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Espagne : la production veut rebondir et se mobilise à l'export

Que faire quand le marché intérieur s'effondre de 50 % ? Les producteurs espagnols recalibrent leurs gammes pour la demande européenne et travaillent à l'amélioration de la productivité.

Le salon Iberflora, qui a eu lieu au début du mois d'octobre à Valence (voir le Lien horticole n° 820 du 21 novembre 2012, page 6), a été l'occasion de sonder le marché espagnol en pleine restructuration. La France est, devant les Pays-Bas et l'Allemagne, le premier marché d'exportation ciblé par une péninsule ibérique très offensive...

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Au-delà de la crise économique profonde qu'affronte le pays, le marché espagnol se distingue du marché français par plusieurs handicaps structurels :

– l'habitat majoritairement urbain et la faible culture jardin des Espagnols ;

– l'atomisation des points de vente et la faible implantation de réseaux d'enseignes spécialisées à même de centraliser les commandes et la distribution ;

– l'importance des marchés de l'aménagement paysager, qui se sont effondrés avec l'éclatement de la bulle immobilière et la crise budgétaire des collectivités.

La consommation « jardin » est estimée par le panel Nielsen 2010 à 1,2 milliard d'euros, dont 25 % pour les végétaux, soit 304 millions d'euros, un niveau assez faible par rapport à d'autres pays européens (27 euros par personne et par an). Les exposants interrogés estiment la diminution de leur chiffre d'affaires à 20 % depuis le début de la crise. Compte tenu des développements à l'export, la baisse de la consommation intérieure est beaucoup plus forte, notamment sur les marchés du paysage, durement affectés par l'arrêt des programmes immobiliers et d'aménagement, tant publics que privés.

Production réduite et offensive à l'export

Que faire quand le marché intérieur s'effondre de près de 50 % ? Bien qu'il y ait peu de chiffres disponibles, nos échanges avec plusieurs organisations de producteurs et entreprises font état d'une réduction de la production de 15 à 20 % sous l'effet conjugué de disparitions d'entreprises, mais surtout de diminutions des mises en production. Les sociétés qui résistent travaillent sur le recalibrage des gammes pour la demande européenne et l'amélioration de la productivité. Ce recentrage s'accompagne d'une politique volontariste de qualité et de développement de l'exportation, tout d'abord vers la France, qui constitue le premier marché devant les Pays-Bas et, aux dires de plusieurs professionnels, le débouché « naturel » de l'Espagne. On peut donc s'attendre à des démarches commerciales plus offensives sur les transactions françaises. Conscients des tensions en Europe de l'Ouest, certains producteurs regardent aussi plus loin, vers la Russie et les pays arabes, comme les Émirats et la Turquie, qui développent de vastes programmes d'aménagements paysagers de type « méditerranéens ». Les premiers contacts sont prometteurs, mais ces marchés ne sont pas faciles à pénétrer et la menace du charançon rouge ne facilite pas l'exportation des palmiers. Par ailleurs, les marchés du Golfe sont en recherche de prix très bas.

Le « recalibrage » n'a pas le même sens pour les pépiniéristes, dont la réactivité est assujettie aux cycles de culture des végétaux, et les horticulteurs, qui diversifient leurs productions vers les plantes aromatiques, les petits légumes en pot et les petits fruits. Vicente Peris, président du salon Iberflora, voit ces développements comme des compléments, surtout orientés vers l'export : « La croissance de l'horticulture urbaine se heurte à un manque de sensibilité du consommateur espagnol : il faudrait une communication massive, avec des programmes pédagogiques. »

Une adaptation différenciée en fonction du métier

Depuis le début de la crise, les pépinières ont amorcé un virage pour passer des marchés du paysage à ceux de la distribution spécialisée, en produisant des gammes en plus petits litrages, à destination des patios et terrasses. Sur ce créneau, les producteurs espagnols se heurtent à la concurrence italienne, mais ils estiment être mieux placés en termes de rapport qualité/prix. Cette adaptation a été plus facile pour ceux qui produisent en conteneur que pour ceux qui travaillent en pleine terre. En l'absence de chantiers d'aménagement ou de construction, les stocks de gros sujets en culture gonflent et le secteur risque de vivre de nouvelles défaillances pour les entreprises qui ne pourront pas les écouler. Cette mévente est aggravée par le problème du charançon rouge du palmier, qui dissuade les acheteurs.

