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Aux limites des prairies fleuries...

Le jardin de Pange, très ouvert sur la campagne environnante, fait la part belle aux prairies fleuries. Certaines d'entre elles ont dû être transformées en simples prairies, fauchées deux fois par an, faute d'avoir pu pérenniser les couverts, d'autres se sont transformées et ont prospéré.

Quelle perception du végétal ont les amateurs de jardins en France ? Après les Renaudies (*), nous poursuivons nos visites de sites privés ouverts au public à Pange, en Moselle. Les prairies fleuries y ont essaimé...

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Pange est un domaine particulier. Les amateurs d'Histoire retiendront qu'il est occupé par le descendant du premier propriétaire des lieux, anobli il y a plus de quatre siècles. Les amateurs de jardins apprendront qu'il a intégré avant l'heure la notion de jardin extensif, avec ses vastes prairies fleuries et son ouverture sur la campagne environnante. C'est le dixième marquis de Pange et son épouse qui ont fait renaître son jardin. Des « héritiers » très actifs qui font visiter eux-mêmes les lieux, n'hésitant pas à tenir la caisse. Elle, passe de longues heures à désherber ; lui, se consacre aux travaux de bûcheronnage, l'hiver, avec leurs deux jardiniers... En 1977, tout jeunes mariés, Édith et Roland de Pange viennent habiter le château, occupé et dévasté pendant la Seconde Guerre mondiale, transformé en institut pour enfants, puis abandonné. Ils le restaurent à partir de 1983 et, quinze ans plus tard, le conseil général de la Moselle les sollicite pour intégrer le réseau de jardins transfrontaliers « Jardins sans limites ».

Si le château a souffert, ses abords ont été bien préservés, leurs chênes tricentenaires et les rives de la Nied composant un paysage bucolique. Le paysagiste Louis Benech, mandaté pour concevoir le nouveau jardin, a créé un espace ouvert sur la campagne, riche de grandes prairies fleuries, évolutives dans le temps. La devise du lieu, « Un jardin à la campagne, une campagne dans le jardin », en résume bien l'esprit.

Comme dans la plupart des jardins de France, le nombre des visiteurs est en hausse. « Les gens rentrent peu dans les détails concernant les végétaux, remarque Roland de Pange. De temps en temps, on reçoit une personne très pointue, qui peut regretter que les plantes ne soient pas étiquetées. En fait, elles l'étaient, mais les ardoises qui portaient le nom des végétaux ont été emportés depuis un moment. »

L'espace et le public conquis par les prairies fleuries

« Les gens aiment les arbres, ils prennent le temps, passent une heure dans le jardin, deux avec la visite du château, mais nombreux sont ceux qui y passent l'après-midi, poursuit Édith de Pange. Cet endroit ressemble à ses propriétaires, ce n'est pas un musée. »

Si le jardin s'insère dans un réseau international, les visiteurs étrangers restent rares, autour de 5 %, pour 8 000 par an. Environ 80 % sont des personnes de la région. De nombreuses associations et autocaristes font le détour par Pange, situé à une quinzaine de kilomètres de Metz.

L'aspect rural et en particulier les prairies fleuries ont parfois désarçonné. « “Quand amenez-vous les moutons ?”, demandaient les plus déçus, se souvient Édith de Pange. Le tiers des visiteurs avait ce genre de réaction, surtout les hommes. Les femmes trouvaient, pour leur part, que le jardin n'était pas fleuri. » Il est vrai qu'au moment de l'inauguration, en 2003, les semis de prairies fleuries étaient encore peu nombreux dans les espaces extensifs des collectivités, quasiment absents des centres-villes et inimaginables dans les jardins de particuliers. Les choses ont bien changé depuis ! « Nous n'avons plus de réflexion de ce genre aujourd'hui », note ainsi la maîtresse des lieux.

Des mélanges courts, des semis aérés

Ces semis extensifs, qui occupent une large place dans le parc, ont, d'un point de vue technique, donné bien du fil à retordre aux propriétaires. « En 2003, l'année de la canicule, les levées de graines ont été limitées, explique Édith de Pange. Nous avons lutté contre les chardons, mais nous avons été obligés de modifier nos pratiques. Sur une partie, nous avons laissé pousser les fleurs et graminées qui voulaient s'installer. Nous fauchons deux fois par an, ce sont des zones de foin. D'autres secteurs ont évolué, conservent leur état horticole d'origine, mais se font un peu envahir par la luzerne et les chardons, que nous ne cessons d'arracher. Il y a aussi des espaces où les fleurs ont été très présentes la première année, puis remplacées par des marguerites. C'est très beau pendant un mois, mais quand les fleurs fanent, elles forment un tapis noir pas très heureux... Les prairies fleuries sont faites pour de grands espaces. Elles ne conviennent pas aux petits jardins où les plantes sont approchées de très près. » Quatre-vingt dix pour cent des visiteurs sont néanmoins séduits, prouvant que le regard du public sur les aménagements paysagers a changé. « Peut-être n'aurons-nous bientôt plus de fleurs semées ? remarque Édith de Pange. Il suffit de travailler la terre chaque année pour que les coquelicots abondent. Après certains semis d'annuelles, nous avons, l'année suivante, un tapis de vipérine, qui n'est pas forcément voulu, mais qui est très beau... »

Les techniques de semis utilisées influent aussi sur le résultat. « Au début, Louis Benech voulait des fleurs hautes. Les semis se couchaient au vent parce que nous semions trop dense. Aujourd'hui, nous choisissons des mélanges plus courts et nous semons ou resemons moins dense. » Le jardin de Pange n'est pas uniquement constitué de prairies fleuries, mais, on l'aura compris, ce sont elles qui donnent l'esprit du lieu et, surtout, qui mobilisent le plus d'énergie !

Pascal Fayolle

(*) Voir le Lien horticole n° 763 du 24 août 2011, page 11.

Gestion. « Au début, les visiteurs déçus me demandaient quand nous installerions les moutons », souligne Édith de Pange.

Fréquentation. Pange accueille environ 8 000 visiteurs par an, venant surtout de la région. Il est intégré dans le réseau des « Jardins sans limites ».

Conception. Le paysagiste Louis Benech a largement tiré parti du contexte agricole du site. Il a aussi mis en valeur les berges de la rivière locale.

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