Les graminées ornementales
Les graminées ornementales peuvent subir des attaques de bioagresseurs qu'il convient de connaître, afin d'en relativiser la gravité et, le cas échéant, d'en limiter l'extension.
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PORTRAIT DE LA PLANTE
Les graminées constituent la famille botanique des poacées. Dans le langage courant, le terme générique de « graminées » couvre également les cypéracées (notamment les laîches du genre Carex), les juncacées (Juncus, Luzula...) et les typhacées (massettes du genre Typha), d'aspect végétatif assez semblable. Toutes ces monocotylédones se caractérisent par des feuilles formées en rubans étroits, à nervures parallèles, serrées en touffes épaisses, et des tiges souples constituées de fibres. Outre leur intérêt alimentaire et économique de premier ordre dans le monde, les poacées sont largement représentées sur le territoire au sein de la flore sauvage (environ 6 000 espèces), des adventices de cultures, des gazons et des végétaux d'ornement. La gestion différenciée des espaces verts valorise les graminées ornementales, notamment en milieu urbain et dans les zones extensives. Très prisées en France depuis une quinzaine d'années pour l'ornementation des villes et villages, ce sont des plantes rustiques adaptées à des conditions environnementales très diverses. Pour faciliter leur utilisation, les espèces sont souvent classées par catégorie de hauteur : les grandes (supérieures à 1 m), les moyennes (entre 50 cm et 1 m), les petites (entre 30 et 50 cm), les basses (moins de 30 cm). S'ajoutent à ce critère, la forme de la feuille et de l'épi, la couleur du feuillage et des tiges, ou le type de système racinaire (rhizomateux, cespiteux).
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Tout écart cultural important par rapport aux exigences autoécologiques des graminées nuit à leur bon état physiologique. Les différences entre espèces sont parfois importantes. Par exemple, Melica ciliata convient aux massifs et talus ensoleillés ou semi-ombragés en terrain drainé et sec, alors qu'Andropogon gerardii, également adapté au plein soleil, préfère un sol lourd et humide. Une erreur d'appréciation se traduit au minimum par une carence nutritive, mais le tallage et l'épiaison peuvent être compromis. Le dépérissement des parties aériennes est accentué en période de stress marqué : taux de calcaire élevé pour une espèce acidophile, excès d'eau pour une plante xérophile... Pour répondre aux exigences pédoclimatiques des graminées, il est primordial de tenir compte de leur biotope d'origine (prairies naturelles, steppes, dunes, marécages, montagnes...). Ces critères sont souvent rappelés dans les catalogues des producteurs. Outre les stress physiologiques, des phytotoxicités ont parfois été observées en production horticole. Elles étaient soit consécutives à des surdosages de produits phytosanitaires, soit à des mélanges extemporanés, soit à un manque de sélectivité d'herbicides, notamment de produits destinés à détruire les mousses, algues et hépatiques.
GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES
Les graminées ornementales sont peu affectées par les parasites. Cependant, certaines espèces et variétés sont sensibles à des maladies foliaires récurrentes comme les rouilles, les oïdiums et les charbons. Les épis peuvent être atteints. Les tiges ou le système racinaire accusent plus rarement des dégâts.
Affections des parties inférieures : basse tige, gaines basales, plateau de tallage, racines
Le piétin échaudage (Gaeumannomyces graminis) est favorisé par la carence en phosphore, les apports d'amendements calciques ou d'ammonitrate. Il colonise également des plantes affaiblies par le gel, le manque de lumière, un long séjour sous la neige ou végétant dans des sols compacts et froids. Ce champignon provoque un brunissement des racines et des gaines basales des tiges. Les plantes atteintes accusent un nanisme prononcé et les épis sont stériles. Le chiendent pied-de-poule (Cynodon dactylon) est un hôte naturel, de même que d'autres graminées des genres Avena, Bromus, Festuca, Hordeum, Elymus ou Phalaris. Le piétin verse (Pseudocercosporella herpotrichoides) n'attaque que les gaines situées de 10 à 20 cm au-dessus du sol, tandis que les fusarioses (Fusarium sp.) peuvent infecter les racines, puis progresser sur les tiges jusqu'aux épis. Le piétin verse se distingue grâce à un stroma noirâtre (1) situé sous les gaines, alors que les fusarioses forment des taches striées de brun foncé. Le rhizoctone des céréales (Rhizoctonia cerealis) marque les gaines inférieures et la tige jusqu'à une hauteur de 30 cm au-dessus du sol, d'une lésion fauve bordée de brun, semblable à une « brûlure de cigarette ». Plus rarement, des champignons parasites « de faiblesse » sont détectés : pourriture noire des racines (Thielaviopsis basicola), rhizoctone brun (Rhizoctonia solani). Ces maladies endémiques sont présentes sur un grand nombre d'espèces sauvages et cultivées. Pour prévenir leur apparition, il est bon de respecter une densité optimale de plantation et d'éviter ainsi le confinement de végétation. Aucun traitement fongicide préventif n'est justifié et il n'existe pas de produit curatif. En cas de contamination, supprimer les plantes malades.
