Leds : la lumière à la carte en production horticole
La recherche de solutions économes en énergie a entraîné, dès 2004, la multiplication des essais sur l'emploi des Leds en horticulture et la mise sur le marché, depuis quatre ans, de lampes Led spécifiques. Les applications se développent peu à peu.
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Pour Erik Jansen, responsable commercial « Led horti » chez Philips, « les Leds peuvent d'ores et déjà remplacer les lampes fluorescentes et les lampes à incandescence. » Ces dernières auront d'ailleurs disparu du marché européen fin 2012. « Pour le remplacement des lampes à vapeur de sodium haute pression en horticulture, il faut compter trois ans », avance le Néerlandais. Les lampes à incandescence coûtent moins cher que les lampes Led, mais le retour sur investissement avec ces dernières peut être réalisé en trois à quatre ans grâce aux économies d'énergie et de maintenance. En revanche, les lampes Led haute puissance (« power- Led ») ne sont pas encore assez intéressantes économiquement pour remplacer totalement les lampes à vapeur de sodium haute pression pour l'éclairage d'assimilation. L'investissement pour un hectare de serre serait cinq à dix fois celui d'une installation avec des lampes sodium. La combinaison des deux types de lampe offre toutefois des résultats prometteurs, en termes d'influence sur la culture et d'économie d'énergie.
1 EFFICACITÉ LUMINEUSE ET GAIN ÉNERGÉTIQUE.
Une Led (Light-Emitting Diode) ou Del (Diode électroluminescente) est un dispositif semi-conducteur électronique qui convertit le courant électrique directement en énergie lumineuse avec une longueur d'onde (une couleur) spécifique qui dépend du matériau semi-conducteur. La lumière blanche est reconstituée à partir de la combinaison de Leds de différentes couleurs primaires ou en recouvrant des ampoules bleues d'une couche de phosphore. Une lampe Led offre une efficacité lumineuse (en lumen/watt) quatre à dix fois supérieure à celle d'une lampe à incandescence et permet une économie d'énergie de 75 à 90 % (60 % par rapport à une lampe fluorescente). Cette efficacité varie en fonction des caractéristiques thermiques du luminaire et reste inférieure à celle d'une lampe sodium haute pression : 80-100 contre 130-150 lumens/watt. En revanche, l'efficacité du rayonnement RPA (rayonnement photosynthétique actif – voir encadré ci-dessous) est à peu près équivalente pour les deux types de lampe : 1,8 à 2 micromols/watt. Dans le cas d'un éclairage d'assimilation, le gain énergétique d'un éclairage Led dépendra du nombre de lampes nécessaires pour éclairer la même surface et obtenir le même développement photosynthétique (rayonnement RPA équivalent) qu'une lampe sodium.
2 DURÉE DE VIE DES LEDS.
La durée de vie des Leds serait cinq fois supérieure à celle des lampes à vapeur de sodium haute pression et trois fois supérieure à celle des lampes à incandescence. Cette longévité en production reste à confirmer, faute d'un recul suffisant. Les lampes à vapeur de sodium haute pression doivent être remplacées après environ 10 000 heures de fonctionnement, après quoi elles commencent à perdre plus de 10 % de RPA. Les ampoules aux halogénures métalliques se déprécient encore plus rapidement et ont généralement besoin d'être changées après 8 000 heures de fonctionnement.
3 DÉGAGEMENT DE CHALEUR.
Les Leds n'émettent pas de chaleur (infrarouge) en direction des plantes. Cette caractéristique permet de rapprocher l'éclairage de la culture, d'où des applications pour des productions sur plusieurs étages (vitroplants, boutures, jeunes plants, plantes à petit développement...) : tables de culture superposées, chariot... En revanche, les Leds produisent de la chaleur vers l'arrière et nécessitent un système de refroidissement – intégré au luminaire –, sans quoi leur longévité diminue et la longueur d'onde est modifiée. L'absence de chaleur dégagée dans la serre permet un contrôle précis de l'environnement de la culture. Les lampes à vapeur de sodium haute pression produisent de la chaleur, qui peut être soit utilisée au profit de la culture, soit nécessiter l'aération de la serre et constituer un gaspillage d'énergie électrique.
4 DISTRIBUTION DE LA LUMIÈRE.
L'orientation de chaque Led dans la lampe a une grande importance sur l'uniformité de l'éclairage. Les Leds permettent de diriger avec précision la lumière sur la surface à éclairer et de supprimer toute « lumière perdue ».
