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Quel est votre diagnostic ? C'est la cochenille pulvinaire de l'hortensia

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DÉTECTION

En déchirant les amas cotonneux constitués de filaments de cire blanche, de nombreuses petites vésicules de forme oblongue et de couleur blanche à jaune ivoire sont mises au jour. Ce sont des oeufs. Chaque ovisac peut en contenir de 2 000 à 3 000 et certains portent encore à l'une des extrémités une plaque ridée brune qui se détache facilement : ce sont les « restes » du corps de la femelle d'une cochenille morte au cours de la ponte. Les plantes sont ici confrontées à la cochenille pulvinaire de l'hortensia : Eupulvinaria hydrangea Steinw. Celle-ci appartient à la famille des coccidés qui se caractérise par la forme en « tortue » de la carapace de la femelle adulte et par son revêtement dur, lisse et cireux. L'écoulement d'une substance collante sous les mûriers platanes et les fumagines (champignons noirs) sur les branches confirment bien la présence d'un insecte piqueur-suceur se nourrissant de la sève élaborée de la plante et excrétant du miellat.

ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE

Considérée comme originaire du continent américain (Californie), Eupulvinaria hydrangea s'est initialement installée dans le sud de l'Europe, puis s'est progressivement répandue dans les pays d'Europe septentrionale (Allemagne, Belgique, Pays-Bas). Son arrivée à Bruxelles a été signalée en 1981. L'insecte présente une seule génération par an. Les femelles pondent sur les feuilles et à l'extrémité des jeunes rameaux au cours du mois de juin. La sécrétion de l'ovisac et la ponte durent 7 à 10 jours. Les oeufs sont protégés des agressions extérieures dans leur enveloppe cireuse. La fécondité particulièrement élevée des femelles est contrebalancée par une régulation naturelle très performante. Diverses espèces de coccinelles et de punaises exercent une assez forte prédation, notamment Exochomus quadripustulatus. Les oiseaux seraient d'actifs prédateurs en période hivernale. Un hyménoptère parasitoïde spécifique (Metaphycus melanus) joue également un rôle déterminant dans cet équilibre. Les femelles d'Eupulvinaria hydrangea meurent à la fin de la ponte et seule persiste la carapace brune ridée accrochée quelque temps à l'ovisac. Elle se détache progressivement, entraînée par le vent. Les jeunes larves mobiles apparues au mois de juin se fixent sur les feuilles – généralement à proximité de l'ovisac maternel – et se nourrissent de sève élaborée prélevée dans les tissus. À ce stade, elles sont facilement emportées par le vent qui est le vecteur principal de dissémination des cochenilles. Elles franchissent trois stades larvaires avant d'enclencher une migration descendante juste avant la chute des feuilles. Elles se regroupent sur des rameaux aoûtés de faible diamètre pour y passer l'hiver. À cette période, elles mesurent 1,5 mm de long. Elles continuent de croître et de se nourrir en ponctionnant les rameaux pendant l'hiver. Au début du printemps, lors du débourrement des arbres, l'activité des cochenilles s'accélère et une dernière mue survient, donnant naissance aux femelles adultes qui mesurent entre 4 et 5 mm de long. Les femelles matures gagnent alors la face inférieure des feuilles (migration ascendante) pour y déposer leur ponte. Aucune reproduction sexuée n'est constatée chez cette espèce dans nos régions ; il s'agit exclusivement d'une reproduction par parthénogénèse thélytoque (*).

HÔTES POSSIBLES

La cochenille pulvinaire de l'hortensia est assez polyphage. Elle colonise les hortensias (Hydrangea sp.) mais elle a été aussi observée sur plus de 60 espèces différentes. Ainsi, Acer, Aesculus, Broussonetia, Celtis, Cornus, Crataegus, Deutzia, Magnolia, Malus, Morus, Platanus, Prunus, Salix, Tilia et Viburnum peuvent être infestés. Dans les plantations urbaines, les érables et les tilleuls sont certainement les plus vulnérables.

CONFUSIONS POSSIBLES

Il existe d'autres espèces de cochenilles pulvinaires sur les arbres et les arbustes d'ornement : la pulvinaire du houx (Chloropulvinaria floccifera) qui colonise des végétaux à feuilles persistantes (houx, ifs, camélias...), la pulvinaire du marronnier d'Inde (Pulvinaria regalis) qui infecte les érables, les marronniers, les tilleuls ou les ormes, et la pulvinaire de la vigne (Pulvinaria vitis) qui s'aventure parfois sur les bouleaux et les aulnes. Des confusions sont possibles surtout avec la pulvinaire du marronnier qui partage certains hôtes avec la cochenille pulvinaire de l'hortensia. Elle est toutefois globalement moins fréquente et se distingue par une ponte plus précoce d'environ un mois (première quinzaine du mois de mai). Les femelles matures de cette cochenille effectuent à l'automne leur migration descendante vers le tronc et les branches maîtresses où se déroule la ponte. Ainsi, les ovisacs blancs de la pulvinaire du marronnier s'observent au printemps sur les charpentières des arbres alors que ceux de la cochenille pulvinaire de l'hortensia sont essentiellement localisés au revers des feuilles et apparaissent plus tard. Les ovisacs de Pulvinaria regalis sont plus « trapus » (6 x 5 x 3 mm), et ne présentent pas de stries ni d'arêtes apparentes.

CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES

Lors de fortes infestations, des arbustes et parfois des arbres peuvent dépérir sous l'effet des abondants prélèvements de sève effectués par ces cochenilles. Mais ce scénario est plutôt rare car les populations se trouvent généralement assez bien contenues par leur cortège d'agents régulateurs. Lorsque cette espèce a fait son apparition dans les années 1980 en région bruxelloise, elle a proliféré et a été responsable de nombreux dépérissements d'arbres. Une régulation naturelle s'est mise en place permettant aujourd'hui de maintenir ses populations en dessous du seuil de nuisibilité (7 à 10 ovisacs par feuille). Des nuisances liées aux écoulements de miellat et au développement de fumagine sous des arbres infestés restent toujours possibles.

Par Pierre Aversenq, expert arboricole

(*) Parthénogénèse donnant exclusivement des descendants femelles. Bibliographie : Institut bruxellois pour la gestion de l'environnement, Les cochenilles pulvinaires, brochure technique, 1994, 24 p.

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