Certains ravageurs infestent les organes souterrains en massif, parfois en production de pieds-mères ou de jeunes plants. Par exemple, des asticots de tipule (Tipula sp.) dans des godets de Typha. D'autres larves terricoles rongent le système racinaire : bibions (Bibio sp.), taupins (Agriotes lineatus, Athous haemorrhoidalis), vers gris de noctuelles (Agrotis sp., Noctua sp.), vers blancs de hannetons (Amphimallon majalis, A. solstitiale, Hoplia philanthus, Melolontha melolontha, Phyllopertha horticola, Rhizotrogus aestivus, Serica brunnea). Occasionnellement, des foyers de nématodes se manifestent. Il s'agit soit d'espèces polyphages rencontrées également sur d'autres plantes vivaces cultivées, comme les nématodes des tiges et des bulbes Ditylenchus dipsaci, soit de nématodes inféodées aux graminées comme les nématodes à kystes Heterodera avenae. Les plantes infestées sont chétives, jaunissent, mais ne dépérissent pas entièrement tant que des racines sont fonctionnelles. Pour détruire les larves de tipule, de noctuelle et de hanneton, préférer la lutte biologique en arrosant le sol avec une solution de nématodes entomopathogènes Steinernema carpocapsae.
Affections des parties supérieures : épis, feuilles, pousses, tiges
Les rouilles sont courantes sous un climat favorable (hiver doux suivi d'un printemps avec des rosées nocturnes). La gravité des attaques dépend de la génétique des graminées. La rouille brune (Puccinia dispersa, P. recondita, P. triticina) produit des sores (2) de couleur brune disséminées sur les deux faces des feuilles, parfois sur les tiges. La rouille couronnée (Puccinia coronata) est hébergée par l'avoine, mais virulente sur un grand nombre de poacées. Les pustules sont allongées, jaune orangé, parfois noires, dispersées sur les deux faces des feuilles et sur les gaines. Au cours de son cycle, cette rouille alterne sur la bourdaine (Rhamnus frangula). La rouille jaune (Puccinia striiformis) apparaît de façon soudaine, sous forme de foyers. Les sores de couleur jaune sont punctiformes, disposées en séries longitudinales sur les feuilles et épis. L'oïdium (Erysiphe graminis), fréquent, provoque des taches d'un blanc poudreux et une dessiccation des tissus. Il est favorisé par les rosées matinales au printemps, puis se développe durant l'été et l'automne. L'anthracnose (Colletotrichum graminicola) produit des taches jaunes ou blanchâtres, puis brunes, notamment sur Festuca. Cette maladie est parfois associée à l'helminthosporiose (Drechslera = Helminthosporium sp.), dont les taches nécrotiques sont irrégulières et confluentes. Ces maladies peuvent être limitées par des traitements fongicides préventifs autorisés sur les gazons de graminées.
