Des variétés fruitières de l'arboriculture proposées au grand public

L'entreprise Poustousol a été créée en 1978 par Jean-Pierre Darnaud, alors à la tête d'une pépinière fruitière pour le marché professionnel (arboriculture). Une seconde activité a vu le jour pour répondre au marché naissant des jardineries et libres-services agricoles (Lisa), spécialisée dans les plants fruitiers pour le marché amateur, des arbres formés en gobelet et demi-tiges. Commercialisée dans les premiers temps en racines nues enveloppées de copeaux de bois humides ou Racinéo, la production d'arbres en conteneur s'est peu à peu développée au début des années 80. Aujourd'hui, les sujets cultivés en conteneur représentent 95 % de la production.

Maintenir et développer l'entreprise sur le site de Montélimar

En 2008, Jean-Pierre Darnaud a cédé Poustousol à Marc, Dominique et Daniel Antoine, dirigeants des pépinières Antoine, à Sainte-Livrade-sur-Lot (47). « Les pépinières Antoine produisent également des arbres fruitiers pour les secteurs professionnel et amateur. Nous connaissions donc bien ce dernier type de marché », précise Daniel Antoine, responsable commercial des pépinières Antoine et nouveau gérant de Poustousol® Productions. « Nous sommes peu d'entreprises sur ce créneau. Nous nous sommes engagés, en tant que repreneur, à maintenir et développer l'entreprise sur le site de Montélimar, ce qui était un élément décisif pour le vendeur, les offres concurrentes étant surtout motivées par la gamme variétale exclusive. Dans un premier temps, il a fallu rassurer et apporter des garanties aux clients sur les références du repreneur et quant à la continuité de l'activité. La marque Poustousol®, que nous nous engagions à conserver, est un gage de qualité par rapport aux méthodes de production et à la gamme variétale. La maîtrise complète du cycle de culture est aussi un point important pour nos clients. »

Chiffre d'affaires en progression et nouveaux investissements

« Pour assurer la viabilité de l'entreprise sur le long terme, nous avons dû réduire nos charges salariales et réorganiser le personnel », poursuit Daniel Antoine, qui est présent trois jours par semaine à Montélimar. « Nous sommes passés de vingt-cinq personnes à temps plein et dix saisonniers avant le rachat en 2008 à seulement douze permanents et huit saisonniers, tout en faisant progresser le chiffre d'affaires de 1,5 % par an dès la deuxième année. Nous avons étoffé notre réseau commercial pour couvrir toute la France. Nous visons l'ensemble des jardineries, libres-services agricoles, coopératives indépendantes et magasins de bricolage. »

Il est néanmoins difficile de prévoir, sur ce type de marché, la progression future, les ventes étant très saisonnières (inconvénient des mono-produits) et fortement tributaires des conditions météorologiques. De plus, les prix, stables depuis une dizaine d'années, ont plutôt tendance à baisser.

Pour faciliter la préparation des commandes et l'accès des transporteurs, de nouveaux locaux de 2 000 m2 vont voir le jour en 2012 à proximité de la pépinière. « Nous sommes actuellement locataires des bâtiments de conditionnement et des bureaux. Ces locaux sont éloignés de plusieurs centaines de mètres des aires de culture avec le passage de la route nationale entre les deux. Cet investissement facilitera la préparation et le regroupement des commandes, ainsi que l'amélioration de la logistique. »

Atout principal : une gamme variétale exclusive

Les variétés fruitières développées pour le marché amateur se composent d'une part de variétés classiques et d'autre part de variétés issues de sélections pour l'arboriculture fruitière. Le fait d'être en contact avec la filière arboricole facilite l'adaptation des variétés professionnelles au marché amateur. Poustousol travaille en collaboration avec des instituts de recherche variétale avec lesquels l'entreprise développe des variétés en exclusivité (voir l'encadré). Plusieurs critères sont ciblés : le goût, la bonne tenue en conservation, et, de plus en plus, la résistance aux maladies et parasites. C'est le cas, par exemple, de la pomme Juliet®, résistante à la tavelure et au puceron cendré.

Sur l'ensemble de la gamme, une ou deux nouvelles variétés sont proposées chaque année. Les variétés anciennes sont peu demandées en jardinerie et grande distribution. Elles restent sur un marché de niche très aléatoire. La pomme à cidre, par exemple, demandée il y a quelques années, l'est beaucoup moins actuellement.

Suivant les régions de France, de part et d'autre d'une ligne Lyon-Nantes, la gamme proposée dans les jardineries est différente : on trouvera plutôt des arbres à noyau dans le Sud, des poiriers et des pommiers dans le Nord. Tous fruitiers confondus, chaque point de vente présente en moyenne une trentaine de variétés.

