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Offrir gîte et couvertà la faune auxiliaire

Le projet Hab’Alim mobilise durant plus de trois ans les filières de l’horticulture et du maraîchage, ainsi que d’autres acteurs, avec un objectif commun : trouver des végétaux et des stratégies pour favoriser les espèces prédatrices de ravageurs.

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«Le projet expérimental Hab’Alim a pour objectif de créer un “écosystème dans l’agrosystème” en faveur de la biodiversité fonctionnelle. Celle-ci participera à la protection biologique intégrée des cultures », a témoigné Ange Lhoste-Drouineau, ingénieure d’expérimentation au Scradh (réseau Astredhor Méditerranée). Elle présentait pour la première fois ce concept dans le cadre des Journées techniques nationales d’Astredhor, « Le végétal, une ressource aux usages multiples »*, le 5 février 2020 au Forum du casino de Hyères (83).

Trois ans et demi de travail collectif pour lever les freins techniques

Dans les cultures horticoles, le végétal est envisagé et testé comme un véritable gîte et/ou comme une réelle source alimentaire qui favorise le maintien de la faune auxiliaire indigène, et donc les animaux utiles à la protection des cultures. C’est l’un des enjeux dans les stratégies dites « de lutte biologique », sous abris comme à l’extérieur. Pour que les pratiques raisonnées et agroécologiques (donc misant sur le vivant) puissent être pertinentes, « il convient de trouver des moyens et des solutions fiables, applicables et reproductibles dans la pratique des entreprises horticoles, tout au long de l’année, et qui soient viables économiquement ». C’est en tout cas ce qu’a rappelé Pierre Haberschill, producteur de jeunes plants hor­ticoles à Valdurenque (81), engagé dans la protection biologique et fréquemment déçu par les solutions commercialisées, ou par leur difficulté d’introduction dans son propre contexte.

Pour aller plus loin que les essais déjà tentés ici ou là, un véritable consortium s’est mis en place dès l’année 2020, rapprochant des organismes de recherche fondamentale (laboratoires), des experts et des stations d’expérimentation, donc de recherche appliquée sur le terrain.

Les équipes se sont donné près de trois ans et demi de travail concerté et collectif pour approfondir cette question et lever les freins techniques. Quatre cultures ont été retenues, avec deux ravageurs dans leur collimateur pour cette expérimentation : le thrips californien et les pucerons.

Hab’Alim a été mené (lire l’encadré page ci-contre) :

- à la station Scradh, à Hyères, sur roses fleurs coupées ;

- à la station Est horticole de Roville-aux-Chênes sur les rosiers paysagers ;

- au CTIFL sur les fraises en hors-sol ;

- au Grab sur les aubergines en agriculture biologique.

Auxiliaires indigènes, stratégies et réduction des coûts

Le sujet de la faune auxiliaire indigène est déjà travaillé au sein du réseau de stations Astredhor depuis 2010. Maintenant, il est impératif de connaître, identifier et évaluer précisément les possibilités pour ces animaux en termes d’hébergement grâce à des végétaux hôtes, des matériaux naturels et stables.

Les itinéraires techniques innovants sont encore à élaborer. Ils vont combiner, autant que possible, des plantes « refuges », mellifères, non récoltées – de service écosystémique –, des aliments complémentaires d’origine végétale ou animale, ou encore des matériaux « refuges ».

Il s’agit enfin de réduire sensiblement l’indicateur de fréquence de traitement (IFT**) phytosanitaire et, de ce fait, le coût de protection des parcelles. Les producteurs doivent en effet devenir rapidement autonomes.

Éprouver les stratégies combinées sur les cultures

Ange Lhoste-Drouineau a illustré ses propos avec plusieurs exemples concrets déjà éprouvés avant ce programme ou en cours d’essais.

- Les sources alimentaires

Autour d’une production de renoncules, des arums fleuris attirent les adultes de chrysopes indigènes, qui vont se nourrir du pollen. Elles vont ensuite prospecter la culture et pondre leurs œufs à proximité des pucerons des renoncules, qui vont alimenter les larves des chrysopes une fois écloses. Les adultes hiverneront aux abords des cultures.

Au Scradh, cet écosystème a déjà été validé. Johanna Villeneuve-Chasset, une spécialiste mondiale des chrysopes, a déjà identifié une dizaine d’espèces dans les environs de la station.

Cette stratégie convient également pour les auxiliaires de type syrphes et punaises prédatrices (Orius, par exemple) contre des ravageurs tels que les pucerons et les thrips.

Autre option : installer au centre d’une culture des plantes à pollen, que le vent va dif­fuser naturellement. Cette nourriture favorise l’installation d’auxiliaires omnivores et de prédateurs des ravageurs (comme les syrphes, les chrysopes, les punaises Orius…).

Troisième possibilité, le recours à de vé­ritables « compléments alimentaires » : saupoudrer de façon manuelle ou mécanique du pollen exogène, par exemple NutrimiteTM, issu du roseau à massette (Typha angustifolia). Le pollen est dispersé avec un pistolet à air comprimé au cœur de la masse végétale. Le Scradh a travaillé ce process depuis 2014 sur fleurs coupées, ainsi que sur gerbera. La station GIE (Sud-Ouest), sur poinsettia. Autre solution, des lâchers de proies du type « acariens des denrées » (Mitefood).

- Les habitats

Sont installées, à proximité ou dans les cultures, des plantes hôtes favorables à des parasitoïdes de type microguêpes, qui contrôlent les populations de pucerons.

Les cosses de sarrasin se révèlent tout à fait appropriées pour offrir un équilibre biologique idéal, en hébergeant les auxiliaires de type phytoséiides et potentiellement les proies des insectes et des acariens prédateurs.

La démarche expérimentale Hab’ Alim va être déployée, à l’avenir, dans différents systèmes de culture dans l’objectif d’améliorer les stratégies de lutte biologique, en particulier contre le thrips californien et les pucerons.

L’ensemble du travail, qui est basé sur des alliances de solutions et des stratégies combinées, constitue au fur et à mesure une base de données « qui a vocation à être largement diffusée », conclut Ange Lhoste-Drouineau, qui précise : « Chaque année, les équipes les valorisent et les transfèrent largement. Elles pourront diffuser les résultats à l’occasion de Salons, de journées techniques et de portes ouvertes, ou alors en les publiant dans des médias spécialisés et sur Internet. »

Odile Maillard

*Événement financé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et par l’interprofession Val’hor, soutenu par la région Paca, le département du Var, la métropole de Toulon et la ville de Hyères.

**IFT : indicateur de suivi de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (pesticides) à l’échelle d’une parcelle de l’exploitation agricole ou d’un groupe d’exploitations.

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