Deux principaux charbons foliaires sont rencontrés sur les graminées. Urocystis agropyri s'attaque surtout aux Poa, Agrostis et Festuca. En général, les dégâts se manifestent au printemps ou en automne. Le limbe foliaire, d'abord vert pâle à jaune, se couvre de stries noires. Puis, l'épiderme se crevasse et libère des amas sporifères brun noirâtre semblables à du charbon. L'hôte principal d'Ustilago striiformis est Holcus mollis, mais il infeste divers Agrostis, Phleum, Poa, Dactylis, Setaria, ainsi que Phalaris arundinacea. Son mycélium fructifie dans les parenchymes des feuilles, de la gaine et des hampes florales, constituant des stries parallèles aux nervures. En cas d'attaque du charbon nu de l'épi (Ustilago avenae, U. nuda, U. tritici), le grain et ses enveloppes sont envahis par des spores noires. Seul le rachis persiste. L'ergot (Clavipes purpurea) développe dans l'épi une excroissance allongée noirâtre à la place du grain. Les mildious (Sclerophthora macrospora, Sclerospora graminicola) sont décrits sur les genres Agropyrens, Agrostis, Alopecurus, Avena, Bromus, Eragrostis, Festuca, Glyceria, Holcus, Lolium, Panicum, Phalaris, Phragmites et Setaria. L'attaque débute dès la fin d'hiver par temps frais (15-16 °C) et humide, mais les dégâts sont surtout visibles en mai-juin lorsque les feuilles jaunissent. L'épiaison est partielle et les épis stériles. Les oospores se conservent jusqu'à cinq ans. Détruire sans tarder les pieds contaminés. Les myxomycètes (Didymium, Fuligo, Mucilage, Physarum...) sont des champignons mucilagineux de formes et de couleurs variables, fructifiant surtout de juin à octobre. Inesthétiques, ces moisissures n'ont aucune activité parasitaire. Au pire, la graminée jaunit à cause des fructifications qui occultent la lumière. Mais une fois les plasmodes (3) desséchés, le feuillage reverdit. Aucune intervention n'est nécessaire.
Les ravageurs des parties aériennes les plus fréquents sont les pucerons (Sitobion avenae, Metopolophium dirhodum, Rhopalosiphum padi). Certains transmettent des virus. Ils sont présents à tous les stades végétatifs, sécrètent du miellat et favorisent la fumagine. Sous l'effet des piqûres, les feuilles s'enroulent en spirale et jaunissent. Les épis colonisés avortent. Si nécessaire, effectuer des lâchers d'auxiliaires biologiques ou pulvériser un insecticide. Autre homoptère, la cicadelle des graminées (Psammotettix alienus) dépigmente sans gravité les tissus foliaires par ses prélèvements alimentaires, mais peut véhiculer des virus. Les thrips (Limothrips cerealium, L. denticornis) aspirent le contenu cellulaire des feuilles. L'épiderme prend une couleur argentée, puis brunit. Les criocères des céréales (Oulema melanopus, O. lichenis) sont des petits coléoptères, dont les larves d'aspect gluant rongent les feuilles entre les nervures. Leurs excréments noirs sont inesthétiques, mais les morsures peu signifiantes. Phalaris arundinacea y est sensible. Autres coléoptères, les altises (Chaetocnema aridula, C. hortensis, C. ferruginea) perforent les feuilles au stade adulte dès le printemps. Les dégâts larvaires s'observent en juin-juillet entre les noeuds des tiges. Par temps doux et humide, la limace grise (Deroceras reticulatum) dévore les feuilles et les pousses. En raison de ses moeurs souterraines, la limace noire (Arion hortensis) peut perforer les rhizomes. Réserver le traitement molluscicide aux jeunes plantations.
Jérôme Jullien
(1) Agglomération d'hyphes mycéliens. (2) Pustules renfermant les spores. (3) Chez les myxomycètes, masse gélatineuse de protoplasme, sans paroi délimitante et parsemée de nombreux noyaux libres.
Charbon nu de l'épi (Ustilago tritici) sur graminée. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Myxomycète (Physarum cinereum) sur graminée ornementale. PHOTO : JEAN-PIERRE GUESSARD
Rhizoctone des céréales. PHOTO : SRPV DES PAYS DE LA LOIRE
Piétin verse des graminées. PHOTO : SRPV DES PAYS DE LA LOIRE
Déformations racinaires de graminée par Heterodera avenae. PHOTO : SRPV DES PAYS DE LA LOIRE
Rouille jaune des graminées. PHOTO : SRPV DES PAYS DE LA LOIRE
Taches foliaires d'helminthosporiose. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Charbon foliaire (Ustilago striiformis) sur Phalaris arundinacea. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Asticot de tipule. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Piétin échaudage des graminées. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
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