En contrepartie, plusieurs modules Led peuvent être nécessaires pour éclairer uniformément la même surface de culture qu'une lampe sodium. Il faut veiller à assurer une distance optimale entre les plantes et les modules. « Un éclairage placé trop loin risque de faire s'étioler les plantes », avertit l'entreprise FloraLed (Nancy, 54). À l'inverse, un éclairage placé trop près des apex – en dessous de 25 cm – risque de les déshydrater. Par ailleurs, lorsque le luminaire est composé de Leds de différentes couleurs, une distance minimale est nécessaire pour que les longueurs d'ondes se mélangent correctement.
5 APPLICATIONS EN COURS.
Les lampes Led remplacent actuellement les lampes fluorescentes dans quelques laboratoires de recherche pour la culture de tissus in vitro (Inra, CNRS...). Elles sont également testées par des obtenteurs et producteurs de jeunes plants. L'entreprise néerlandaise Vitro Plus cultive une partie de ses vitroplants de fougère sur différents étages placés sous Leds, pour la phase de durcissement. Des producteurs mettent en place des essais à petite échelle, que ce soit en collaboration avec les fabricants (Philips, Lemnis lighting, Flowmagic, FloraLed, Osram Opto Semiconductors, Hotbox International, LumiGrow Inc...) ou dans le cadre d'un partenariat recherche/industrie/ production.
6 RECHERCHE EN EFFERVESCENCE.
Les projets sur l'usage des Leds en serre se multiplient à l'étranger. En Allemagne, l'institut de recherche horticole Weihenstephan collabore avec Osram Opto Semiconductors. À l'Université de Duisburg-Essen, un groupe de travail composé de scientifiques, fabricants et utilisateurs allemands s'est constitué cette année. La station de recherche belge PCS (Research Centre for Ornamental Plants) étudie l'influence de l'éclairage Led sur le forçage des azalées en collaboration avec Philips Lighting. Aux Pays-Bas, le centre de recherche indépendant TNO Holland et l'université de Wageningen mènent de nombreux essais sur l'influence de cet éclairage sur la croissance et le développement de différents genres, mais aussi sur leur résistance aux maladies et ravageurs. L'année dernière, l'université de Purdue (États-Unis) a reçu une subvention de 4,88 millions de dollars pour un projet de recherche de quatre ans visant à améliorer l'éclairage Led sous serre, en collaboration avec trois autres universités américaines et l'entreprise Orbital Technologies Corp. De même, le gouvernement du Canada a versé cette année près de 1,3 million de dollars à GE Lighting Solutions Canada Company pour élaborer des systèmes d'éclairage de serres à Led.
7 RÉSULTATS VARIABLES.
Sur culture de basilic (essai Weihenstephan), un éclairage Led de 14 h à 22 h en février a une influence positive par rapport à un témoin non éclairé : l'augmentation du RPA (de 35 à 120 micromols/m².s) entraîne une augmentation significative du poids frais par plante ; le ratio rouge : bleu de 6 : 1 induit une hauteur et un poids plus importants qu'avec un ratio de 1 : 1. La comparaison des Leds et des lampes sodium pour l'éclairage photosynthétique reste encore en faveur des secondes, que ce soit en termes de développement, précocité ou même consommation en énergie : essais sur rose fleur coupée (PCS), sur chrysanthème (Wageningen)... Cependant, les Leds peuvent être utilisées pour contrôler certaines fonctions physiologiques (élongation racinaire, initiation florale...) en sélectionnant une région spécifique du spectre. Il reste à étudier précisément quelle longueur d'onde est adaptée à quel genre végétal et à quel stade de développement. Chez Philips, deux biologistes mettent ainsi au point des « recettes » de longueurs d'onde par culture (rose, c h r y s a n t h è m e , kalanchoé, fraise, tomate...) selon les objectifs recherchés (rendement, qualité, enracinement...). Des centres de recherche testent cet éclairage comme alternative aux régulateurs de croissance chimiques. Selon Wageningen, l'association de lampes sodium et de Leds rouges et bleues donne des plantes en pot et à massif (pétunia, chrysanthème) plus compactes et ramifiées qu'avec la lumière du jour. Le centre PPO de Lisse (Hollande) étudie les possibilités offertes par les Leds pour contrôler le développement des bulbes forcés sur plusieurs étages.
8 DES INCERTITUDES.
Outre l'élaboration de « recettes de lumière » par culture – longueur d'onde, intensité, distribution –, l'impact de l'éclairage Led sur les conditions de travail et l'environnement cultural reste à évaluer : les couleurs émises par les Leds modifient les couleurs du végétal telles que perçues par l'oeil humain ; elles peuvent aussi avoir une influence sur les populations d'insectes, ravageurs et auxiliaires...
Valérie Vidril
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