Résister face aux généralistes

« Cet important travail sur les variétés nous permet de nous démarquer de la concurrence étrangère en provenance de Belgique, des Pays-Bas, d'Italie, d'Espagne... pays avec lesquels on ne peut pas rivaliser en termes de prix de revient. Les charges sociales, la durée du travail, l'imposition du stock... ne sont pas les mêmes. Par rapport aux importations, nous mettons aussi en avant la traçabilité de nos produits, notamment l'aspect phytosanitaire. En effet, pour des maladies ou parasites comme la sharka sur l'abricotier ou le cynips du châtaignier, les cultures sont inspectées régulièrement par les services de la Draf. »

Sur le territoire national, il est par contre plus difficile de résister à la concurrence des pépiniéristes généralistes qui se sont positionnés sur ce produit depuis les années 90, avec souvent une tendance à la baisse au niveau du prix et qui offrent, en outre, la possibilité de petites commandes en fruitiers, mais dans une gamme variétale restreinte. Le regroupement avec les commandes d'autres plantes de pépinières permet aussi d'atteindre plus facilement un franco.

Un marché saisonnier très tributaire des conditions météorologiques

Le marché fruitier amateur connaît un réel essor actuellement, que l'on peut rapprocher de l'engouement récent pour les potagers. Néanmoins, la clientèle diffère aujourd'hui des amateurs de fruits des années 70, par exemple. Les jardins, de plus en plus réduits, conduisent à adopter d'autres formes fruitières. Le gobelet d'une hauteur de tige de 70 cm est actuellement la forme la plus vendue. Autre caractéristique de cette nouvelle clientèle, les jardiniers ne veulent plus se salir, le jardin reste avant tout un loisir, pas question de planter un arbre par mauvais temps. L'automne inspire peu les jardiniers, qui préfèrent s'adonner à leur loisir aux premiers beaux jours du printemps.

Le marché s'en ressent, les conditions météo jouent fortement sur les ventes et, malgré les efforts de communication pour mettre en avant les atouts indéniables des plantations d'automne, les ventes à cette saison régressent au profit de celles de printemps, qui s'étalent de plus en plus tard jusqu'en juin. Les ventes de printemps sont aussi motivées par d'autres critères. La présence de fleurs, notamment sur les arbres fruitiers nains, incite plus facilement à l'achat, comme, dans une moindre mesure, la présence de quelques fruits déjà formés.

Enfin, au niveau des fruitiers, la saison d'automne s'arrête tôt en jardinerie. Dès la fin du mois de novembre, le marketing s'oriente sur les ventes de Noël.

Une production maîtrisée

Poustousol produit annuellement quelque 150 000 conteneurs d'arbres fruitiers, ce qui en fait une entreprise leader au plan national. La culture hors sol couvre une superficie de 11 hectares. Les plants sont d'abord cultivés en pleine terre, soit dans les propres pépinières de l'entreprise, soit en sous-traitance chez des contractants selon un cahier des charges précis et contrôlé par le chef de culture de Poustousol, qui maîtrise également l'origine des porte-greffes et greffons. Faire appel à des contractants (principalement autour de Montélimar) permet de diversifier les sites de culture et de sécuriser la production, notamment en cas de grêle.

Entre le semis du porte-greffe et l'arrachage des plants formés (gobelet ou demi-tige), il s'écoule trois années (voir l'encadré ci-dessous). Arrachés en novembre-décembre, les plants sont rempotés en conteneur de 7,5 ou 12 litres jusqu'à l'automne suivant. Cette maîtrise complète du cycle de culture est l'un des atouts de cette entreprise de la vallée du Rhône qui bénéficie, en outre, de terres meubles et d'un climat propice à la production d'arbres fruitiers à noyaux.

Lisibilité des produits

Quel que soit le type de fruitiers, la production se concentre sur des formes et des contenants bien définis. Le gobelet avec une hauteur de tronc de 70 cm (80 % de la production) et le demi-tige avec une hauteur de tronc de 120 cm pour les formes. La vente de scions ou palmettes est plus marginale. Du côté des contenants, le choix est limité au 7,5 et au 12 litres. La future gamme d'agrumes sera déclinée sur le même modèle. Aujourd'hui, les particuliers recherchent de plus en plus des produits finis et des arbres prêts à produire.

Le conteneur (95 % de la production) permet d'étaler la saison de vente : les livraisons se font dès septembre-octobre pour les ventes d'automne et de mars à juin pour celles de printemps. Le conditionnement Racinéo (3 % de la production) évite aux jardineries la mise en jauge et a l'avantage d'offrir aux clients un produit propre et pratique pour le transport (plus de salissure de terre). Ce concept offre une préservation du système racinaire pendant trois à quatre mois. Les livraisons ont lieu de novembre à février. Les ventes racines nues (2 %) concernent essentiellement les scions. Quant au prêt à planter (paramotte) constitué d'une motte en tourbe reconstituée autour des racines, il impose une taille trop importante des racines et a été abandonné.

Claude Thiery