connaissances accumulées par l’Ademe, qui se dit désormais agence de la transition écologique. Des informations en grande partie issues du document maison « Aménager avec la nature en ville » (1).

Arboclimat : un outil d’aide à la décision de plantation

L’arbre en ville présente de multiples bénéfices, notamment en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.

Arboclimat (2) est l’outil le plus concret qu’ait présenté Sarah Marquet. Commandité par l’Ademe et le conseil régional des Hauts-de-France, développé par l’Atelier Colin et Poli Paysages, E6 et Symbios’in, l’outil a permis d’évaluer les projets de plantation d’arbres vis-à-vis de leur impact, notamment sur la séquestration de carbone (de CO2). Quel impact sur le stock de carbone d’une collectivité quand elle urba­nise (imperméabilise) un espace boisé, lorsqu’elle perd des arbres (morts, coupés…), ou, au contraire, quand elle plante ou valorise le bois ? Les résultats des simulations aident à choisir les essences parmi les mieux adaptées dans divers scénarios de plantation, en fonction des usages. Arboclimat a été élaboré et essayé en collaboration avec les villes de Grande-Synthe et de Lille (59). 72 essences d’arbres ont été testées à maturité et identifiées comme remarquables pour la région concernée, les Hauts-de-France. L’étude s’intéresse aux îlots de chaleur urbains, mais élargit les questionnements à d’autres enjeux tels la qualité de l’air et la biodiversité, le potentiel non allergisant… Une seconde version d’Arboclimat doit aborder davantage d’essences. Cet outil pourrait être étendu, adapté à d’autres régions.

Des arbres pour séquestrer le CO2

Concernant l’aspect global de l’impact de la végétation sur l’atténuation des effets du changement climatique, Sarah Marquet a rappelé comment les plantes vont limiter la concentration des GES.

Ce sont essentiellement les arbres (des racines aux feuilles, en passant par le tronc et les branches) qui ont une capacité prouvée à séquestrer le CO2 de l’atmosphère, lors de la photosynthèse. Puis la fixation dans un « réservoir » s’effectue après dégradation sous forme de matière orga­nique. On parle d’effet « puits de carbone », ou « puits de méthane » pour les sols.

Ce stockage varie selon les essences, l’âge, le climat, les pratiques culturales, l’environnement. On mesure un bilan global tout au long de la durée de vie de l’arbre. Il est un « émetteur net » de CO2 quand il est jeune, et plutôt un « stockeur net » en prenant de l’âge.

Les pelouses (racines et sol) ont montré un effet de stockage de CO2, surtout dans les terres stabilisées. Cette capacité varie, avec de fortes disparités selon le mode d’entretien. Elle reste beaucoup plus limitée que celle des arbres.

Les toitures végétalisées ont un effet très variable, selon le climat, le substrat, les espèces choisies et la gestion (irrigation, fertilisation…)… Elles sont plutôt émettrices nettes à l’installation, puis ont une action de stockeuses nettes si elles sont gérées durablement.

Selon Sarah Marquet, les végétaux ne vont pas compenser toutes les émissions de CO2 en ville, mais ils peuvent participer à leur réduction. Un projet de recherche a été retenu pour approfondir les connaissances sur ce thème. « Attention, donc, à éviter l’imperméabilisation des sols, à préserver l’existant au moment des plantations. Et à bien gérer ce capital vert… jusqu’à la bonne utilisation des biomatériaux comme le bois : le “bois-énergie” est estimé dix fois moins émetteur de CO2 que le fioul, le gaz ou encore le charbon », assure-t-elle.

La végétalisation pour participer au rafraîchissement urbain

Différents types de végétation permettent d’« éviter la surchauffe urbaine (îlots de chaleur). Le soleil, les surfaces minérales et les activités humaines (en particulier l’industrie, les transports, la climatisation)... induisent des variations de 2 à 12 °C en ville, par rapport aux zones ru­rales avoisinantes. Surtout la nuit, par restitution­, et encore plus dans les rues étroites dites “canyons”. Mais la végétation apporte beaucoup de solutions, rassure Sarah Marquet. Si et seulement si le feuillage est bien développé, bien dense, il absorbe et réfléchit significativement les rayons solaires. Sans oublier son effet d’ombrage. Évaporation et transpiration rafraîchissent l’air à proximité. Encore faut-il que les plantes disposent de suffisamment d’eau. »

Le quartier du Trapèze, à Boulogne-Billancourt (92), de 37,5 ha, a été étudié. Il a fait suite à la reconversion­ d’un site industriel historique de Renault. 15 000 habitants et 12 000 salariés fréquentent le lieu. Parmi les aménagements phares : un parc de 7 ha parallèle à la Seine, des cours plantées, des façades et toitures végétalisées, un maillage vert doté de noues et une grande étendue d’eau.

Ces différents types d’éléments paysagers ont présenté un potentiel différent en matière de rafraîchissement de l’atmosphère urbaine. Les études restent complexes car il y a au moins une vingtaine de critères à prendre en compte.

Les arbres ont le plus fort potentiel pour apporter un réel confort climatique aux citadins… s’ils sont bien placés, s’ils ont assez d’eau. À 1,20 m (à hauteur de piéton), la température peut baisser de 0,7 à 2 °C par rapport à un trottoir asphalté sans arbre. Ou avec une pelouse comparée à une zone bâtie ou un parking à proximité. Un arbre mature peut évaporer 450 l d’eau par jour, un rafraîchissement équivalent à cinq climatiseurs qui fonctionnent vingt heures par jour… tout en évitant les effets secondaires (production de chaleur). L’effet d’un parc varie bien sûr en fonction de sa taille, de sa position, du stock d’eau des sols, de la densité de végétation, du vent… Dans un parc de 20 ha à Valence, en Es­pagne, une baisse allant jusqu’à 2,5 °C a été constatée par rapport à des zones construites à proximité, ou encore - 3 °C dans un parc de 200 ha à Berlin, en Allemagne.

« Grâce aux toitures et façades végétalisées bien irriguées, pendant le mois le plus chaud dans des “rues canyons” de neuf villes dans le monde, aux climats contrastés, il a été constaté de - 3,6 à - 11,3 °C à l’heure la plus brûlante et une réduction moyenne des températures de 3 à 9,1 °C en moyenne durant la journée », rapporte Sarah Marquet, qui invite aussi à ne pas oublier les plantes grimpantes.

Sur son site (www.ademe.fr), l’agence de la transition écologique apporte des avis, des cahiers techniques, des solutions et modes d’emploi, des états des lieux et des méthodes de diagnostic, des expériences territoriales et exemples à suivre… afin de prévenir le changement climatique et de s’y adapter.

Odile Maillard

*Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

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