L'oiseau de paradis : vers un nouvel en vol

Du fait de son positionnement géographique et de ses relations transfrontalières, le Creat, station d'expérimentation de la chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes et membre de l'Astredhor, est impliqué depuis déjà plusieurs années dans les programmes liés aux cultures méditerranéennes. Dans le programme européen Flormed, initié en 2009 et financé par l'Europe, la région Paca et le département des Alpes-Maritimes, les partenaires français, italiens, espagnols et grecs s'associent pour améliorer la compétitivité de la fleur coupée méditerranéenne. Le Creat agit dans la composante « Développement et innovation », où il travaille l'oiseau de paradis (Strelitzia reginae), emblématique de la Côte d'Azur, et expérimente des nouveautés dans l'objectif d'élargir la gamme de fleurs coupées méditerranéennes.

1 LA PLANTE MODÈLE : STRELITZIA REGINAE.

Les premiers essais doivent permettre de proposer un itinéraire cultural modèle, qui intègre une production respectueuse de l'environnement et une floraison adaptée au marché. Le Creat compare, en hors-sol (conteneur de 70 litres), un témoin non fertilisé avec deux modalités fertilisées par surfaçage, l'une avec un engrais organique (Phenix) et l'autre avec un engrais à diffusion lente (Basacote® Plus 9 mois).

Deux paillages sont testés en hors-sol : des copeaux de chanvre et des écorces de pin. La culture hors-sol en conteneur est comparée à la culture traditionnelle en pleine terre. Ces trois expérimentations sont conduites sur deux variétés de Strelitzia, une précoce et une classique. Les premiers résultats montrent une bonne vigueur et une floraison précoce d'environ un mois pour la variété précoce par rapport à la classique. La quantité de tiges récoltées chez les Strelitzia fertilisés avec l'engrais à libération lente est significativement supérieure aux autres modalités. Avec l'engrais organique, le rendement est au-dessus de la moyenne générale. Même si l'écorce de pin présente une très bonne performance contre les adventices, les oiseaux de paradis de cette modalité enregistrent des rendements insuffisants par rapport au témoin non paillé. La modalité copeaux de chanvre offre des résultats similaires au témoin ; sa relative efficacité vis-à-vis des adventices reste à confirmer. Les copeaux de chanvre représentent un bon compromis pour pailler la culture de Strelitzia. Le rendement de la culture en conteneur est nettement supérieur à celui de la culture en pleine terre : les plants ont une meilleure croissance, avec moins d'adventices et une récolte facilitée par la hauteur des conteneurs.

2 AUTRES ESPÈCES ÉTUDIÉES.

Une autre phase de l'essai consiste à tester de nouvelles cultures adaptables au climat méditerranéen potentiellement intéressantes pour le marché de la fleur coupée. En premier lieu, le Creat étudie le comportement d'autres espèces de Strelitzia telles que : Strelitzia nicolai, oiseau de paradis géant, et Strelitzia alba, oiseau de paradis blanc (essais en cours) ; Strelitzia juncea, oiseau de paradis sans feuille ; Strelitzia reginae 'Mandela's Gold', oiseau de paradis jaune. Ce dernier a un fort potentiel pour la fleur coupée, cependant les plants obtenus très jeunes nécessitent du temps pour leur développement (20 cm en 2010, 60 à 80 cm en 2012) et une première floraison. Strelitzia juncea possède une inflorescence similaire à Strelitzia reginae, avec une tige en moyenne plus courte (65 cm de hauteur) et une qualité souvent « extra » sinon de premier choix.

Le Creat travaille actuellement sur la famille des Zingiberaceae (Curcuma), des Anigozanthos (pattes de kangourou) et d'autres bulbeuses (Lycoris, Ornithogalum, Crinum, Amarcrinum...). Curcuma sp. s'inscrit dans la gamme de fleurs coupées originales ; plusieurs variétés avec différents coloris ont été testées avec succès. Les tiges récoltées ont une hauteur de 60 à 70 cm en moyenne. Le rendement varie de 1 à 8 tiges par rhizome et les tests confirment la bonne tenue en vase de ces fleurs : de 10 à 18 jours chez le consommateur (1). Le Curcuma provient d'Asie, mais sa production est adaptée au climat méditerranéen. Les expérimentations du Creat s'orientent vers la mise au point d'un itinéraire technique permettant de conserver et planter les rhizomes de la culture précédente, afin d'éviter un rachat systématique. Cette réduction significative des coûts de production sera évaluée au regard des aspects qualitatifs et quantitatifs. Parmi les végétaux à bulbes adaptés, les Lycoris sp. apparaissent comme des fleurs coupées intéressantes (qualité, esthétique...), cependant le rendement reste assez faible (une fleur par bulbe et par an), de même que celui des Ornithogalum (essais en cours). Les Crinum et Amarcrinum enregistrent un rendement correct avec 1 à 4 hampes florales par bulbe. Les tiges atteignent en moyenne 1 m de haut et la tenue en vase est bonne : de 6 à 8 jours chez le consommateur (2). Les Anigozanthos sp., originaires d'Australie, sont bien adaptés à notre climat. Les variétés 'Big Red', 'Bush Dawn', 'Yellow Gem', 'Orange Cross' présentent de très bons rendements avec 2 hauteurs de tiges : autour de 80 cm (15 tiges par plant et par an) et autour de 40 cm (25 tiges par plant et par an). La tenue en vase est très bonne et l'utilisation en fleurs séchées possible. Les tenues en vase de toutes les nouveautés seront confirmées par des tests effectués dans le cadre de la convention-cadre Astredhor-lnra Urih-Creat.

3 RECHERCHE DE GENRES.

Les partenaires du projet feront réaliser prochainement une étude botanique pour référencer les autres plantes qui pourraient être expérimentées en zone méditerranéenne pour la culture de la fleur coupée (morphologie et couleur de fleurs, taille, période de floraison) et connaître leurs modes de culture (méthodes de multiplication, besoins climatiques, besoins en eau, en fertilisation...). La finalité sera la réalisation d'itinéraires de culture, depuis la plantation jusqu'à la récolte, afin de produire des fiches techniques pour les producteurs.

Sophie Descamps (3)

(1) Tests menés à l'Inra-Urih de Sophia-Antipolis avec simulation du circuit de distribution dans lequel la phase consommateur débute cinq jours après la récolte. (2) Résultats non confirmés statistiquement car les tests à l'Inra-URIH de Sophia-Antipolis n'ont pas encore été réalisés. (3) Creat, chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes.