Concilier viabilité hivernale et respect de l'environnement
Assurer la sécurité des usagers des routes en période de neige ou de verglas peut avoir des répercussions négatives sur l'environnement. Le plan de viabilité hivernale doit intégrer de bonnes pratiques visant à limiter cet impact. La sensibilisation des élus, des agents techniques et de la population est une étape indispensable au bon fonctionnement de ce dispositif. L'exemple d'Annemasse, en Haute-Savoie.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Dans un premier article intitulé « L'arbre urbain : en hiver, il craint le sel tout autant que le gel », paru dans le Lien horticole n° 793, du 28 mars 2012, nous avions abordé le froid, la neige, le verglas et les sels de déneigement sous l'angle des dégâts spécifiques causés aux arbres. Dans ce deuxième volet, il est question des solutions visant à réduire l'impact global sur l'environnement et des moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des usagers des routes en période de neige ou de verglas. L'ensemble de ces moyens est désigné sous le terme de « viabilité hivernale ». L'effet négatif des fondants routiers, et en particulier du chlorure de sodium, ne concerne pas seulement les arbres, mais également les autres végétaux, la faune, les rivières, les lacs et les eaux souterraines. Aujourd'hui, cette problématique est devenue une préoccupation croissante pour les collectivités territoriales. Pour aller dans le sens d'une meilleure préservation des milieux naturels, des actions doivent être menées non seulement en direction des élus et des services techniques, mais également de la population.
1 LE PLAN DE VIABILITÉ HIVERNALE
L'élaboration d'un plan de viabilité hivernale s'appuie sur des astreintes de personnels et sur la mise à disposition de moyens techniques adaptés. « Si le déneigement des routes est une pratique ancienne, l'utilisation de fondants ne s'est développée qu'à partir de la fin des années 60, plus précisément depuis les jeux Olympiques de Grenoble en 1968 », a précisé Jean Livet, expert consultant et formateur sur la viabilité hivernale lors de la 25e Arborencontre du CAUE (*) 77 consacrée à « l'arbre en conditions hivernales ». L'utilisation d'un fondant routier permet de faire fondre la pellicule de neige ou de verglas, l'emploi d'un abrasif (sable) redonnant une certaine adhérence à une surface enneigée ou verglacée. Aujourd'hui, le chlorure de sodium est le fondant auquel on a le plus souvent recours, pour sa facilité d'utilisation et son bon rapport qualité/prix, de 45 à 55 euros HT la tonne (hors transport).
2 UNE MISSION QUI RELÈVE DE DIVERS INTERLOCUTEURS
Assurer la viabilité hivernale des routes et de leurs dépendances est une mission qui relève des communes pour les voies communales, des centres d'exploitation routiers des conseils généraux pour les routes départementales hors agglomération, de l'État pour les routes nationales, et des sociétés d'autoroutes. Les voiries agricoles ou forestières sont sous la responsabilité des propriétaires privés. À noter que pour les trottoirs, ce sont des arrêtés municipaux qui fixent les obligations des riverains des voies publiques en période de neige et de verglas.
3 UNE CONSOMMATION EN AUGMENTATION CONSTANTE
Depuis la fin des années 60, la consommation de fondants routiers est en augmentation constante. Cela est principalement dû à l'accroissement du niveau de services offerts aux usagers et à la pression croissante de ces derniers vis-à-vis des collectivités territoriales. « Mais aussi à un surdosage des quantités de produits utilisés », souligne Jean Livet, qui rappelle que la bonne dose correspond à une cuillère à soupe par mètre carré ! « Sur le plan technique et réglementaire, il existe depuis une dizaine d'années un arsenal d'outils, textes et recommandations qui, s'ils étaient bien utilisés, permettraient d'enrayer la surconsommation et de limiter fortement la pollution des milieux environnants », poursuit-il. L'amélioration des pratiques passe impérativement par le développement de la sensibilisation à la toxicité des produits pour la faune et la flore, aux milieux sensibles à préserver, ainsi qu'aux bonnes pratiques (quantités à utiliser, réglage des saleuses, limitation des pertes durant le stockage et le transport...). Un travail à réaliser auprès de l'ensemble des acteurs concernés, élus, agents techniques et population.