L'horticulture est pour sa part peu représentée à Iberflora, en raison de la date du salon. Une exception : la coopérative Corma, qui mettait en avant ses nouveaux concepts marketing (à découvrir dans une prochaine édition). Les horticulteurs rencontrés estiment qu'un salon d'automne se prête mal à la présentation de leurs gammes, plutôt axées sur le printemps. C'est pourquoi les producteurs du sud de l'Espagne, qui développent des plantes en pot de type méditerranéen, ont mis en place leur propre rendez-vous, Viveralia, en février à Alicante (1). Comme en pépinière, les entreprises font preuve de volontarisme : Raquel Novis Amaurin, responsable commerciale de Las Fresas, producteur de plantes en pot à El Ejido (Almeria), en témoigne : « Avec la crise, nous avons fait progresser nos exportations de 40 à 65 % de nos ventes, en particulier vers la France. Nous menons en parallèle une étude sur la génétique, notamment en Hibiscus et Dipladenia. Notre climat nous donne un avantage concurrentiel en termes de qualité et de chauffage ». Las Fresas produit sur une trentaine d'hectares et travaille avec un réseau de quinze sous-traitants.

Perspectives : ciel couvert, mais volonté d'aller de l'avant

Ce dynamisme affiché n'empêche pas les producteurs de s'inquiéter pour l'avenir du marché. Le récent passage de la TVA espagnole du taux réduit de 8 % à celui, normal, de 21 % (2) ne va pas arranger les choses et pourrait même sonner le glas de quelques sociétés déjà fragiles. « Les budgets publics sont en forte diminution et la production ne pourra pas répercuter la hausse de la TVA. Les commandes risquent de chuter encore de 13 % », indique Josep Pages, responsable de l'Association des pépiniéristes de Girona. La Fepex (3), association nationale des producteurs et exportateurs, monte au créneau auprès des pouvoirs publics pour demander le retour au taux réduit pour les produits ornementaux « bruts ». On peut comprendre leur émoi quand on se souvient de l'effet dévastateur qu'avait eu une telle hausse en France dans les années 90, heureusement revenue au taux réduit quelques semaines plus tard. Parallèlement, la Fepex voudrait mieux sensibiliser les collectivités locales à l'importance du végétal en ville pour le bien-être et la qualité de l'air. C'est un travail de longue haleine, freiné par des aspects culturels, mais surtout par les contraintes budgétaires très fortes des collectivités. Pour relancer la filière, la Fepex engage également son programme de certification de qualité sous le label PPQS (Plant Production Quality System). Inspiré de GlobalGap, certification de bonnes pratiques agricoles, PPQS associe qualité, traçabilité et hygiène, respect de l'environnement, santé et sécurité au travail autour de huit groupes d'exigences. Le coût estimatif de ce projet pour les entreprises sera de 1 200 euros par an. Questionné par un acheteur étranger sur la pertinence de la démarche pour une filière majoritairement exportatrice, Lennart Lovén, président d'Asocan, l'Association des producteurs des Canaries, mais également président de Union Fleurs, l'organisation internationale du commerce de gros en fleurs et plantes, a indiqué que PPQS ciblait en priorité le marché espagnol et qu'Union Fleurs oeuvrait à une correspondance et à une reconnaissance mutuelle entre les différents schémas existants au niveau international, ainsi que leur convergence autour d'un socle commun de bonnes pratiques environnementales et sociales. Ce lancement interpelle les producteurs déjà engagés dans d'autres démarches de certifications comme MPS-ABC (71 entreprises), GlobalGap ou FlorimarkTraceCert, certification de traçabilité. Il pourrait conditionner l'accès à certaines aides publiques, notamment pour la participation aux salons professionnels. L'avenir dira comment le marché et la production accueillent cette initiative.

Marie-Françoise Petitjean

(1) À Alicante du 5 au 7 février 2013. viveralia.feria-alicante.com (2) Applicable depuis le 1er septembre 2012. (3) Federación española de associaciones de productores de frutas, hortalizas, flores y plantas vivas. La Fepex rassemble trente-trois associations régionales, dont huit pour l'ornement, y compris l'Association espagnole des jardineries. Elle fédère 600 producteurs de plantes ornementales, représentant environ 80 % des exportations de fleurs et plantes. www.fepex.es

PromotionUn bus végétal a été présenté à Iberflora. L'Espagne veut valoriser l'effet positif des plantes en termes de bien-être. Mais les vents de la conjoncture sont contraires.

ProductionLes pépiniéristes espagnols ont baissé les litrages de leur production, se heurtant aux Italiens. Ils ont toutefois le sentiment de proposer un meilleur rapport qualité/prix.

AdaptationL'adaptation est plus facile pour l'horticulture, dont les cycles sont plus courts. La coopérative Corma mise, entre autres, sur le marketing.

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