4 EN FAVEUR DE PRATIQUES DURABLES : L'EXEMPLE D'ANNEMASSE
Dans le cadre de son deuxième programme d'actions Agenda 21 (2009-2012), la ville d'Annemasse (Haute-Savoie) a pris l'engagement d'une réduction significative du salage de l'espace public. Les résultats attendus sont la diminution de la pollution des cours d'eau et des nappes souterraines du territoire, la réduction des coûts d'achat pour la Ville et une amélioration du bilan carbone de la collectivité. Il est prévu d'utiliser plusieurs indicateurs pour évaluer l'impact de cette action, dont la mesure de la quantité annuelle de sel utilisée sur le domaine public et du nombre de jours de salage, ainsi que le suivi de la qualité de l'eau de l'Arve, la rivière principale du territoire.
La première année, durant l'hiver 2009-2010, les conditions météorologiques particulièrement défavorables (fortes précipitations neigeuses en fin de nuit) ont conduit à un gigantesque blocage de la ville durant plusieurs heures et à un fort mécontentement de la population. « Le constat a été fait que pour tenir notre engagement et permettre l'acceptation des changements de pratiques, il fallait oeuvrer dans le sens d'une plus grande implication des élus et des services techniques de la Ville dans le projet, développer en parallèle une information en direction de l'agglomération, et élaborer une action de communication plus forte et mieux ciblée vers les citoyens », explique Yann Orémus, chargé de mission développement durable de la Ville. C'est dans ce contexte qu'un séminaire « Pour une viabilité hivernale durable » a été organisé fin 2010 par la Ville en partenariat avec l'Association des maires de Haute-Savoie et la communauté de communes Faucigny-Glières, située à proximité de l'agglomération d'Annemasse. Il a permis de réunir des représentants de 70 communes, de dresser un état des lieux des connaissances et des pratiques actuelles, de mettre en avant les démarches les plus à même d'évaluer l'impact du salage et de communiquer efficacement auprès de la population. À l'issue de ce séminaire, plusieurs collectivités (Annemasse, Annecy, Megève, Thonon-les-Bains, communauté de communes Faucigny-Glières), ainsi que l'Association des maires de Haute-Savoie ont signé une déclaration d'engagement des collectivités locales « pour une viabilité hivernale durable et une réduction des épandages de sel ».
Durant l'année 2011, Annemasse a retravaillé le plan de déneigement de la commune et la décision de ne saler que la moitié du linéaire de voirie a été entérinée. Les routes de pente supérieure à 5 % ne sont pas salées pour limiter les risques de ruissellement. Des itinéraires prioritaires salés « en tant que de besoin » ont été définis, dont les itinéraires de bus. Le salage de certains espaces piétons a été prévu.
En parallèle, plusieurs actions ont été menées en direction de la population : la création d'une page Internet dédiée à la viabilité hivernale durable, la pose d'affiches aux entrées de la ville informant les automobilistes des démarches engagées, et la diffusion via le journal municipal et les présentoirs de brochures d'un dépliant « Vivre la ville sous la neige ! Moins de sel, préservons l'essentiel ». Cette plaquette rappelle les engagements de la commune, les effets néfastes des sels de déneigement, le plan de viabilité hivernale associé à une carte permettant de visualiser les voies déneigées avec ou sans salage et les voies non déneigées. En outre, elle souligne le fait qu'il est normal que la circulation routière soit perturbée en période d'épisodes de neige ou de verglas, et qu'il appartient à chacun de s'équiper en conséquence et d'adapter son comportement pendant ces événements. Une évidence que nombre de citoyens ont tendance à oublier...
Yaël Haddad
(*) Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :